Hormis certaines contributions jugées symboliques, pour ne citer que les droits d'enregistrement et la taxe sur les terrains urbains non bâtis qui reste dérisoire (4 à 20 dirhams/m2 pour la zone immeuble), il n'existe pas une réelle fiscalisation du capital non productif au Maroc, susceptible de le mobiliser pour le développement économique du pays. Face à l'accentuation de la dette publique jugée périlleuse par certains et l'inflation des dépenses publiques, c'est un truisme de souligner que la marge de manoeuvre de l'Etat de se doter d'un budget lui permettant de faire face à ses besoins se réduit de plus en plus. D'où l'opportunité de procéder à la réforme générale du système fiscal encore loin de garantir l'efficacité, la rentabilité et l'équité nécessaires. Rappelons que malgré un taux de pression fiscale situé autour de 22% du PIB, on note que le taux de couverture des dépenses du Budget général de l'Etat (BGD) par les recettes fiscales ne franchit guère la barre des 62%. Partant, c'est peu de dire que l'on est encore loin du taux d'autosuffisance fiscale de 80%. Au regard de ce contexte peu reluisant des finances publiques, la fiscalisation du capital non productif ou improductif revêt une dimension autrement plus importante pour le Maroc. Une réforme allant dans le sens d'une taxation du capital «dormant» a des vertus financières, économiques et sociales. En clair, cela permettrait à la fois d'augmenter les recettes de l'Etat et d'inciter les détenteurs du capital improductif à le mobiliser afin de créer de la richesse. De plus, la fiscalisation de ce type de capital est de nature à générer une meilleure redistribution de la richesse, d'autant plus que le Maroc ne cesse de voir le fossé entre riches et pauvres se creuser, comme en témoigne la détérioration du coefficient de Gini. Un capital improductif chouchouté De l'avis de certains experts, le Maroc accuse un important retard en matière de fiscalisation du capital non productif. D'ailleurs, le professeur Najib Akesbi n'y va pas par quatre chemins. «A part quelques contributions symboliques, pour ne citer que les droits d'enregistrement, la taxe sur les terrains urbains non bâtis qui reste dérisoire (2 à 12 DH/m2 pour les zones villa, logement individuel et autres.), il n'existe pas d'imposition du capital non productif au Maroc», s'insurge-t-il. Or, nombreuses ont été les recommandations prônant de façon générale la mobilisation du capital et de l'épargne par la fiscalité pour des fins de développement économique. A ce titre, il convient de citer le rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de 2012 et celui du Cinquantenaire et du développement humain au Maroc (2005). Entendons-nous bien, il ne s'agit nullement ici de faire l'apologie du matraquage du capital par des taux d'imposition confiscatoires, ce qui serait dénué de sens. En revanche, au regard des grandes ambitions de développement du Royaume, il est impérieux de réveiller le capital «dormant» accumulé. «Pendant que le pays affiche des besoins importants en matière d'investissement et de logements, des terrains urbains non bâtis foisonnent dans les villes», assure le professeur Akesbi. A l'évidence, cette situation pour le moins paradoxale est à relier à la faible imposition des terrains urbains non bâtis, qui n'incite guère les propriétaires à construire et à créer de la valeur pour l'économie nationale. D'où l'opportunité d'instaurer une fiscalisation indexée sur la valeur vénale de ce type de bien, qui s'apprécie d'année en année. Par ce biais, l'Etat pousserait ces propriétaires dont certains se livrent à la spéculation foncière à mobiliser leur capital. Dans le cas échant, grâce à la fiscalité, celui-ci prélève une partie des plus-values réalisées sous forme d'imposition. Le poids des lobbies Il est tout à fait logique, voire légitime, de taxer plus lourdement le capital improductif que le capital productif, poumon de l'activité économique. La question qui se pose ici est de savoir pourquoi l'Etat a la main aussi légère quand il s'agit de taxer le capital non productif assimilé à la rente par certains experts. «Les intérêts et le poids des lobbies fonciers sont à l'origine de l'immobilisme du gouvernement sur le sujet de la fiscalisation du capital improductif», déplore Akesbi, qui ajoute dans la foulée: «Pour avoir étudié la question depuis les années 70, il est clair que les lobbies gouvernent en matière de fiscalité au Maroc». En définitive, même si l'amélioration de la fiscalisation du capital improductif ne résoudra pas tous les problèmes budgétaires, tout l'enjeu pour l'Etat est de mobiliser efficacement ce type de capital en dissuadant leur propriétaire de ne pas le «laisser dormir». Bien entendu, cela passera par l'instauration de taux d'imposition ni trop élevés ni trop faibles. M. Diao Surtaxation des revenus du travail ? Quelques éléments tangibles laissent indubitablement penser qu'on est en face d'un système fiscal qui sur-impose les revenus du travail et sous-impose ceux du capital. A titre d'exemple, les profits fonciers sont taxés à 20%, et ce, quel que soit le montant pouvant parfois se chiffrer à plusieurs milliers ou millions de dirhams. A l'inverse, un salarié qui perçoit, par exemple, plus de 180.000 DH par an s'acquitte de l'impôt sur le revenu (IR) au taux de 38%. Cela dit, parmi les efforts du gouvernement en matière de taxation et de mobilisation du capital non productif, d'ailleurs jugés insuffisants et partiels par certains, il y a lieu de souligner l'augmentation du taux d'imposition des plus-values réalisées sur les terrains non bâtis entrés dans le périmètre urbain. Ce taux est passé de 20 à 30%.