L'Union européenne doit être, en ce moment, rouge de honte, genre couleur tomate, depuis qu'elle a porté une estocade «assassine» à son ami de toujours, le Maroc. Lequel, depuis lundi dernier, a la mauvaise impression d'avoir ingurgité une bonne rasade de jus de chaussette. En cause, les nouvelles dispositions contenues dans la Politique agricole com-mune (PAC) de l'Union européenne qui prévoient la modification du régime des prix d'accès des fruits et légumes aux marchés européens. En clair, les fruits et légumes ne seront plus dédouanés sur la base de leur valeur réelle, mais en tenant plutôt compte d'une «valeur forfaitaire». Pas cool. Valeur forfaitaire. Voilà deux petits mots qui irritent passablement les responsables marocains, le Chef du gouvernement en tête, mais également les professionnels du secteur agricole et la société civile. Deux mots qui inquiètent également, eu regard à l'impact néfaste attendu sur la filière fruits et légumes, et qui légitiment amplement le tir groupé essuyé par l'UE ces dernier jours. D'ailleurs, le ministre de l'Agriculture et de la Pêche maritime, Aziz Akhannouch, n'y est pas allé par quatre chemins. Selon lui, «cette mesure décidée de manière unilatérale menace le secteur des fruits et légumes marocain, particuliè-rement celui de la tomate qui est condi-tionné par un système de commercialisa-tion à l'export très contraignant. Celui-ci risque tout bonnement de s'effondrer». Une telle levée de boucliers est aisément compréhensible, d'autant que le Maroc et l'UE sont liés par un accord agricole âprement négocié et ratifié en 2012. Un accord qui, déjà, impose une multitude de contraintes aux exportations marocaines, tant en termes de normes que de prix d'entrée ou encore de contingents. Des contraintes auxquelles le Maroc a su tant bien que mal s'adapter afin de pouvoir mettre un pied sur le marché tant convoité de l'Union européenne. Mais voilà, cette réforme de la PAC remet tout en cause, faisant délibérément fi de l'accord agricole qui lie les deux parties. Plus grave encore, elle entame profondé-ment les relations de confiance et de par-tenariat que le Maroc et l'UE ont essayé de bâtir tout au long de ces dernières années et symbolisées par la multiplica-tion des accords bilatéraux : accord de pêche, statut avancé, accord de libre-échange complet et approfondi... En tout cas, pour se dédouaner, l'UE avance l'argutie selon laquelle «le nou-veau régime de tarification au sein de l'UE s'applique uniformément à tous les fruits et légumes provenant d'un pays tiers et ne concerne donc pas seulement les tomates marocaines». Un argumentaire que les responsables marocains jugent bien ténu. Alors, l'UE va-t-elle rectifier le tir ? Du côté marocain, on l'espère de tout coeur. En tout cas, le Directeur général de la direction Agriculture de la Commission euro-péenne, Jerzy Plewa, est attendu le 23 avril dans le Royaume pour discuter des préoccupations marocaines relatives à la modification du régime des prix d'accès des fruits et légumes aux marchés européens. Affaire à suivre donc.