La loi n°104-12 a distingué les rôles du conseil et de l'administration lors de l'appréciation d'une opération de concentration économique. Le régulateur de la concurrence dresse un bilan concurrentiel et économique, il doit examiner si l'opération est de nature à porter atteinte à la concurrence (bilan concurrentiel) et, si tel était le cas, il doit apprécier si l'opération apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence (bilan économique). Quant à l'administration, elle dispose du pouvoir d'évocation d'une opération pour des motifs d'intérêt général incluant notamment l'impact social de l'opération (article 18). Le législateur marocain suivant la tradition juridique française fondée sur l'intérêt général accepte donc qu'une atteinte à la concurrence puisse être légitimement régularisée par des motifs d'intérêt général. L'alinéa trois de l'article 18 dresse une liste non exhaustive de ces motifs : «Notamment, le développement industriel, la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale ou la création ou le maintien de l'emploi». Une lecture approfondie de cette disposition pousse à se poser la question sur «la compétitivité des entreprises» : doit-elle relever du bilan économique dressé par le conseil ou fait-elle partie de l'intérêt général au sens de la loi n°104-12 évoqué par l'administration ? 2- La lutte contre les pratiques anticoncurrentielles. La loi n°104-12 interdit les pratiques anticoncurrentielles désignant les actions concertées, conventions, les ententes ou coalitions expresses ou tacites, sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. La nouvelle loi a permis au Conseil de la concurrence d'améliorer sa procédure de répression des pratiques anticoncurrentielles. Ainsi, il peut désormais poursuivre l'affaire objet de désistement des plaignants, et la traiter comme une saisine d'office (article 26). Ce qui montre le caractère objectif de son action visant l'instauration d'une concurrence libre et loyale. Le respect du secret des affaires est mieux garanti, ce principe constitue une garantie fondamentale pour les parties en cause, puisqu'il permet d'éviter au cours d'une procédure la divulgation d'informations souvent vitales pour les plaignants visés par la procédure. Il tend à instituer un équilibre entre l'accusateur et l'accusé, entre le droit de la preuve et de la contradiction et le droit au respect du secret des affaires. La protection de la confidentialité n'est pas nécessairement inconciliable avec ces principes dès lors que de telles informations confidentielles peuvent être écartées du débat. Cette conciliation est alors désirée dans la procédure du conseil qui tend d'associer à sa fonction contentieuse, les garanties attachées habituellement au procès juridictionnel. Dans ce cadre, l'article 31 de la loi relative à la liberté des prix et de la concurrence dispose que : «Sauf dans les où la communication ou la consultation de ces documents est nécessaire à l'exercice des droits de la défense d'une partie mise en cause, le président du conseil de la concurrence peut refuser à une partie la communication ou la consultation de pièces mettant en jeu le secret des affaires d'autres personnes. Dans ce cas, une version non confidentielle et un résumé des pièces ou éléments en cause lui sont accessibles». La nouvelle loi a concrétisé la possibilité donnée aux entreprises qui s'engagent à modifier leurs comportements pour l'avenir, en disposant que «lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage en outre à modifier son comportement pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer au conseil d'en tenir compte également dans la fixation du montant de la sanction» en plus de la réduction de la moitié de la sanction pécuniaire pour les entreprises qui ne contestent pas la réalité des griefs : «lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut proposer au Conseil de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue à l'article 39 de la présente loi en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié» (article 37). En effet, il s'agit d'un processus de dépénalisation qui vise à faire régner la confiance, la transparence et l'auto discipline pour les entreprises délinquantes. La loi n°104-12 montre également son aspect répressif, lorsqu'une «entreprise ou un organisme ne défère pas à une convocation ou ne répond pas dans le délai prescrit à une demande de renseignements ou de communication de pièces formulée par le Conseil de la concurrence par l'administration...» en prononçant une injonction assortie d'une astreinte. Le Conseil de la concurrence peut aussi infliger une sanction pécuniaire dans la limite de 1% du chiffre d'affaires , en cas d'obstruction à l'investigation ou à l'instruction, notamment en fournissant des renseignements incomplets ou inexacts, ou en communiquant des pièces incomplètes ou dénaturées. Le nouveau dispositif législatif de la concurrence ne sera complet qu'avec ses textes réglementaires d'application, ainsi que le travail jurisprudentiel que va entamer la Cour d'appel de Rabat en tant que juge de recours des décisions du Conseil de la concurrence. Seule la pratique va nous permettre d'analyser son action en matière de la concurrence afin d'édifier une bonne gouvernance qui répond aux défis majeurs de l'économie marocaine. Par EL BAZZIM RACHID Doctorant chercheur à la faculté des sciences juridiques économiques et sociales de Settat. Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.