► Qu'est-ce que la thérapie cognitive et comportementale ? En quoi peut-elle aider à surmonter les symptômes à l'origine de la souffrance psychique ? Comment éviter les dépendances et les conduites addictives en période de confinement… et comment aborder la phase du déconfinement ? ► Kawtar Kadiri, Psychologue et Psychothérapeute spécialisée en thérapie cognitive et comportementale, et dans les difficultés de l'enfant et de l'adolescent répond à toutes ces questions et bien d'autres.
Propos recueillis par F.Z.O
Finances News Hebdo: La thérapie cognitive et comportementale, c'est quoi au juste ? Kawtar Kadiri: Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont des thérapies brèves, validées scientifiquement. Elles visent essentiellement le changement comportemental en agissant sur les cognitions distordues, et ce en édifiant de nouveaux comportements plus productifs avec des pensées positives et des réactions en adéquation avec la réalité vécue et non avec la réalité perçue. Celle-ci est souvent construite sur la base d'idées négatives et erronées que cultive l'individu sur lui-même, sur l'environnement et sur son aptitude à pouvoir gérer une situation de frustration. Notre perception interfère inéluctablement sur nos comportements. Le simple fait de se percevoir incapable d'engager une action propice et durable face à un problème donné, nous pousse à établir des idées fausses par rapport à nos aptitudes réelles, à pouvoir réussir une action et à être dans la gestion de nos comportements.
F.N.H: En quoi la thérapie cognitive et comportementale diffère-t-elle des autres formes de psychothérapie ? K.K: L'installation d'idées négatives induit souvent des conduites d'évitement, de passivité ou encore d'agressivité, qui empêchent le contrôle des actions et peuvent aboutir à divers troubles. La thérapie cognitive et comportementale (TCC) aide la personne à dépasser petit à petit les symptômes invalidants à l'origine de la souffrance psychique. C'est une thérapie qui vise l'ici et le maintenant, contrairement à d'autres thérapies comme celle psychanalytique par exemple. Rappelons que la méthode psychanalytique s'appuie essentiellement sur l'association libre et l'interprétation des rêves où le patient est libre de parler et d'associer comme il l'entend, sans l'interférence du thérapeute. Dans le protocole de traitement dans le cadre d'une TCC, le thérapeute est partie prenante dans la thérapie. C'est un travail de co-construction avec le patient, qui vise à établir des objectifs pouvant l'aider à trouver son épanouissement et des relations interpersonnelles plus adaptées. En résumé, la thérapie cognitivo-comportementale permet à la personne d'appréhender les schémas de pensées négatives ayant causé un état de détresse psychologique. La TCC est une méthode de soins scientifique, qui se doit de respecter une certaine méthodologie. Elle s'appuie sur une relation de collaboration active,appelée alliance thérapeutique, entre le thérapeute et son patient dans l'apprentissage de nouveaux comportements, ainsi que sur la motivation fondée sur les résultats. Ceci ne peut se faire sans l'intervention d'un thérapeute spécialisé en TCC.
F.N.H : L'un des champs sur lequel les TCC sont particulièrement adaptées, sont les dépendances et les conduites addictives ? Quelle est l'approche des TCC pour mettre fin à ces dépendances ? K.K : Outre la gestion du stress, les TCC sont indiquées pour toute personne en souffrance : l'enfant, l'adolescent, l'adulte et la personne âgée. L'un des champs sur lequel les TCC sont particulièrement adaptées, sont les dépendances et les conduites addictives. Devenir acteur de sa destinée implique l'engagement d'une réflexion profonde émanant du cortex préfrontalresponsable de l'analyse et de la planification et l'éloignement de tout automatisme issu d'un picémotionnel ressenti à un moment donné. En effet, face aux réactions automatiques habituelles, la personne a l'impression de prendre des décisions, mais en réalité le circuit court des émotions ne permet pas l'analyse. Mais il nous pousse à agir d'une façon automatique, selon un circuit préétabli à l'avance, d'où l'éventuelle culpabilité et le regret pouvant être ressentis face à la redondance de certains échecs, notamment en cas de rechute après une tentative de sevrage. La thérapie cognitive et comportementale vise, avec la collaboration du patient et du thérapeute, à déconstruire les circuits négatifs préétablis, afin de pouvoir établir de nouveaux circuits mnésiques sains et fonctionnels.
