50% du fonds «Mediterrania Capital II», doté d'une enveloppe de 150 millions d'euros, pourraient être alloués au Maroc. Les investisseurs étrangers ont des difficultés pour différencier le risque perçu du risque réel du marché marocain. La nouvelle loi relative aux OPCR vise également à promouvoir l'investissement étranger dans les activités de capital-investissement. Point de vue d'Albert Alsina, Founder, CEO and Managing Partner de MCP, sur le climat des affaires marocain, les opportunités d'investissement, la prime du risque... Finances News Hebdo : Le Fonds «Mediterrània Capital», créé en 2008 et doté d'un montant de 62,5 millions d'euros, consacre au Maroc 40% de la somme totale qu'il a investie. Où en êtes-vous aujourd'hui ? Albert Alsina : Le premier fonds «Fonds Mediterrania capital FCR» ou «Mediterrania capital I», doté de 62,5 millions d'euros, a été totalement investi entre 2008 et 2013. Le Maroc en a été le principal bénéficiaire avec 4 entreprises en portefeuille : San Jose Lopez (logistique et transport), Diffazur (distribution de matériel informatique), JP Industrie (menuiserie aluminium) et First Telecom (distribution télécoms). Mediterrània Capital Partners (MCP) continuera à investir au Maroc à travers le deuxième fonds d'investissement dédié à la région du Maghreb, «Mediterrania Capital II». MC II est doté d'une capacité d'investissement de 150 millions d'euros, dont 50% pourraient être alloués au Maroc. Nous avons réalisé en 2014 deux acquisitions dans le pays, à savoir Cash Plus (transfert d'argent) et CECI (assemblage de camions). Ces deux entreprises sont leaders dans leurs secteurs respectifs. Nous avons pour objectif principal de soutenir leur développement dans le marché local et en Afrique et de leur apporter tout notre savoir-faire et notre expertise technique. Nous sommes très optimistes du développement de l'économie marocaine et le rôle que peut jouer le Royaume dans la région, notamment en tant que catalyseur de l'expansion vers les marchés subsahariens. Nos entreprises visent à étendre leurs activités en Afrique, ce qui est un développement naturel. Il est primordial de les accompagner et de les outiller tout au long de ce processus d'internationalisation afin de garantir leur succès. Une politique d'accompagnement plus ouverte et flexible et un soutien financier pour ces entreprises souhaitant se développer à l'export en sont deux éléments clés. F.N.H. : Depuis le déclenchement du printemps arabe qui a frappé la quasi-totalité de la région MENA, le Maroc a pu tant bien que mal résister à la vague de protestations. La stabilité politique et économique du pays incitent-elles les investisseurs, en l'occurrence espagnols, à investir davantage au Maroc ? A. A. : En tant qu'investisseurs étrangers, nous sommes très rassurés par rapport au climat des affaires au Maroc. La stabilité politique et économique du pays ont permis de résister aux vagues de protestations. Nous restons très optimistes quant aux perspectives de croissance sur le long terme au Maroc et dans la région. Le printemps arabe a créé beaucoup d'opportunités. C'est donc une turbulence à court terme, mais une croissance sur le long terme ! C'est le meilleur moment pour investir. F.N.H. : D'après vous, comment les investissements espagnols au Maroc ont-ils évolué ces cinq dernières années ? Quels sont les secteurs les plus attractifs ? A. A. : Les investissements espagnols ont augmenté dans les PME marocaines ces dernières années, mais nous n'arrivons pas encore à combler l'écart avec les sociétés de l'Ibex 35, qui sont très présentes dans le Royaume. Les secteurs les plus attractifs pour MCP sont : le transport, la logistique, la santé, l'industrie, l'éducation et les biens de consommation. Nous sommes convaincus que la montée de la classe moyenne marocaine soutiendra la consommation et la croissance du pays durant les prochaines décennies. F.N.H. : Le printemps arabe a fait grimper la prime de risque. Cette prime est-elle toujours élevée pour le cas du Maroc ? A. A. : Aujourd'hui, les investisseurs étrangers ont des difficultés pour différencier le risque perçu du risque réel du marché marocain. Ceci est variable pour les autres marchés de la région. Nous estimons que la prime de risque reste élevée au Maroc et qu'il y a quelques problèmes structurels qui nécessitent de profondes améliorations. Par exemple, les PME marocaines n'ont toujours pas accès aux financements adéquats. Aussi, la faiblesse des échanges entre les pays du Maghreb constitue une barrière pour la croissance future. Nous estimons que la région perd ainsi entre 200 et 300 points de base de croissance. Nous sommes davantage pénalisés en tant que capital-investisseur, car le CMPC (Coût moyen pondéré du capital) est lié à plusieurs facteurs : le