L'attente était grande, c'est désormais chose faite : la Bourse de Casablanca va connaître sa grande réforme, 21 ans après la dernière. Compartiments PME, nouveaux produits, cotation de sociétés étrangères : le MEF s'est plié en quatre pour proposer une réforme susceptible de sortir la Bourse de sa léthargie. Le projet de loi 19-14 relatif à la réforme de la Bourse des valeurs de Casablanca (BVC) a enfin été déposé au Secrétariat générale du gouvernement (SGG). Il était temps, diront certains, tant la course contre la montre à laquelle se livre le Royaume pour faire de Casablanca une place financière africaine de premier plan appelait une adaptation urgente du cadre législatif. Les acteurs du marché financier pointent unanimement du doigt les deux talons d'Achille dont souffre la Bourse des valeurs de Casablanca depuis maintenant 6 ans : la liquidité (le ratio de liquidité de la BVC atteint péniblement 8% contre 50% à la Bourse de Johannesburg), et le financement de l'économie. Sans parler bien sûr des autres lacunes, à savoir un marché «one way», de faibles volumes de transactions sur le marché action, des introductions en Bourse au compte-goutte, une faible diversité des produits, etc... C'est donc une réforme bienvenue que propose la Direction du trésor et des finances extérieures (DTFE) qui vise à doter la BVC des moyens de ses ambitions, à travers une nouvelle législation plus souple et répondant aux besoins exprimés ces derrières années par les opérateurs du marché. Ce projet de loi apporte plusieurs modifications majeures censées répondre à ces défis. La disposition phare de ce projet de loi concerne la mise en place de nouveaux marchés favorisant l'émergence d'autres relais de croissance. Ainsi, la Bourse sera désormais scindée en deux marchés : l'un principal, divisé en quatre compartiments, l'autre, et c'est la grande nouveauté, alternatif, exclusivement dédié aux titres de capital et titres de créances émis par des PME. L'objectif est d'améliorer leurs conditions de financement (toujours dépendant d'un secteur bancaire de plus en plus regardant sur l'octroi de crédits). Pour inciter les PME à avoir recours au marché de capitaux, des procédures allégées d'introduction en Bourse et de fonctionnement sont prévues par le projet de loi, pour que ne pèsent pas sur elles les contraintes juridiques qui peuvent occasionner des coûts élevés. Mais cet allégement ne doit pas se faire au détriment de la transparence financière et de l'information des investisseurs. De cet équilibre délicat dépendra le succès de ce marché PME. Notons que le projet de loi prévoit aussi de créer des compartiments réservés à la négociation de fonds collectifs, notamment les Exchange traded funds (ETF ou communément nommés Trackers), susceptibles de rendre le marché plus liquide, puisqu'il s'agit de fonds qui permettent de répliquer la performance d'un indice (notamment sectoriel) et peuvent être achetés ou vendus en Bourse comme des actions. L'intérêt pour les investisseurs est que ce sont des instruments moins volatiles que les actions, ce qui pourrait intéresser davantage les particuliers. Un autre changement de taille, dans le sillage de la volonté de faire de Casablanca une place financière africaine de premier plan, réside dans la possibilité pour des entreprises étrangères d'être cotées à l'un des compartiments des marchés de la BVC. A ce propos, Karim Hajji, DG de la BVC, a déjà fait part de sa volonté de démarcher des entreprises d'Afrique de l'Ouest pour les convaincre des bienfaits d'une double cotation. L'intérêt pour la BVC est double : assurer plus de liquidités, d'une part, rayonner sur l'Afrique, d'autre part. Par ailleurs, sur le plan normatif, le projet de loi prévoit une plus grande souplesse. Ainsi, les conditions de fonctionnement du marché et les critères d'admission aux différents compartiments seront désormais fixés par le règlement général de la Bourse et non dans la loi. Une disposition salutaire qui donnera plus de latitude à la BVC pour accompagner les évolutions rapides que connaît le marché boursier, sans passer par le législateur, qui n'est pas réputé pour sa promptitude. Le texte se penche également sur les activités des sociétés de Bourse. Celles-ci pourront désormais exercer des activités connexes comme l'octroi d'avances à des clients ou encore la fourniture de conseils et de services aux entreprises. Dans la même veine, le texte prévoit un encadrement des activités des conseillers en investissement. Ces métiers devront désormais bénéficier d'une habilitation délivrée par l'Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC). Ce projet de loi envoie des signaux positifs aux opérateurs et répond en partie à leurs besoins. Reste à espérer qu'il ne tardera pas à sortir du circuit législatif. La concurrence, notamment africaine, ne nous attendra pas.