Dans toutes les campagnes agricoles, les cultures d'automne représentent l'axe principal de la saison, mais celles printanières jouent, elles aussi, un rôle capital tant au niveau alimentaire qu'économique. Cette filière assure une valeur ajoutée importante pour les fellahs. Ses produits complètent d'autres activités, notamment l'élevage. La campagne agricole est compromise ! Tous les professionnels en conviennent. Seuls les officiels cherchent à temporiser leur discours en persistant à soutenir qu'un redressement de la situation est possible avec l'arrivée de la pluie. En tout cas, les exploitants, surtout les petits opérant dans les zones bours, commencent à réajuster leur activité pour s'adapter à cet environnement de crise. Ils concentrent leurs efforts actuellement sur les cultures printanières pour sauver leur saison. Du fait du retard des pluies, plusieurs fellahs n'ont pas jugé utile d'emblaver les terres préférant les utiliser comme parcours pour leur bétail, ou les réserver pour les cultures tardives. Mais avec la sécheresse, les exploitants peuvent reconvertir les cultures «perdues» dans d'autres plantations, notamment les légumineuses (fèves, petit-pois, lentilles, pois chiche, haricots blancs...). «J'ai déjà investi pas moins de 6.000 DH dans un champ de blé de trois hectares. L'état végétatif des plantations ne cesse de se dégrader à cause du manque d'eau. J'ai jugé opportun de laisser mon bétail manger ce qui reste et je compte emblaver de nouveau le terrain pour cultiver des lentilles, espérant que la pluie soit au rendez-vous», explique Mohamed, fellah de la région de Sidi Hajjaj, relevant de la préfecture de Médiouna. Le cas de Mohamed est identique à celui de plusieurs autres petits exploitants qui considèrent les cultures printanières comme leur ultime espoir pour sauver leur saison, ou du moins réduire les dégâts. Intérêts multiples Pour d'autres agriculteurs, ces cultures sont également rentables car elles garantissent une marge conséquente, et permettent d'assurer un entretien du sol. «Depuis la nuit des temps, les agriculteurs pratiquent la jachère où les légumineuses jouent un rôle important. Elle permet de détruire les mauvaises herbes, d'accélérer la décomposition organique, d'ensevelir le fumier et d'enrichir la terre par des fertilisants naturels», souligne Abderrahim Mouhajir, ingénieur agronome. En effet, les légumineuses ont la particularité de résister à la chaleur et à la sécheresse. Elles ne sont pas gourmandes en eau et correspondent parfaitement au climat semi-aride du Maroc. Mais elles ne supportent pas l'inondation, l'engorgement des sols ou une grande salinité et peuvent être cultivées en rotation avec les céréales, comme le blé ou l'orge. Enfin, elles ont le don de fixer l'azote sur le sol, élément qui peut ensuite être utilisé par les cultures subséquentes. Outre l'aspect fonctionnel, l'intérêt pour les cultures printanières s'expliquent aussi par d'autres considérations, surtout de rentabilité. «Mon activité est concentrée essentiellement sur l'élevage des vaches laitières. La maîtrise des charges est fondamentale pour assurer un retour sur investissement. Les champs que je possède, sont dédiés exclusivement à la culture de maïs, d'ensilage ou d'autres cultures fourragères. Après les récoltes, je constitue un stock qui me permet de répartir mes besoins le long de l'année et de ne recourir au marché que rarement. Cela me permet de réduire considérablement le coût de production», explique Mohamed El Moutchou, éleveur dans la région de Nouaceur. Les légumineuses en vedette Les superficies emblavées pour cette filière atteignent en moyenne les 400.000 ha. Cette année, il est possible qu'elles atteignent 500.000 à 600.000 ha, du fait de la reconversion des cultures d'automne. La fève demeure la culture la plus dominante avec 56% de la superficie totale. Les légumineuses alimentaires jouent un rôle important en tant que rotation culturale avec les céréales. Leur production totale atteint en moyenne 3,11 millions de quintaux, dont 64% sont constitués de fèves. Le Maroc assure pratiquement son autosuffisance mais il recourt à l'importation pour combler le surplus de consommation lors du ramadan. La filière existe dans presque toutes les régions agricoles du Maroc bien qu'elle reste plus concentrée dans le Nord. Au niveau national, la zone Taza-Al Hoceima-Taounate concentre 27% de la superficie des légumineuses.