Houdaifa Ameziane, président de l'Université Abdelmalek Essaadi, dévoile les nouveaux défis que devra relever l'université pour cette rentrée universitaire marquée par un partenariat stratégique et unique en son genre avec le Conseil de la Région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, qui a mis à la disposition de l'université une enveloppe de 67,9 MDH. 5 MDH seront consacrés aux bourses sociales, soit l'équivalent de 1.250 bourses destinées aux étudiants méritants et à faible revenus. Le reste sera dédié à renforcer la capacité d'accueil. Finances News Hebdo: Quels sont les défis qui attendent l'Université Abdelmalek Essaâdi ? Houdaifa Ameziane: Les projets et les défis présents et futurs de l'Université Abdelmalek Essaâdi (UAE) sont nombreux. D'ailleurs, avec l'entrée en vigueur de la politique de la régionalisation avancée, notre région connait une extension due à l'intégration de la province d'Al-Hoceima dans son giron. De ce fait, l'élargissement de la région Tanger-Tétouan Al-Hoceima implique une augmentation du nombre de bacheliers relevant de la région auxquels il va falloir trouver une place à l'université, mais aussi le rattachement des établissements universitaires (la FST et l'ENSA d'Al-Hoceima) à l'Université Abdelmalek Essaâdi. Si l'on ajoute à cela l'évolution que connait notre région, avec les grands chantiers structurants enclenchés par SM le Roi depuis plus d'une décade maintenant, vous comprendrez que l'université est interpellée à plusieurs titres pour accompagner toute cette dynamique. Des défis en matière de gouvernance d'abord. Notre université couvrant dorénavant plus de 5 villes relevant de la région (Tétouan, Martil, Tanger, Larache et Al-Hoceima), il y a nécessité de procéder à des extensions et des investissements pour augmenter notre capacité d'accueil. Il y a lieu aussi de développer nos systèmes d'information et faciliter la circulation des données et de l'information. Sur ce plan, notre université est déjà leader en la matière, avec un environnement numérique performant à faire partager avec les nouveaux établissements qui nous rejoignent (FST et ENSA Al-Hoceima). En matière pédagogique en second lieu : la diversification de notre offre de formation sera renforcée pour répondre aux besoins du tissu économique en pleine mutation. Faire face ensuite à la massification par le développement et la généralisation de la formation en ligne ouverte à tous (Les Mooc's : cas de la Faculté Polydisciplinaire de Tétouan) et de la formation à distance (e-learning, cas de l'ENSA de Tétouan). Dans ce sens, un projet Erasmus sur l'implémentation des Mooc's «Marmooc» dans les établissements de l'enseignement supérieur, codirigé par notre université et financé par des fonds européens, a été retenu cette année par la Commission européenne pour appuyer notre stratégie. Enfin, en matière de recherche scientifique, celle-ci doit être orientée plus vers la recherche appliquée et la recherche action pour se mettre au service du développement de certaines activités industrielles de pointe qui s'installent dans la région. Je pense à l'industrie automobile, aéronautique, Big Data, mais aussi de nouveaux métiers comme la logistique, l'offshoring, le prototypage, etc. Tous ces aspects-là, nous les intégrons dorénavant dans notre stratégie de développement de l'UAE. F.N.H.: La rentrée universitaire est porteuse de nouveautés, avec notamment la Faculté de médecine. Comment le démarrage s'est-il fait ? H. A.: Une des nouveautés de la rentrée universitaire est l'ouverture de la Faculté de médecine et de pharmacie à Tanger. Ce projet constitue pour nous une grande fierté, puisqu'il était inscrit dans le plan de développement stratégique de l'université Abdelmalek Essaâdi. Il constitue aussi une première parce qu'il dote la région d'une Faculté de médecine et d'un CHU aux standards internationaux, établissements qui faisaient défaut jusqu'alors dans notre région. Cette Faculté accueille la première promotion 2016/2017 à l'ENSA Tanger au campus Ziaten, en attendant la réception des locaux toujours en