F.N.H : La période de confinement que nous vivons actuellement est propice au déclenchement d'épisodes de type dépressifs ou anxiogènes et à l'augmentation des addictions. En quoi cette thérapie peut-elle prévenir et guérir ces comportements ? K.K : La période de confinement que nous vivons actuellement pourrait, en effet, favoriser l'expression des addictions, de certains troubles anxieux ou encore aggraver l'état de certains autres. Les thérapies cognitives et comportementales sont conçues afin de traiter et d'anticiper la réapparition des troubles. La peur et la culpabilité de pouvoir transmettre le virus à d'autres personnes engendrent une pression interne accompagnée d'affects négatifs. Cette pression interne peut éventuellement déboucher sur des troubles dépressifs ou anxieux pouvant être d'intensité plus ou moins sévère et affecter la santé mentale et physique de la personne. Et ce même après coup, et mener à des conséquences néfastes tant sur le plan personnel que celui professionnel. L'efficacité de cette thérapie a été prouvée dans le traitement des troubles anxieux, notamment des troubles dépressifs et des troubles de panique ainsi que des addictions. Elle est également efficace, entre autres, dans l'état de stress post-traumatique, des troubles obsessionnels compulsifs et des phobies. C'est dire, en bref, que cette thérapie est adaptée à toute personne désireuse de retrouver un mode de vie plus sain et l'aider à dépasser, petit à petit, les symptômes invalidants à l'origine de la souffrance psychique avec les exigences de la réalité et du monde intérieur et extérieur. Toutefois, il convient de souligner qu'il est obligatoire de recourir à un spécialiste. En effet, le thérapeute est tenu de respecter des étapes et des techniques qui constituent la base des thérapies cognitives et comportementales.
F.N.H: Comment faut-il se préparer au déconfinement, d'un point de vue psychologique et mental, pour assurer au mieux la transition ? K.K: L'impact psychologique de l'effet d'une épidémie est très important, pouvant vêtir différentes formes. Nous n'avons parlé que de quelques-unes, la liste est encore longue. Outre les conséquences sanitaires et économiques de la pandémie, qui ont été largement abordées par la presse télévisée et sur les radios locales, les conséquences psychologiques qui surviennent suite à un événement traumatique ne sont pas des moindres. En effet, un traumatisme de ce genre peut engendrer toute sorte de trouble anxieux allant des troubles mineurs de sommeil au stress post-traumatique, en passant par la dépression majeure et les attaques de panique. La notion de traumatisme nous renvoie, en effet, au stress post- traumatique (SPT). Il s'agit d'un trouble anxieux sévère qui apparaît à la suite d'une exposition à un événement traumatique menant à la mort. La personne qui en souffre peut être la victime elle-même de l'événement ou être témoin, en personne, d'une catastrophe qui a menacé la vie d'autrui. Les symptômes sont nombreux. Si l'on note que le SPT est diagnostiqué un mois ou plus après l'exposition, lorsque cette dernière est plus récente, un stress aigu est évoqué, et ce même chez les enfants de plus de six ans. Se préparer au déconfinement impliquerait un travail sur soi, sur nos propres capacités à gérer et à développer notre intelligence émotionnelle en ajustant nos attentes par rapport à la suite. En effet, l'ajustement des attentes nous évite les grandes déceptions, ce qui permet d'assurer une meilleure gestion de notre stress interne. La positive attitude est un élément de taille dans ces circonstances, gardant notre esprit critique en évitant d'être submergé par un surplus d'émotions qui émanent d'idées négatives préconçues, n'ayant aucun fondement en réalité, si ce n'est celui que nous avons mentalisé. Vous l'avez compris, revoir nos idées et nos pensées dysfonctionnelles nous permet de nous mettre à l'abri et d'être dans une gestion optimale de nos pics d'émotions négatives.