La filiale marocaine de Bombardier Transport souhaite développer un écosystème industriel dans le ferroviaire au Maroc, dont elle serait la locomotive. L'opération séduction à destination des fournisseurs de rang 1 et 2 a déjà commencé. Au ministère de l'Industrie, on appuie l'initiative. Dupliquer dans le ferroviaire ce qu'ont fait Renault et Peugeot dans l'industrie automobile et Boeing dans l'aéronautique : voilà en somme l'objectif désormais avoué de Bombardier Transport Maroc. Installée dans le Royaume depuis 2011, la filiale marocaine du géant canadien s'est pour le moment contentée de contrats de maintenance avec l'ONCF, comme celui signé avec l'Office sur la réhabilitation de 14 trains électriques de la ligne Casa-Rabat pour une valeur de 11 millions d'euros. Trois ans plus tard, un autre contrat est signé portant cette fois-ci sur la signalisation de deux lignes (3 millions d'euros). Aujourd'hui, Bombardier Transport Maroc souhaite passer à la vitesse supérieure pour ne plus voir les juteux contrats sur le matériel roulant de l'ONCF, ou des tramways, lui passer sous le nez, au profit principalement d'Alstom. Pour cela, l'entreprise joue la carte de l'implantation industrielle locale, à travers la mise en place d'un écosystème ferroviaire marocain dont elle serait la locomotive. Une telle implantation permettrait à Bombardier de servir et le marché marocain – et donc de rafler les futurs contrats de l'ONCF - et africain où le potentiel de croissance y est plus que séduisant : la croissance du secteur ferroviaire y est estimée à 8,5% annuellement, contre une moyenne de seulement 2% dans le monde. Au-delà de ces deux marchés, l'écosystème ferroviaire en question pourrait également alimenter, en partie, les projets européens du groupe, notamment en Irlande. Si le management de Bombardier se dit prêt à se lancer dans une aventure industrielle au Maroc, encore faut-il convaincre les fournisseurs et les sous-traitants, locaux ou étrangers, de le suivre. Ces derniers étaient d'ailleurs les invités de Bombardier Transport Maroc à Casablanca, lors d'une journée de rencontres fournisseurs. Touafiq Boussaid, président de Bombardier Transport Maroc, leur a présenté ses ambitions pour le Maroc. Il a passé en revue l'énorme potentiel de croissance dont recèle le ferroviaire dans la région, au regard des immenses défis de mobilité auxquels font face les grandes métropoles africaines et du déficit criant en infrastructures. Pour répondre à ce besoin, le Maroc fait figure de plateforme industrielle idéale, comme l'a signalé T. Boussaid. «Le Maroc est l'endroit logique pour installer notre plateforme stratégique industrielle africaine. Ce pays est déjà en avance grâce à des projets d'investissement solides en matière d'infrastructure ferroviaire, de matériel roulant pour les chemins de fer et de réseaux urbains», a-t-il déclaré. Un tel écosystème permettrait de lancer des activités de production à valeur ajoutée, comme l'assemblage de trains et tramways, systèmes de transport, services, etc. «Nous avons un portefeuille de produits complets, allant du train automatisé à la gestion du parc de véhicules, en passant par les systèmes de contrôle ferroviaire et la maintenance. Nous intervenons sur toute la chaîne de valeur», précise T. Boussaid. Le modèle indien L'expérience indienne de Bombardier Transport pourrait servir d'exemple pour le Maroc, tant les similitudes sont nombreuses. «Au départ, nous avions réalisé un investissement modeste en Inde, puis nous y avons développé notre réseau de fournisseurs et créer un écosystème ferroviaire localement. Cet investissement graduel s'est fait autour d'un catalyseur local, le métro de New Dehli en l'occurrence. Aujourd'hui, nous sommes en mesure de fabriquer des trains Bombardier made in India, avec un taux d'intégration locale de 70%, et de les vendre en Australie. C'est ce que nous souhaitons reproduire ici», assure le président de Bombardier Transport Maroc. Une telle plateforme industrielle aurait bien sûr des retombées positives sur l'économie nationale, ce que n'a pas manqué de souligner Taoufiq Boussaid. La mise en place d'un écosystème ferroviaire autour de Bombardier Transport comme locomotive pourrait permettre la création de 600 emplois directs, un transfert de technologie et de formation de la main-d'œuvre, ainsi que la création d'un centre d'ingénierie à Casablanca. A terme, en devenant une plateforme de production globale, cet écosystème pourrait générer du chiffre d'affaires important à l'export. Des arguments qui ont fait mouche auprès du ministère de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et de l'Economie numérique, qui soutient Bombardier dans son opération séduction (voir encadré). Car il faudra certes convaincre les sous-traitants, mais aussi les actionnaires de Bombardier Transport des bienfaits de cet investissement. A. Elkadiri Le ministère de l'Industrie en VRP Lors de l'évènement Fournisseurs, Mamoun Bouhdoud, ministre délégué à l'Industrie, a joué les VRP de luxe de Bombardier Transport Maroc. Le ministre a ainsi rappelé les grandes lignes du Plan d'accélération industrielle (PAI) à l'assistance. Reprenant à son compte le parallèle avec les industries automobile et aéronautique, il estime que tous les ingrédients sont réunis pour développer un écosystème ferroviaire avec Bombardier Transport en locomotive. «Vous avez besoin de nous en tant que gouvernement, nous avons une vision avec le PAI, la mise à disposition du foncier et le fonds de développement industriel. Nous avons fait de l'industrie notre priorité», insiste Bouhdoud. Deux années et demie après le lancement du PAI, 425.000 emplois ont été engagés d'ici 2020. Compte tenu de l'objectif de 500.000 emplois, le ministère espère que le ferroviaire puisse contribuer aux 75.000 restants. «Nous sommes prêts à vous accompagner et à vous soutenir à y aller», conclut-il.