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Banque et risque : Les leçons d'une crise
Publié dans Finances news le 13 - 02 - 2014

Quel meilleur cas pratique pour évoquer la problématique du risque que celui de la dernière crise financière ? On y retrouve tout le catalogue de ce qu'il faut et ne faut pas faire en matière de gestion du risque. Pour les banques marocaines, aux portes d'un processus de réformes, il s'agit de croître et de se moderniser tout en intégrant les solutions les plus efficaces pour le pilotage du risque. Tirer les leçons des événements passés est le préalable à toute démarche qui veut appréhender le risque, non plus comme une simple incertitude, mais comme un élément qui permet de développer des opportunités et donc d'amener de la croissance.
La crise de 2007, contrairement à celles qui l'ont précédée, (comme la crise asiatique), a été globale avec un fort effet de contagion. Tous les acteurs du monde financier ont été touchés, des grandes banques à celles d'investissements, en passant par les banques spécialisées. Parfois même, c'est le système bancaire dans son ensemble qui est ébranlé, comme cela a été le cas en Islande ou en Grèce. Une telle crise généralisée est en lien direct avec une mauvaise approche du risque. Selon les termes de Jean Cheval, Directeur finance et risques chez Natixis, la cause principale de la crise financière réside dans le fait que «la prise de risque n'a plus été maîtrisée». En d'autres termes, il s'agit «d'une perte du sens du risque par tous les acteurs».
Les limites d'un système
Les banques sont évidemment les premières concernées. Par leur utilisation massive de l'effet de levier, elles en sont venues à oublier les dangers d'un recours excessif et non maîtrisé à la transformation. Un chiffre reflète bien cet état de fait : de 2000 à 2008, les 10 plus grandes banques européennes ont vu leur total bilan passer de 6.000 milliards d'euros à 18.000 milliards d'euros, ce qui est totalement déraisonnable par rapport à la croissance observée dans la région à la même période. Un autre chiffre éloquent qui illustre bien les propos de J. Cheval est le montant du total actif de Morgan Stanley qui, à la veille de la crise, dépasse de plus de 35 fois ses fonds propres. La liquidité semble illimitée, mais en réalité le risque qu'elle disparaisse ne doit jamais être exclu.
Toujours selon J. Cheval, les banques «s'appuient aveuglement sur les modèles internes, mal calibrés et insuffisamment testés». Ces modèles reposent sur des séries historiques trop courtes (c'est l'effet GIGO), et sont d'ailleurs trop facilement acceptés par les régulateurs.
En outre, les banques pâtissent d'une insuffisance dans la compréhension des risques induits par des produits financiers toujours plus complexes et opaques; sans parler du dévoiement de certains instruments financiers, comme la titrisation. C'est le cas de certains produits notés AAA et qui rapportent (à l'époque) 70 points de base de plus que les bons du Trésor américains, eux aussi notés AAA !
Ce qui nous conduit à parler de l'autre catégorie d'acteurs qui n'a pas su apprécier le risque : les régulateurs et les agences de notation. Selon une conception anglo-saxonne appelée «light touch», le marché omnipotent est capable de se réguler lui-même. J. Cheval rejette cette affirmation puisque, d'après-lui, «un monde bancaire non régulé a une tendance naturelle à déclencher des crises. Il faut ainsi garder une supervision étroite». Les agences de notation, pour leur part, ne peuvent constituer l'unique source d'évaluation des risques et des produits financiers. D'une part, à cause de la persistance de conflits d'intérêts entre les agences de notation et les produits complexes qu'elles évaluent, et d'autre part parce que le banquier doit avoir sa propre évaluation du risque. «La fonction risque est consubstantielle à la banque, elle ne peut externaliser sa gestion», ajoute-t-il.
L'équilibre risque/rendement
Depuis cette crise, l'attitude du régulateur a été de mettre en place «un mille-feuilles» réglementaires, avec pour objectifs de renforcer l'assise financière des banques. Cela consiste à demander plus de fonds propres (Bâle III), à limiter les activités risquées (avec une séparation éventuelle des activités spéculatives des activités courantes), à diminuer la transformation, et enfin à obliger les banques à détenir une réserve de liquidité qui leur permet de faire face à une situation tendue. L'objectif de ces contraintes est d'arriver à un «point d'équilibre risque/rendement qui permet aux banques d'être plus saines, rentables, tout en finançant l'économie réelle», selon J. Cheval.
À cet égard, les banques ne doivent pas s'opposer à ces régulations, car en retrouvant la maîtrise de leurs risques, elles peuvent dès lors croître sainement. Elles doivent même aller encore plus loin, en améliorant la qualité technique des modèles de prévisions, et en mettant en œuvre des politiques de risques pour chaque type de risque (crédit, marché, taux, etc).
C'est la condition pour que la banque fasse en sorte que la gestion du risque, notamment financier, soit source de développement. Maîtriser ses risques est la condition de toute croissance. En conclusion, J. Cheval l'affirme clairement : «Les banques doivent êtres saines dans leur relation client». Il faut qu'elles fassent en sorte que le «pricing» soit optimal, car la liquidité et le risque ont un coût qu'il faut nécessairement répercuter sur le produit proposé au client (coût de la liquidité + coût du risque + marge). Le rôle de la banque «n'est pas de faire plus, mais de faire mieux», selon l'expression de J.M Beacco, de l'Institut Louis Bachelier, également présent aux Intégrales de la finances. À bon entendeur...


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