Avec un taux de pénétration de 3,1%, le secteur marocain des assurances affiche une bonne santé. Néanmoins, ce taux demeure relativement bas si on le compare à des marchés plus matures qui enregistrent des taux supérieurs à 7%. Aussi, l'un des points faibles du secteur réside-t-il dans l'absence d'offres structurées en direction des populations à faibles revenus et des petites et moyennes entreprises (PME). A ce titre, la micro-assurance, en intégrant des pans entiers de la population jusque-là exclus du système d'assurance classique, apparaît de plus en plus comme un levier de croissance important pour le secteur, comme cela a été soulevé lors des «Rendez-vous de Casablanca de l'assurance». Proposer une définition de la micro-assurance n'est pas chose aisée, car elle a longtemps été considérée comme un simple sous-produit de l'assurance classique s'adressant à un segment de population, les plus vulnérables en l'occurrence. Pourtant, si le mécanisme de couverture est identique à celui de l'assurance traditionnelle, il en diffère par bien des aspects. Caroline Phily, du Fonds pour l'innovation en micro-assurance du Bureau international du travail (BIT), propose une définition qui aujourd'hui fait consensus : il s'agit, selon elle, d'un «mécanisme de protection des personnes à faibles revenus contre les risques (accidents, maladies, décès, catastrophes naturelles...), en échange du paiement de primes d'assurance adaptées à leur besoin et niveau de risque». Elle ajoute que la micro-assurance «cible principalement les travailleurs à faibles revenus, particulièrement ceux opérant dans le secteur informel et qui sont souvent mal desservis par les assureurs commerciaux». Un fort potentiel Ceci étant dit, le taux de pénétration de la micro-assurance au Maroc reste très faible puisqu'il est inférieur à 1%. Ce chiffre s'explique par la propension qu'ont les compagnies d'assurances à s'adresser uniquement aux ménages les plus aisés et aux grandes entreprises. Pourtant, à en croire Saadia Nouri, Directeur général adjoint d'Axa Assurance Maroc, le potentiel de croissance de la micro-assurance au Maroc est énorme, et ce pour deux raisons : d'une part, «le contexte socioéconomique est favorable (pauvreté, ruralité, etc...)», et d'autre part, «le tissu économique national est dominé à hauteur de 93% par les PME, dont 80% de TPE». La majorité de ces TPE exerce dans l'informel, souffrant d'une faible compétitivité et s'exposant à des risques élevés et divers pouvant occasionner des faillites. Leurs besoins en accompagnement, en financement, mais aussi en protection et en couverture contre les risques (santé, décès, aléas climatiques, etc...), sont donc immenses. Elle rappelle également que les institutions de microfinance (IMF) sont déjà bien implantées au Maroc, et pourraient constituer un relais efficace pour la distribution de produits de micro-assurance aux populations ciblées. Au regard de ce contexte, la micro-assurance pourrait, toujours selon Saadia Nouri, jouer un rôle crucial, et cela sur trois niveaux. Tout d'abord, la micro-assurance assure «un rôle de soutien aux microentrepreneurs du secteur formel et informel», par la réduction des dommages et pertes et en assurant la continuité de leurs projets (par le biais notamment de l'assurance de biens). Ensuite, elle permet aux «IMF de minimiser les risques de défaut de paiement à l'égard de ses emprunteurs (800.000 clients actifs au Maroc en 2012, 6% d'impayés) et d'assurer la pérennité de leur système» durant les périodes de crise. Enfin, elle contribue significativement au «développement de l'industrie de l'assurance» en insérant une large population de microentrepreneurs et de ménages à faibles revenus dans les circuits de l'assurance. N'oublions pas bien sûr les retombées positives en termes d'image et de responsabilité sociale pour les compagnies d'assurances. Vu sous cet angle, on a du mal à comprendre pourquoi elles ne se sont pas ruées sur ce produit. Les facteurs de succès La réponse est simple et est contenue dans la question : la micro-assurance n'est-elle pas un produit d'assurance comme un autre ? En effet, selon Sébastien Weber, directeur commercial chez Planet Guarantee, il est plus approprié de parler de «solutions d'assurance» répondant à un mode opératoire bien spécifique, prenant en compte l'ensemble des spécificités des populations cibles, et reposant sur de véritables études allant de la compréhension du contexte et des besoins jusqu'à la gestion des solutions de micro-assurance. Aujourd'hui, les retours d'expérience de par le monde sont assez nombreux pour établir une sorte de guide pratique de la micro-assurance et de ses facteurs de succès. Lesquels facteurs ont été déclinés par l'ensemble des intervenants que l'on peut résumer ainsi : en premier lieu, les produits proposés doivent être adaptés (simplicité de la police, solutions sur mesure). Dans un deuxième temps, les canaux de distribution doivent être diversifiés pour atteindre la population cible là où elle se trouve. A ce propos, Caroline Phily évoque de nombreux canaux de distribution alternatifs comme les IMF et les mutuelles, mais aussi les entreprises de service public, les bureaux de poste, les commerçants, les points de vente de téléphonie mobile, et même les hypermarchés, comme c'est le cas en Afrique du Sud. Enfin, et c'est selon C. Phily le point le plus important, la réussite de la micro-assurance nécessite «l'engagement de l'ensemble des acteurs», qu'ils soient politiques, institutionnels, éducatifs, assureurs, ou distributeurs, afin de créer un «écosystème» favorable à son développement. Ce processus coordonné, rassemblant les acteurs du privé et du public, est la condition pour accélérer la croissance du secteur. A. Elkadiri Le modèle assureurs/IMF prime au Maroc Le premier contrat de micro-assurance au Maroc a été initié conjointement par la Marocaine Vie et l'Institution marocaine d'appui à la microentreprise (INMAA) en avril 2010. Ce contrat intitulé «contrat ADE microfinance» vise à couvrir les risques de décès et d'invalidité absolue et définitive (IAD) des clients ayant bénéficié de micro-crédits de la part d'INMAA. Ainsi, en cas de décès ou d'IAD, la Marocaine Vie assure le remboursement du capital restant dû. Les primes annuelles à verser vont de 22 à 34 DH par an, selon le montant des prêts. Plus récemment, la Fondation pour le développement local et le partenariat microcrédit (FONDEP) et la compagnie d'assurances Axa Assurance Maroc (AAM) ont signé en janvier 2014 une convention de partenariat pour la commercialisation d'une offre de produits de micro-assurance au profit des clients de la FONDEP. Ce programme doit permettre à ces clients de bénéficier d'une couverture d'assurance adossée à leurs prêts. Enfin, ce mois-ci, AAM a signé un accord de partenariat avec Grameen Jameel microfinance Ltd, un des plus gros promoteurs de microfinance dans la zone MENA. L'objectif pour AAM est d'appuyer sa stratégie de développement de la micro-assurance dans la région MENA et en Afrique subsaharienne.