Malgré la croissance des achats online, la culture ecommerce continue de faire défaut au Maroc. Les usagers sont peu ou prou informés de leurs droits et de leurs obligations. En cas de litige, les clauses abusives pénalisent fortement les cyberconsommateurs. D'où l'urgence de créer des juridictions spécialisées pour y remédier. Le marché du ecommerce connaît un essor remarquable ces dernières années. Cette évolution est soutenue par une croissance soutenue du chiffre d'affaires, des transactions et du nombre des opérateurs. Une progression qui a été accompagnée par l'augmentation du nombre des internautes et des cartes monétiques. Mais comme pour chaque activité qui se développe à une vitesse effrénée, le risque de fraude, d'arnaque ou d'abus devient persistant en l'absence d'un cadre juridique adéquat. L'assouplissement de la réglementation des changes depuis décembre 2010 permettant aux particuliers résidents de bénéficier d'une dotation de 10.000 DH en devises adossée à une carte bancaire internationale pour effectuer des transactions en ligne à l'international, a beaucoup contribué à cette évolution. Pour accompagner cet essor, le Maroc a promulgué un ensemble de textes, notamment la loi 07-03 visant la lutte contre la criminalité informatique, la loi 09-08 sur la protection des personnes physiques contre les utilisations abusives de leurs données personnelles et surtout la loi 31-08 sur la protection du consommateur. Pour ce qui est des organes dédiés à veiller à l'application de ces lois, il y a en particulier la Commission nationale de contrôle de la protection des données personnelles (CNCPDP) chargée de surveiller les opérations de collecte et de traitement des données personnelles en général et celles circulant sur internet en particulier et le Centre de réponse et de traitement des incidents informatiques (MA-CERT). L'Observatoire marocain des technologies de l'information et de la communication est une autre pierre institutionnelle créée dans le cadre de la stratégie nationale «Maroc Numeric 2013» ayant pour responsabilité de créer une base de données quantitatives et qualitatives sur tout ce qui relève de près ou de loin des nouvelles technologies de l'information et des télécommunications et de l'économie numérique. Il y a aussi le Centre monétique interbancaire. «Malgré l'arsenal juridique existant et les institutions dédiées pour servir et accompagner les cyberconsommateurs, la pratique est tout autre. Il y a plusieurs litiges devant les tribunaux. L'utilisation frauduleuse de la carte monétique pour l'achat de produits est le cas le plus fréquent. Le plus souvent, les juges ordonnent une expertise et cela peut prendre quelque temps. Il y a aussi le statut non conforme de certains sites marchands qui refusent de rembourser ou d'échanger une marchandise pour vice de forme», souligne Nabil Haddaji, avocat au barreau de Casablanca et membre de l'Association nationale de protection du consommateur. Il explique que «malgré la nette croissance du e-commerce, la culture de l'achat online n'est pas encore assez développée au Maroc et les consommateurs sont peu ou prou informés notamment, en ce qui concerne leurs droits et leurs obligations». D'après les données publiées par la Direction générale de la Sureté nationale (DGSN), la cybercriminalité est le domaine où les infractions et les délits sont le plus en hausse. Outre l'utilisation abusive ou frauduleuse des données personnelles, les usagers ne disposent pas d'assez de moyens de protection surtout en aval après la constatation d'un litige. Les moyens de recours contre les sites marchands restent délicats en l'absence de juridictions spécialisées et la procédure d'indemnisation n'est pas encore assez claire. Les réseaux en ligne séduisent le consommateur et les transactions sont parfois entachées de risque. Ainsi, dès lors que le contrat électronique est conclu entre un professionnel et un consommateur, cela entraîne automatiquement l'applicabilité de tout un ensemble de règles le plus souvent impératives, dont on ne peut déroger contractuellement. Le cyberconsommateur pourra invoquer des clauses qui imposent au professionnel différentes obligations, comme par exemple les informations sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service ou sur les prix, les limitations éventuelles de responsabilité et les conditions particulières de vente. Ces clauses ne sont pas totalement respectées. Les usagers se trouvent victimes de publicité mensongère ou de dissimulation de certains détails. Ils sont également impactés par des clauses abusives dans un contrat électronique. En cas de litige, elles révèlent un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties à la convention, au détriment du contractant, maillon faible de la chaine.