* La pauvreté baisse mais les disparités demeurent. * Le développement humain progresse sans changer le classement PNUD du Maroc. Finances News Hebdo : Quelle est votre déduction concernant l'évolution du niveau de pauvreté au Maroc ? Ahmed Lahlimi : Globalement, elle a diminué de 17% en 1994 à 14% en 2004. Mais elle reste très forte dans le milieu rural avec 22%. Des disparités notoires persistent encore. Dans certaines régions, le niveau de pauvreté atteint jusqu'à 40%. Il y a des communes où la pauvreté a baissé. En revanche, chez d'autres elle a augmenté. Le phénomène est intimement lié à l'évolution économique. Les régions les plus vulnérables sont les régions qui sont fortement à la merci des aléas climatiques et qui ont une activité économique limitée. F. N. H. : Cependant, malgré les progrès réalisés en matière de lutte contre la pauvreté, le classement PNUD du Maroc concernant le développement humain stagne depuis des années déjà ? A. L. : Le Maroc a réalisé une amélioration continue de son développement humain depuis 1975. Mais cette progression n'a pas atteint la vitesse de croisière des autres pays qui ont des programmes plus renforcés en la matière et il y a aussi la persistance des déficits sociaux. Ce sont des chantiers de grande envergure qui nécessitent une politique d'ensemble qui fait appel à tous les intervenants. La lutte contre la pauvreté passe essentiellement par le développement. L'identification du phénomène par les chiffres et les informations est prioritaire pour son éradication. L'INDH devrait répondre à cette tâche. Elle pourra combler à terme ou du moins réduire les déficits sociaux et atténuer les disparités entre les milieux et les régions. F. N. H. : Quelles sont les nouvelles indications relatives au vieillissement de la population ? A. L. : La population marocaine a tendance à vieillir. C'est presque analogue à ce qui s'est passé dans les pays développés. L'espérance de vie augmente, la croissance démographique diminue et la pyramide des âges a tendance à se rétrécir en bas et s'élargir en haut. Ceci aura bien sûr un impact sur les retraites, sur la population active et les prévisions de l'Etat en matière d'infrastructures. Dès qu'on aura les chiffres sur l'immigration on pourra dès lors faire les projections pour 2025 et avoir les vraies tendances de l'immigration. Nous travaillons également sur les prospectives concernant le tourisme, l'agriculture et d'autres secteurs pour 2030. F. N. H. : Vous avez évoqué les activités. A ce sujet, y a-t-il des enquêtes ou des études réalisées sur l'informel ? A. L. : Le Recensement général de la population et de l'habitat (RGPH) est un travail d'ensemble qui s'intéresse à plusieurs paramètres d'une façon globale et généralisée liés surtout à la population. On va avoir l'informel dans la partie de ce que les gens déclarent faire. Mais le véritable travail sur l'informel nous allons le démarrer dans un ou deux mois. Une enquête qui va durer une année. Elle sera extrêmement fouillée. C'est une étude qui combine l'enquête sur l'informel et une enquête sur le revenu ; parce qu'au Maroc nous manquons de cette étude sur le revenu. La question à laquelle il faut répondre est : d'où viennent les revenus ? et ils sont utilisés à quoi ? et la répartition de ces revenus en matière de dépenses ? C'est-à-dire quon va s'intéresser à toute la structure de la consommation et de l'épargne. C'est un travail énorme qui va s'étaler sur une année. Mais je tiens à préciser que l'enquête va concerner l'informel licite. Pour l'illicite, on va chercher des méthodes pour le cerner. F. N. H. : Pour ce qui est des critères relatifs à la pauvreté, est-ce que vous comptez adopter des normes de l'ONU ou bien des paramètres spécifiquement locaux ? A. L. : On a adopté les deux. Les Nations Unies ont leurs standards et leurs normes en matière de recensement de la pauvreté que le Maroc a adoptés. Les niveaux de la pauvreté sont définis à l'échelle internationale mais avec des nuances selon chaque pays. Il s'agit avant tout d'un seuil de revenu journalier qui correspond à un certain niveau de calories, à savoir 1.800 par jour, et d'un niveau non alimentaire. Pour chaque pays on va trouver ce seuil qui va être calculé. Mais le problème est de savoir comment passer de ce seuil qu'on a étudié à partir d'une enquête sur la consommation des ménages sur la base d'un échantillon à un seuil de pauvreté pour chaque personne et pour chaque catégorie ? La question est de savoir comment coupler les résultats du RGPH et l'enquête sur la consommation des ménages. Ce couplage demande toute une technique et une série de travaux d'économétrie. F. N. H. : Qu'en est-il de la fiabilité de vos travaux de recensement et d'enquête ? A. L. : Le Royaume et l'Afrique du Sud sont les seuls pays africains qui ont une cartographie avancée de la pauvreté. Les deux pays ont des ressources humaines qualifiées et expérimentées. Ils adoptent des techniques d'économétrie et de démographie très avancées. Plusieurs pays arabes ou africains ont demandé de bénéficier de l'expérience et du savoir-faire marocains en matière de recensement. F. N. H. : Comment abordez-vous la question des nomades dans le recensement? A. L. : Le HCP a toutes les données sur les nomades. Ce sont des gens qui bougent. Il y a des régions et des localités qui sont concernées par leur mouvement et leur implantation. On les traite comme une section géographique fictive. Mais on cherche surtout leur origine, leur effectif et leur mode de revenu ou de consommation. F. N. H. : Quel est l'intérêt du lancement du CD et du livre sur la pauvreté par le HCP ? A. L. : D'abord, le CD permet d'avoir des données et des informations avec une cartographie bien expliquée concernant chaque ville, région ou catégorie. La deuxième chose, c'est d'avoir cette correspondance entre l'habitat et la population. On va améliorer les données du CD dès qu'on aura les statistiques sur les activités économiques et l'immigration. En avril, tous ces chiffres seront disponibles. Dès qu'il y aura du nouveau on va l'incorporer dans le CD. Cet outil pourra servir comme moyen de prévision pour les décideurs publics ou privés. Il intéresse aussi les universitaires, les étudiants et également les citoyens. Il sera disponible bientôt sur le marché. Son prix n'a pas encore été fixé, sachant que le coût du CD et du livre est de l'ordre de 1.000 DH. Mais le prix de vente va tourner autour de 300 DH. Le livre permet d'avoir des cartes et un descriptif par région, localité ou même district. C'est un document qui a demandé beaucoup de travail et beaucoup de moyens déployés. C'est le cas notamment de la pauvreté où c'est la première fois qu'on présente une cartographie détaillée du phénomène.