construction. Cette année, la Faculté accueille un nombre limité à 110 places disponibles. Ce chiffre peut être revu à la hausse pour la rentrée 2017/2018. F.N.H.: Tanger et le Nord sont en train de devenir des pôles d'excellence au niveau économique et industriel. Comment l'Université peut-elle accompagner ce développement ? H. A.: En effet, la région est en train de devenir un pôle industriel important avec l'installation de plusieurs grandes multinationales en son sein, qu'il s'agisse de l'industrie automobile, aéronautique, chimique et parachimique, du textile-habillement ou encore de l'agro-industrie. Cette situation fait de la région le deuxième pôle industriel du Maroc après Casablanca. Pour accompagner ce développement, nous avons multiplié les partenariats avec le monde socioéconomique, pour être à l'écoute des opérateurs et connaitre leurs besoins en formation. Non seulement pour adapter notre offre initiale avec les profils de formation exigés, mais aussi pour développer la formation continue diplômante et qualifiante à l'attention d'un large public de professionnels soucieux de parfaire en permanence leurs connaissances. Nous sommes actuellement à plus de 196 filières ouvertes en 2015/2016 en formation initiale et plus de 70 filières en formation continue. Sur le plan de la recherche scientifique, l'Université ambitionne durant l'année 2016/2017 de réorganiser ses structures de recherche dans un souci de booster la production scientifique, et d'encourager la recherche appliquée et la recherche action, mais aussi de mutualiser les ressources et d'augmenter la visibilité de ses laboratoires. L'objectif majeur est d'opérationnaliser les quatre Centres de recherche existants (deux à Tanger et deux à Tétouan) en leur fournissant les moyens humains et matériels nécessaires pour les rendre productifs. Par ailleurs, deux autres grands centres de recherche vont être créés avec un appui conséquent de la région, soit une enveloppe budgétaire de plus de 10 MDH et qui vont travailler en étroite collaboration avec les grandes entités industrielles de la région. Il s'agit d'un centre de prototypage et d'un centre de recherche en plasturgie et métallurgie. Aussi, l'Université est-elle fortement présente par la recherche sur la scène internationale en publiant en moyenne 120 publications indexées. Ceci est le résultat de l'activité soutenue de ses laboratoires qui dirigent ou participent à de nombreux projets de recherche. A cet égard, faut-il le rappeler, en réponse à l'appel à projet national sur les thématiques prioritaires, l'Université Abdelmalek Essaadi a décroché 20 projets financés à hauteur de 30 MDH, dont le tiers de la subvention est destiné à l'achat des équipements scientifiques lourds. L'année 2016/2017 est promue comme année d'exécution de ces projets. Enfin, en matière de coopération, l'université est pleinement impliquée dans les deux grands programmes de l'UE, à savoir H2020 et Erasmus . Le premier programme est consacré à la recherche de pointe, alors que le deuxième vise la mise à niveau de la capacité des établissements de l'enseignement supérieur. Il faut noter que notre université s'est tournée vers le continent asiatique en signant plusieurs conventions avec les universités chinoises et japonaises (Shandong University-Chine; Jiangxi Science & Technology Normal University-chine; Soka University - Tokyo). F.N.H.: Justement, l'Université Abdelmalek Essaâdi a signé récemment une convention avec une Université chinoise pour la création d'un Institut Confucius. Pouvez-vous nous donner plus d'informations sur la portée de ce projet pour l'UAE ? H. A.: La création de cet Institut Confucius intervient dans un contexte particulièrement marqué par l'intérêt porté par SM le Roi au développement des relations bilatérales entre le Maroc et la Chine. Ensuite, le mémorandum qui porte sur des investissements importants et la réalisation de zones logistiques et résidentielles dans la région de Tanger témoigne de l'intérêt accordé par les industriels chinois à notre région. Tous ces événements ont été déterminants et nous ont