Nous avons largement entendu parler de la réforme de la loi organique des finances qui, rappelons-le, a été appliquée entièrement pour la première fois lors de l'exercice budgétaire 2006 en réformant profondément le cadre du budget de l'Etat. L'inscription dans un tel processus de réforme constitue une opportunité pour donner une nouvelle impulsion à la modernisation de l'Etat et au renforcement à la fois de la transparence et de la performance de la gestion publique en la faisant passer d'une culture de moyens à celle de résultats grâce à une plus grande responsabilisation des gestionnaires. L'objectif de la transparence des comptes publics ne saurait être atteint sans une information financière transparente découlant d'un système financier et comptable reconnu à l'échelle internationale. Les acteurs du secteur privé deviennent de plus en plus conscients de l'importance de cet objectif de transparence, et ce à travers le passage aux normes internationales d'informations financières (IFRS, pour International financial reporting standards) depuis le règlement européen du 19 juillet 2002 sur l'adoption et l'application des normes et interprétations de l'IASB (International accounting standards board) par les entreprises cotées sur des places européennes à partir du 1er janvier 2005. Les intervenants du secteur public ne sont pas moins conscients de la pertinence de l'adoption d'un système comptable uniforme qui permettra la transparence des états financiers et leur comparabilité au niveau mondial. Ainsi, l'adhésion de la Trésorerie Générale du Royaume (TGR) en 2012 au Conseil des normes comptables internationales du secteur public (IPSASB, pour International public sector accounting standards board) fait du Maroc le 1er pays arabe et le 3ème pays africain à rejoindre cette instance internationale en charge des problématiques d'ordre comptable et financier qui vise l'adaptation du secteur public aux exigences de la mondialisation. Pour rappel, l'IPSASB, créé en 1997, publie des IPSAS traitant de l'information financière selon les méthodes de la comptabilité d'exercice et de la comptabilité de caisse. Les IPSAS relatives à la méthode de la comptabilité d'exercice se fondent sur les IFRS publiées par l'IASB, lorsque les dispositions de ces normes sont applicables au secteur public. Elles traitent également des questions d'information financière spécifiques au secteur public qui ne sont pas évoquées dans les IFRS. Les normes comptables internationales ont l'avantage de mettre en avant la situation économique de l'Etat, alors que les normes locales ont une vision plus patrimoniale. Cet alignement aux normes IPSAS améliorerait la présentation de l'information financière et réduirait les problèmes de son efficience. Au vu de ces actions, il semble bien qu'atteindre la transparence et la gouvernance n'est plus une tâche ardue. Néanmoins, il convient de souligner qu'au Maroc, les normes IPSAS ne sont applicables que par le Trésor public qui a choisi d'aligner l'ancien système de la comptabilité de l'Etat sur les normes comptables internationales en vigueur pour le secteur public. Cet alignement a été qualifié par la TGR de dimension indissociable de la réforme budgétaire lancée au Royaume. Les autres acteurs du secteur public n'ont pas encore vu leurs comptes élaborés selon le référentiel international. Le passage vers ces normes semble accuser un retard expliqué par certains obstacles d'ordre juridique ! Par ailleurs, face à cet état de fait, l'on pourra s'interroger sur la pertinence du système financier au Maroc qui connait ainsi, actuellement, la production d'informations comptables issues de différents référentiels : normes marocaines édictées par le CGNC, normes IFRS et les IPSAS. Ce manque d'harmonisation et de généralisation d'un système comptable uniforme est loin de permettre l'atteinte des objectifs escomptés de cette réforme. Il convient de souligner également que les normes internationales ne sont pas exemptes de critiques. Si on a toujours avancé la pertinence, l'intelligibilité, la fiabilité, la comparabilité...autant de caractéristiques qualitatives de l'information fournie dans les états financiers, le passage vers ces normes constitue des enjeux considérables auxquels le préparateur des comptes pourra y faire face si adaptation au contexte marocain lui échappe. En effet, plusieurs chercheurs ont démontré que la qualité informationnelle des données comptables dépend également du degré d'adaptation des normes comptables à l'environnement économique du pays dans lequel elles s'appliquent. Ces enjeux sont liés à la complexité de la mise en application de certaines normes, une possibilité de choix entre plusieurs options pour traiter la même opération, le principe de la juste valeur qui est remis en cause et fait l'objet d'un profond débat...etc. Il conviendrait alors de bien appréhender tous ces enjeux et les intégrer dans ce processus d'alignement des normes locales aux normes comptables internationales. Un alignement qui constitue pour les établissements publics marocains un vrai challenge. La réforme de la comptabilité de l'Etat constitue une mission incontournable. En effet, «les principes et règles énoncés par la loi organique des finances en matière budgétaire ne sauraient produire leur plein effet s'ils ne trouvent pas leur traduction au niveau de l'exécution de la Loi de Finances, à travers les opérations de recettes et de dépenses dont l'enregistrement est matérialisé par la comptabilité générale de l'Etat», souligne Rachid Lahrach, Chef de service au sein de la TGR. Une comptabilité qui doit être uniforme, harmonisée et généralisée. Par Karima Haoudi Chercheur en finances, Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Université Mohammed VSouissi, Rabat. Diplômée de l'Ecole nationale de commerce et de gestion (ENCG) Kénitra, option : Gestion financière et comptable.