N'oubliez pas votre maillot de bain pour plonger dans l'art de Abderrahim Iqbi. Pour qui la peinture est un besoin vital. Avec son art, il entretient une relation souvent tumultueuse que son extrême pudeur empêche d'étaler au grand public. C'est sans doute cela qui explique la fréquence minimale de ses expositions individuelles : après des études d'arts plastiques à Marrakech, il expose à la galerie Ibn Sina en 1991, ensuite en 1992 et enfin en 1993. Après un long moment de silence artistique, nous le retrouverons en Italie à Bologne en 2003. Autant dire qu'il faut se précipiter vers la Matisse Art Gallery - où il est un artiste permanent depuis 2008 - pour (re) découvrir un artiste inclassable qui ne s'amarre jamais dans un style afin de laisser libre cours à sa fantaisie et à son illumination. Du tréfonds de son esprit surgissent des scènes sans commune mesure avec le réel, celui-ci se trouvant transfiguré, souvent magnifié par l'imaginaire du peintre. L'effet en est surprenant. Regards imposant l'effroi, formes grotesques, visages déformés, silhouettes privées de vie, figures troublantes à souhait, nus tourmentés, corps exorcisés, scènes tragiques, dramatiques, catastrophiques, hantent les toiles d'Abderrahim Iqbi. Et, s'offrent comme un multiple interprétable. D'autant que son questionnement permanent du sens de la vie et de l'absurde interpelle tout un chacun. Les œuvres réalisées par Ibqi composent un théâtre intime dont les personnages dansent un ballet de mort. Ces formes d'un autre monde troublent quiconque les fixe. Parce que l'artiste, sans grandiloquence, nous dit ce que nous sommes : des bonshommes de carnaval, silhouettes vacillantes à la recherche de repères. Abderrahim Iqbi donne une forme à l'informe dans des compositions magnétisantes où l'équilibre est non moins consolant entre les couleurs et les matières. Le tout engendre une atmosphère mortifère, sinon de malheur humain. Du grand art, il faut l'avouer. Aiguisez vos sens !