poussés à militer pour la création de ce centre pour accompagner ce formidable développement économique. C'est ainsi que l'Université Abdelmalek Essaâdi a récemment accueilli une délégation chinoise présidée par CHI Zexin, vice-président de l'Université normale scientifique et technologique du Jiangxi (JXSTNU), dans le but de concrétiser le projet de création de l'Institut Confucius de la langue et culture chinoises. L'Université Abdelmalek Essaâdi connaîtra ainsi, grâce à cet Institut, l'ouverture de plusieurs centres d'enseignement de la langue et la culture chinoises au profit des étudiants de notre université, mais aussi de tous les acteurs socioéconomiques et académiques de la région. De ce fait, notre université renforcera les compétences linguistiques écrites et orales de nos lauréats et des jeunes en général qui auront un atout majeur pour intégrer les structures industrielles chinoises attendues. F.N.H.: L'Université Abdelmalek Essaâdi a amorcé depuis quelques années un revirement en matière de formation, avec une augmentation du nombre de formations professionnalisantes. Quel est l'état de la situation actuelle et quel bilan peut-on dresser ? H. A.: L'Université a fait le choix depuis quelques années maintenant de réorienter son offre de formation vers une plus grande professionnalisation. Ce choix, nous l'avons fait parce que nous sommes convaincus que le rôle de l'université du troisième millénaire ne se limite pas à transmettre le savoir seulement, mais à accompagner et faciliter l'insertion de nos lauréats dans la vie professionnelle en les dotant d'outils et de connaissances techniques et pratiques. C'est ce qui nous a poussés à mettre l'accent sur la professionnalisation et à encourager nos enseignants à proposer de plus en plus de filières techniques et professionnalisantes, en partenariat avec les opérateurs économiques. Nous sommes ainsi passés de 35% de filières professionnalisantes en 2007/2008 à plus de 70% en 2015/2016, sur un total de 196 filières. F.N.H.: L'UAE a reçu une importante bouffée d'oxygène avec près de 67 millions de dirhams de la part du Conseil de la Région. Comment sera investie cette aide et comment qualifier cette implication dans la formation supérieure ? H. A.: Pour nous préparer aux défis qui nous attendent à la rentrée universitaire et au-delà, je voudrais signaler que nous avons conclu un partenariat stratégique, premier en son genre, avec la Région Tanger - Tétouan - Al-Hoceima en vertu duquel cette dernière met à disposition de notre université une enveloppe de plus de 67,9 MDH. Une partie de cette enveloppe, soit 5 MDH, est consacrée aux bourses sociales, soit l'équivalent de 1.250 bourses destinées aux étudiants méritants et à faible revenus. Le reste, soit 62.9 MDH d'investissements, est dédié à renforcer notre capacité d'accueil par la construction de 4 blocs pédagogiques (amphithéâtres salles de cours) d'une capacité de 2.560 places supplémentaires et la création d'un nouvelle Ecole nationale de commerce et de gestion «ENCG» sur le campus d'Al-Hoceima. A cette occasion, je voudrais rendre hommage au conseil de la Région, et à son président, Ilyas El Omari, pour cette démarche citoyenne envers notre université, qui témoigne de la nouvelle stratégie de la région dans le cadre de la politique de la régionalisation avancée. Dans ce cadre, la région est appelée à contribuer de façon effective au développement économique, politique, social, culturel et environnemental de son espace, sachant que cela ne peut se faire sans la mobilisation et la mise à niveau des ressources humaines et la mise à disposition de fonds de soutien pour l'atteinte de ces objectifs. Je suis convaincu que notre région, par cette attention portée à l'Université Abdelmalek Essaadi, a bien compris cette philosophie en donnant à l'enseignement, à la formation et à l'investissement dans les ressources humaines l'importance nécessaire. Ce partenariat stratégique conclu avec le Conseil de la région est une première à l'échelle nationale et devrait être un exemple à suivre par les autres régions du Royaume.