La nomenclature des actes d'analyses de biologie médicale définit 59 analyses médicales pouvant faire l'objet de transmission à l'étranger. Les comptes en dirhams convertibles que détiennent les laboratoires sous-traitants étrangers ne sont soumis ni à des limites sur les montants versés ni à des dotations spécifiques. Aucun contrôle ne se fait sur les échantillons envoyés à l'étranger au niveau des frontières. Le secteur des laboratoires d'analyses médicales a connu une croissance remarquable, ces dernières années, justifiée par une forte demande émanant des patients qui remplissent quotidiennement les salles d'attente. De nos jours, le passage chez le médecin est devenu inéluctable, que ce soit pour un simple rhume ou pour une maladie plus compliquée, voire grave. Le diagnostic de ces dernières se base à 70% sur les résultats des analyses effectuées par les biologistes. Prescrire des analyses est même devenu systématique pour certains médecins. Ce qui n'est pas pour déplaire à quelque 400 laboratoires implantés dans tout le Royaume. Cela dit, pourquoi un bon nombre d'analyses sont-elles adressées à des laboratoires étrangers ? N'avons-nous pas la technologie et les compétences requises pour les réaliser sur place ? La sous-traitance des analyses découle de l'absence de laboratoires équipés en matériels sophistiqués, dotés d'une technologie de pointe permettant la réalisation de certaines d'entre elles. Des structures très coûteuses qui demandent un investissement très lourd à rentabiliser et qui ne peut se réaliser sans le regroupement des biologistes. Chose irréalisable actuellement puisque la loi 12-01 relative aux laboratoires privés d'analyses de biologie médicale n'autorise pas la création de SARL dans ce domaine, comme nous l'a précisé le Professeur Mohammed Omari, président du Conseil des pharmaciens biologistes au Maroc (voir entretien). Par conséquent, les analyses pointues ou les nouveaux tests sont automatiquement transmis à l'étranger. C'est du moins ce que stipule la nomenclature des actes d'analyses de biologie médicale qui définit, clairement, la liste des 59 analyses médicales pouvant faire l'objet de transmission à l'étranger. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas. Car, certains laboratoires profitent des lacunes du système et de l'absence de contrôle pour fructifier leur business. En effet, certaines analyses transmises à l'étranger ne figurent pas sur ladite liste préétablie. Pis encore, elle sont même praticables sur place. «La réalité est qu'une anarchie règne dans ce secteur», nous confie, sous anonymat, le responsable d'un laboratoire. Selon lui, le système n'est pas bien ficelé, ce qui donne à certains laboratoires l'occasion d'engranger le maximum de bénéfices au détriment des malades. C'est aussi une question de rivalité, puisque certains laboratoires préfèrent sous-traiter à l'étranger que chez le confrère. A titre d'exemple, pour une analyse d'allergie aux protéines de lait de vache (IGE spécifiques), 6 des 10 laboratoires contactés par nos soins affirment envoyer ce test en France, alors qu'il se fait bel et bien sur place par les quatre autres. Malheureusement, cette pratique n'est pas sans conséquence, notamment sur notre économie, puisque cela induit un transfert de devises qui, aujourd'hui, n'est même pas quantifié. Une hémorragie de devises ? En effet, les statistiques disponibles ne correspondent qu'aux transferts des services de santé à savoir la contrepartie des services reçus, sans le déplacement des patients, par les hôpitaux, les médecins, les laboratoires... comme il nous a été précisé par l'Office des Changes. Le montant de ces transferts s'élève à 2,6 millions de DH au premier semestre 2013 et à respectivement 11,9 et 4,3 MDH en 2011 et 2012, d'après cette même source. «En ce qui concerne les comptes en devises, les laboratoires et cliniques privées, en tant qu'exportateur de services, ont le droit de disposer de ces comptes qu'ils utilisent pour couvrir leurs dépenses professionnelles en devises, y compris les frais d'analyse médicale», souligne l'Office. D'autre part, le représentant d'un laboratoire sous-traitant français au Maroc, nous a précisé que les paiements des prestations sont versés directement par les laboratoires marocains dans un compte en dirhams convertibles. «Il n'y a pas de limitations relatives aux sommes versées sur ces comptes ni de dotations spéciales», précisent les responsables de la réglementation des changes. Il suffit juste de présenter à la banque la facture établie par le prestataire étranger pour justifier son réglement. Quant au volume des analyses transférées, aucune entité contactée ne dispose de cette information. Interrogé à ce sujet, le représentant du prestataire français, dont la mission est d'assurer la logistique du transport des échantillons, a refusé catégoriquement de dévoiler le volume traité par son client. Cela dit, plusieurs questions restent en suspens : Y a-t-il un contrôle de la part des autorités concernées, à savoir l'Office des Changes, l'administration des Douanes ou le ministère de la Santé ? Jusqu'à quel niveau la liste des analyses pouvant faire objet de transmission est-elle respectée par les laboratoires marocains ? Que gagnent les laboratoires qui sous-traitent des analyses pouvant être effectuées au Maroc ? Pour ces laboratoires, la question du transfert de devises ne se pose pas du moment que le règlement des prestations se fait en dirhams. Or, la réalité est tout autre. L'envoi des analyses se traduit, indirectement, par le transfert des devises à l'étranger notamment à travers ces comptes en dirhams convertibles qui ne sont soumis ni à une limitation sur le montant ni à une dotation spécifique. Quant au contrôle au niveau des frontières, l'administration des Douanes et des Impôts indirects nous a précisé qu'il n'y a pas de procédure spécifique à ce type de contrôle et ne dispose d'aucune liste émanant du ministère de la Santé précisant les analyses qui peuvent faire l'objet de transfert. D'autant plus que les opérations de contrôle des expéditions effectuées, que ce soit sur les importations ou sur les exportations, ne sont que de l'ordre de 15% environ. Par les temps qui courent, marqués par la crise, et face à une conjoncture morose, entraînant dans son sillage la diminution des réserves en devises, il devient impératif de verrouiller ces canaux.