Abderrahman Chebitou ravit l'amoureux de l'Art, lequel trouve son bonheur dans cette alternance d'impressionnisme pétillant, de figuratif abstractisant, d'abstraction figurative et de cubisme fantastique. Rencontre. Abderrahman Chebitou nous reçoit dans son atelier ; dans une pièce, autour d'une table encombrée de papiers et de livres. Adossés aux murs, les tableaux composés par le peintre font le décor. De temps en temps, Chebitou les enveloppe d'un regard attendri. «Je suis comme tout le monde ! Il y a les choses de la vie qui me prennent du temps, oui, mais j'ai quand même hâte de retrouver mes tableaux et toiles lorsque je suis pris par le quotidien». Ses tableaux constituent sa fierté. Rarement un créateur n'aura entretenu avec son art une relation aussi exclusive, allant jusqu'à s'éloigner de l'agitation du monde pour vivre, dans une quiétude solitaire, intensément sa passion. «Je n'ai pas à m'enfermer, mais si on remplace atelier par vie, je dirai que mon atelier est ma vie. Cependant, je me suis enfermé dans ma vie pour toujours. Et donc, voilà, je me suis enfermé à vivre pleinement ma vie (sourire). C'est un amour propre. Il me correspond parce que c'est mon monde. Ma vie. C'est là, où je me retrouve le plus». Il est des vocations qui, pour émerger, empruntent des voies -parfois- mystérieuses. Celle de Chebitou pour la peinture surgit très tôt. « J'ai eu mon bac en architecture, en 1986… Et j'exerce le métier depuis 1996 ». Chebitou a été littéralement fasciné par l'architecture et impressionné par sa splendeur. Il se mit en tête de l'appréhender. Par quelle voie ? C'est de cette fascinante envie que, sans doute, naquit son penchant pour la peinture. « Tout ce qui nous entoure de géométrie m'a intrigué très petit. Et grâce à mes études en architecture, j'ai voulu travailler sur la géo -descriptive, les arts-plastiques, l'histoire de l'art, etc ». C'est ainsi que Chebitou se lança dans la peinture. «Je fais de l'art depuis quinze ans de manière continue et pro». Depuis lors, il se trouvait irrésistiblement happé par les formes qu'il déployait et les couleurs qu'il étalait. Jeune homme Chebitou avait découvert son chemin dont il ne se détourna jamais : la peinture. Ranger Chebitou parmi un quelconque style, courant artistique, reviendrait à commettre un contresens. «Je ne m'enferme pas dans un style particulier, c'est uniquement ce que je ressens avec essentiellement comme technique : la peinture à l'huile, parfois avec des techniques mixtes». Viscéralement, il rejette toute obédience à une école ou un courant. Chebitou ravit l'amoureux de l'Art, lequel trouve son bonheur dans cette alternance d'impressionnisme pétillant, de figuratif abstractisant, d'abstraction figurative et de cubisme fantastique. Autant de modes de peindre qui, quelque fois, s'entremêlent, se confondent, se fondent dans une harmonie exaltante. «Je ne me vois pas faire de l'impressionnisme ou du figuratif pur et dur. Non ! Je fais ce qui me correspond réellement. Ce qui m'intéresse le plus c'est de mélanger les genres et de trouver mon chemin, ma manière d'exprimer mon monde pictural». Un univers pictural éclectique. Chebitouessaie plutôt de trouver son chemin à travers ce qu'il a vu, vécu et expérimenté. L'univers qui émane de la palette de l'artiste est d'une rare pureté. La géométrie prédomine et les couleurs illuminent. Ses œuvres sont rebelles à toute tentative d'interprétation. «Le concept primaire c'est la géométrie. Il me suffit amplement d'entamer mes recherches picturales et trouver mon chemin. Le plus important, c'est d'exprimer ma thématique par le biais de mon art. Et puis, chaque thématique fait appel à une technique, à une manière de faire. Certes, c'est la partie chromatique qui est aussi très importante pour moi». Dans ses tableaux, on y retrouve des figures tourmentées presque imperceptibles, mais combien magnétisantes. Ses œuvres portent un regard sensible sur la condition humaine. «Les thématiques d'aujourd'hui, les plus récurrentes sont la femme et la condition humaine. Peut-être qu'il y aura d'autres centres d'intérêts, mais en tout cas pour l'instant, c'est cela !» L'œuvre de Chebitou puise de sa prodigieuse sobriété la magie qu'elle irradie, les sensations qu'elle exhale et la séduction qu'elle exerce. Le regard de Chebitou capte des consonances et des harmonies indistinctes pour le commun des mortels. Transcrits sur ses toiles, elles distillent une émotion ineffable. «Il y a, à-vrai-dire, un peu de tout. La condition humaine et précisément la question de la femme. Beaucoup de mes tableaux sont dédiés à la femme. Des fresques carrément ! Je peins tout ce qui entoure cette créature magique». Son intérêt pour les faits de société et la femme s'explique par le milieu familial. «La femme comme source d'inspiration parce que j'ai été très proche de ma mère. Une personne qui, avec peu de moyen pour appréhender le monde, peu d'éducation -académique-, m'a très bien éduqué et élevé pour respecter les gens, la femme surtout. Je me suis donc imprégné de cela. J'ai été devant une femme très forte. Très très forte ! Dans ma peinture, je fais ressortir le côté magique et mystique de la femme, qui représente à la fois la beauté et la force». Aussi, le peintre caresse un rêve, celui de «faire une grande expo qui sera, l'occasion de présenter [son] travail comme prétexte pour palabrer sur l'Art - avec un grand A». Chebitou est un peintre aux toiles extravagantes de dynamisme et de dissonances. On y retrouve des abus de lignes dans une opposition violentes, et où une énergie dépravée et une puissance maladive y règnent. Ses toiles sont ultimes, d'une singularité et d'une intensité sidérantes. Elles valent le détour.