risque pays, celui du secteur d'activité et, en troisième position, celui de l'entreprise elle-même. Nous nous situons généralement entre 12% et 13%, ce qui reste moyennement élevé dans le contexte mondial actuel. F.N.H. : Durant ces dernières années, le Maroc a engagé plusieurs réformes visant à améliorer le climat des affaires. D'après vous, ce pari est-il gagné ? A. A. : Plusieurs réformes ont été entreprises au Maroc, qui apportent des améliorations notables que nous percevons. Le Royaume a progressé durant les dernières années dans le classement «Doing business» de la Banque mondiale, mais les procédures administratives demeurent lourdes et lentes. F.N.H. : Quel est le statut actuel de MCP ? A. A. : MCP n'est plus lié à la banque d'affaires Riva y Garcia. Nous avons réalisé un spin-off en 2013 et nous sommes aujourd'hui une structure indépendante, avec des bureaux à Accra, Alger, Barcelone, Casablanca, Tunis et le siege social à la Valette (Malte). Notre objectif principal, en tant que capital-investisseur, est de créer de la valeur durable pour nos investisseurs. De nombreux investisseurs nous ont apporté un soutien lors de la création de Mediterrània Capital Partners et lors de la levée de fonds de Mediterrania Capital II qui a été réalisée en un temps record de 12 mois. Nous comptons actuellement parmi nos investisseurs des Allemands, Néerlandais, Anglais, Américains, Français, Espagnols, Sud-africains, Luxembourgeois, etc. Cette diversité d'investisseurs est un atout majeur pour MCP. Notre équipe est également très diversifiée et comprend de nombreuses nationalités : Maroc, Algérie, Tunisie, France, Cameroun, Sénégal, etc. F.N.H. : Votre activité au Maroc se base essentiellement sur le capital-investissement. La fiscalité y afférente est-elle contraignante au Maroc par rapport à d'autres placements ? A. A. : La nouvelle loi 18-4 modifiant et complétant la loi 14-05 relative aux OPCR (Organismes de placement en capital risque), rebaptisés OPCC (Organisme de placement collectif en capital) a été adoptée récemment. Les fonds doivent maintenant investir au moins 50% dans des entreprises non cotées. La loi précédente imposait un investissement de 50% dans des PME (sous la définition marocaine – plus des petites que des moyennes entreprises). Cette nouvelle modification permet également d'obtenir une plus grande transparence fiscale. En effet, pour les fonds basés au Maroc, les plus-values réalisées étaient imposées lors de la liquidation du portefeuille, mais aussi lors de la liquidation du fonds lui-même. Désormais, ce sont uniquement ces dernières qui seront assujetties à l'impôt. Cependant, cela ne présentait pas un réel problème pour le secteur comme beaucoup de fonds ont des véhicules d'investissements externes basés à Malte, Maurice, Luxembourg, etc. Les OPCC bénéficient maintenant d'un champ d'action élargi à l'ensemble des segments du capital investissement (capital-risque, capital-développement et capital-transmission). Enfin, les OPCC peuvent à la fois détenir des actifs ou émettre des titres en devises étrangères ou qui sont régis par une législation étrangère. Ainsi, la nouvelle loi vise également à promouvoir l'investissement étranger dans les activités de capital-investissement. F.N.H. : On reproche souvent aux capital-investisseurs de ne pas privilégier le capital-risque au Maroc au profit du capital-développement. Pourquoi à votre avis ? A. A. : Le métier du capital-risque ou venture capital est plus risqué et les PME marocaines présentent une exposition forte. Les autorités marocaines doivent promouvoir l'investissement en capital-risque par la création de partenariats public-privé. D'après certaines études, seulement 20% des nouvelles entreprises survivent de la création jusqu'au seuil de rentabilité. La mise en place d'un cadre légal et fiscal attractifs peut favoriser la migration vers le capital-risque. F.N.H. : De manière générale, quelle est la rentabilité moyenne (TRI) de vos investissements? Est-ce meilleur ou moins bon qu'un investissement boursier ? A. A. : Le secteur du capital-investissement vise un TRI entre 15% et 20% environ dans les pays émergents. Le TRI cible visé par nos investisseurs se situe entre 25% et 30% au minimum. Au-delà d'un retour purement financier, notre philosophie est de créer un impact positif sur le plan social et environnemental. Nous accordons une attention très particulière à la création d'emplois, à l'emploi des femmes, aux conditions d'hygiène et de sécurité du travail et à la création de richesses au sein des communautés voisines. Le succès de nos entreprises en portefeuille est intrinsèquement lié au succès de Mediterrania Capital Partners. Notre objectif principal est de contribuer au développement des PME et à la croissance du pays.