Ce besoin d'exprimer l'amour pour la patrie (patriotisme) est devenu… viral en ces temps de pandémie. Aujourd'hui d'ailleurs, au mot patriotisme, on en a adjoint un autre : économique. Le patriotisme économique fleurit les propos des gouvernants. Plus qu'un engagement politique, il résonne comme un appel à la résistance pour défendre la patrie des assauts économiques induits par la mondialisation. Mais, avec le recul, nos gouvernants n'en font-ils pas un usage abusif ? Croient-ils vraiment en ce qu'ils disent quand ils appellent les citoyens à faire preuve de patriotisme économique ? Et si ce n'était qu'une revendication creuse, voire du baratinage politique pour apparaître en vrais patriotes, aux yeux d'une opinion publique à qui il a été donné de voir le triste spectacle du délitement des règles quasi établies sur lesquelles était fondée l'économie mondiale ? Ces interrogations sont plus que légitimes. Et nous allons vous expliquer pourquoi. Dans ce contexte actuel difficile pour le Maroc, faire du patriotisme économique, c'est stimuler l'économie nationale, particulièrement les secteurs les plus touchés par cette crise sanitaire. Forcément, on pense à l'écosystème touristique, durement éprouvé, et qui a reçu le coup de grâce avec la décision des autorités marocaines de fermer les frontières aériennes au moins jusqu'au 31 janvier 2022. Les opérateurs du secteur, qui comptaient sur cette fin d'année pour séduire les touristes étrangers et résorber un tant soit peu les pertes accumulées jusqu'à présent, ont vite déchanté. Actuellement, il leur reste une seule alternative : le tourisme interne.
Faites ce que je dis… Dans cette conjoncture particulièrement défavorable, le soutien au secteur touristique doit être l'expression d'une volonté forte des pouvoirs publics, qui sera portée avec enthousiasme par la collectivité. Mais il y a deux points d'achoppement : le premier est que, globalement, l'offre touristique actuelle ne répond pas aux besoins des touristes nationaux, notamment en termes de rapport qualité/prix. Le plus souvent, les programmes développés pour le tourisme interne n'ont pas été l'émanation d'une réflexion stratégique à long terme, mais ont plutôt été concoctés dans l'urgence, pour résorber les effets d'une crise ponctuelle. Clairement, les nationaux sont utilisés comme roue de secours pour pallier les difficultés conjoncturelles. Le second point d'achoppement - et là, nous répondons aux questions posées précédemment - est que nos gouvernants, qui nous incitent à visiter le Maroc profond, sont les premiers à se barrer du pays pour aller passer leurs vacances à l'étranger. Combien d'entre eux avaient déjà fait leurs plans pour passer les fêtes de fin d'année en dehors du Maroc avant que les vols ne soient brutalement suspendus ? «Faites ce que nous disons, mais pas ce que nous faisons», semblent-ils nous dire. Comment croire alors en la parole politique ? En nos dirigeants ? En ceux qui, les premiers, sont censés donner le bon exemple ? En ceux qui, rappelons-nous, ont été sommés, en juillet 2020, à travers une circulaire du chef du gouvernement, de passer leurs vacances au Maroc dans le cadre de l'encouragement du tourisme interne ? Est-ce raisonnable d'en arriver là ? A l'évidence, on ne distille pas le bon message aux citoyens. On ne peut alors s'étonner d'apprendre, comme l'écrivait sur nos colonnes Bouhoute Zoubir, directeur du Conseil provincial du tourisme de Ouarzazate, que «les Marocains auraient dépensé plus de 125 milliards de dirhams dans leurs voyages à l'étranger durant la période 2000-2019, alors que la recette du tourisme interne marchand se situerait à 63 milliards de dirhams durant cette période (environ 6,3 milliards de DH/an)». Le tourisme interne ne connaîtra que des frémissements timides, voire restera à quai tant qu'il n'y aura pas un changement profond de paradigmes. A travers les politiques publiques qui seront adoptées, mais également à travers le comportement «patriote» de ceux qui gèrent les affaires du Royaume.