Les élections législatives approchent. Elles se tiendront normalement en octobre prochain. Les partis politiques ont d'ores et déjà sonné la mobilisation en vue de ces échéances qui pourraient redéfinir la carte politique du Maroc. Je n'aime pas particulièrement la politique, mais je me plais à regarder ces gens qui haranguent les foules pour quémander quelques voix, sur fond de promesses parfois aussi farfelues les unes que les autres et sous l'oeil amusé d'électeurs incrédules, même s'ils n'en donnent pas l'air. Je vais donc partager avec vous le déroulé de ce meeting auquel j'ai assisté lors des dernières législatives. C'était un samedi après-midi. Je venais de boucler une semaine mi-figue mi-raisin où j'avais régulièrement le moral dans les chaussettes. Mais, effet week-end certainement, j'avais la pêche ce jour-là et je décidai de casser la routine habituelle pour aller voir un meeting politique, mon premier depuis que je suis au Maroc. C'était tout près de chez moi. Alors, je m'y rendis à pied. En route, j'ai croisé un mec qui m'a apostrophé pour me demander 10 DH afin de pouvoir rentrer chez lui, mais j'ai décliné poliment parce que je n'avais pas un radis en poche. Une fois sur place, il y avait une foule monstre : des jeunes, des vieux, des dames, des badauds... plus attirés par la curiosité que par le discours politique. On m'a alors informé que c'était le meeting d'une grosse légume, c'est-à-dire une personne importante. Nous avons dû faire le poireau pendant une bonne heure, attendant qu'il arrive. J'étais debout à côté d'une dame coiffée d'un chapeau melon rouge qui contrastait fortement avec ses yeux en amande. Que faisait-elle là ? J'étais plongée dans mes réflexions quand j'entendis un grand brouhaha. Le fameux politique, haut comme trois pommes, venait enfin de ramener sa fraise, debout sur l'estrade, les deux mains en l'air : il avait visiblement la banane. Commença alors un long discours en arabe dont je ne comprenais que dalle, tantôt interrompu par des applaudissements, souvent par des huées. Etait-il convaincant ou racontait-il des salades ? L'auditoire rouspétait en tout cas de plus en plus, visiblement mécontent d'être pris par les politiciens, une énième fois, pour une poire. Ça allait partir en vrille. On le sentait. La foule était de plus en plus excitée. Même s'il s'échinait à parler de plus en plus fort, son discours devint inaudible. Cet homme qui, il y a quelques minutes encore, faisait une entrée triomphale, sentait la moutarde lui monter au nez et devint rouge comme une tomate. Mais que faire face à une foule hystérique de laquelle fusaient les premières insultes ? : espèce de patate !, espèce de cornichon !, gros lard !... Les premiers jets de pierres finirent par vider l'estrade de ses occupants. Les carottes étaient cuites, c'était la fin des haricots. Le politicien finit par être exfiltré in extremis. Il échappa à un lynchage certain et s'engouffra dans sa bagnole avant d'appuyer sur le champignon. A voir sa caisse, on se doute bien qu'il a du blé. Entre partisans et détracteurs, ce fut alors la bagarre générale. Je me mis alors en retrait, ce n'était pas mes oignons. J'ai eu juste le temps de m'apercevoir que la dame qui était à mes côtés avait déjà pris la poudre d'escampette, laissant sur place son chapeau melon à peine reconnaissable. En face, deux hommes s'engueulaient et se bousculaient : et quand l'un dit à l'autre qu'il avait un pois chiche dans la tête, il prit une châtaigne en pleine poire et tomba dans les pommes. Le sang se mit alors à gicler. Intervinrent alors les poulets. En quelques minutes, le panier à salade était plein : direction, le commissariat. Je finis alors par rentrer chez moi et décida de terminer mon après-midi devant la télé. Un bon film me ferait du bien : mais je suis tombé sur un navet. Cerise sur le gâteau, l'acteur principal avait un coeur d'artichaut et n'arrêtait pas de chialer. Le lendemain, évidemment, ce meeting qui s'est terminé en queue de poisson faisait les choux gras de la presse.