Le peintre marocain Miloud Labied passe dans l'émission « Métropolis » sur ARTE le 2 mars. Ce peintre est l'un des plus prodigieux du Maroc. Miloud Labied est né en 1939 au douar Oualad Youssef dans la région de Kalâat Sraghna. 1945 a été une année rude pour les campagnes marocaines : épidémies et sécheresses se sont alliées pour venir à bout des récoltes et des hommes. Le père de Miloud décide alors d'emmener ses enfants chez un oncle qui vit à Salé. Ils ont marché de leur douar jusqu'à Sidi Hajaj dans la région de Khouribga. «Je me souviens encore de ce jour-là. Le ciel était couvert. On voyait de temps à autre des avions de chasse et des aéroplanes dans le ciel» dit Miloud. Ce dernier a dû travailler pendant un mois à Sidi Hajaj pour ramasser l'argent du train. Comme il n'a jamais été au msid ou l'école, Miloud s'est cramponné à la peinture. «C'était un moyen d'expression vital pour moi». «Je n'ai pas choisi d'être peintre, je me suis retrouvé dans la peinture» ajoute-il. Première exposition au musée des Ouddayas en 1958. Et depuis, Miloud n'a pas cessé de peindre. La peinture de Miloud s'étage en plusieurs périodes. Comme tous les vrais peintres, il ne s'est jamais complu en un seul style, mais s'est toujours engagé dans une voie qui le porte à la bifurcation. La solution à un problème le plonge à chaque fois dans une nouvelle aventure. Miloud a été figuratif, abstrait lyrique, abstrait géométrique et aujourd'hui il revient à une peinture très personnelle qui mêle abstraction et figuration. La peinture de Miloud est ardente. C'est un brasier avec d'infimes projectiles volcaniques. La peinture de Miloud est vigoureuse. Les motifs semblent littéralement vouloir sortir des tableaux. Ils se détachent à la manière de croûte. Et puis, il y a les couleurs personnelles de Miloud. Il fabrique lui-même ses pigments, ajoute des épices lorsque le résultat ne le satisfait pas. Autre constante dans la peinture de Miloud: le foyer énergique de ses tableaux ne se trouve pas au milieu, mais dans les abords, et il se situe précisément à l'angle gauche en bas du tableau. C'est là que loge le traitement intense de la peinture de Miloud, avec des jets noirs fulgurants. Cette partie enflamme tout le reste. D'habitude, les peintres accentuent le traitement du centre de leurs toiles au détriment des alentours. Miloud procède inversement. Au demeurant, à l'intérieur du fouillis non figuratif des tableaux de Miloud, de ses lignes courbes et entrelacées se révèle un organe prodigieusement vivant : un œil, une bouche, des dents… Miloud cherche un effet de moisissure dans ses tableaux. Etrange cette idée de décomposition qui contamine de nombreuses toiles du peintre. Il existe comme une menace biologique imminente dans ses tableaux. La mort et son cortège de matières mouvantes, fétides et tièdes, dont l'aspect repoussant ne doit pas cacher la vie en formation. Plusieurs tableaux présentent un excès de virulence active lié à l'idée d'une pourriture menaçante. La peinture de Miloud est vigoureuse et si vigoureuse qu'elle cloue le bec à n'importe quelle critique. Que l'une des meilleures émissions d'arts plastiques du monde s'intéresse à ce peintre, cela en dit long sur la qualité de son travail. Mais cela permettra surtout à l'artiste filmé de s'exprimer en laissant sa peinture dire tout ce que le discours peine à articuler.