L'étude sur la représentativité des femmes dans les instances de gouvernance des grandes entreprises publiques et privées a confirmé ce que nous savions tous : la femme est sous-représentée dans les postes de responsabilité et de gouvernance. Certains facteurs bloquant relèvent de la femme elle-même, mais la plupart sont exogènes. Des recommandations ont été formulées dans le sens de l'instauration d'une parité «réalisable». Le ministère des Affaires générales et de la Gouvernance, en partenariat avec l'Institut marocain des administrateurs et l'ONU Femmes, vient de dévoiler les principaux résultats de l'étude relative à la représentativité des femmes dans les organes de gouvernance des entreprises publiques et privées. L'étude intitulée «Gouvernance au féminin et performance de l'entreprise», a été menée sur un échantillon des 500 plus grandes entreprises nationales, dont 75 cotées, et d'autres publiques à caractère marchand. Autant dire qu'il y a encore du chemin à faire ! En effet, l'étude a confirmé que le taux de présence des femmes sur l'ensemble des administrateurs reste très bas, bien que les sociétés cotées se distinguent légèrement de l'échantillon avec un taux de 11%. Toujours est-il que les femmes sont essentiellement présentes dans les organes de gouvernance des entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 500 millions de DH, avec un effectif inférieur à 200 employés et un actionnariat «familial» avec des femmes actionnaires. Et contrairement à ce qui se passe ailleurs, les entreprises publiques ne donnent pas l'exemple d'une meilleure représentativité. Selon cette étude, la plupart des femmes ne tracent pas une trajectoire de carrière en début de parcours et la plupart déclarent avoir débuté leur carrière au bas de l'échelle malgré un niveau de diplôme élevé. Par ailleurs, l'étude note des aspects communs dans les parcours des femmes parvenues à occuper des fonctions dans les organes de gouvernance, notamment une éducation familiale qui leur a transmis des valeurs d'ambition, de détermination et de combativité. Puis, tout au long de leur carrière, une attitude privilégiant l'épanouissement et l'intérêt pour les missions qui leur sont confiées. Cela se traduit par des carrières qui se construisent sur le long terme, avec une attitude peu revendicatrice des femmes, couplée à des stéréotypes machistes chez les dirigeants. Sur l'ensemble des répondantes, seules 2% ont accédé à un mandat de gouvernance à leur propre demande. D'ailleurs, plusieurs d'entre elles ont fait part des résistances et réactions négatives qu'ont engendrées leurs nominations, notamment par les hommes mais parfois aussi par d'autres femmes. Machisme prépondérant Un temps d'adaptation est nécessaire et empreint de désagréments, notamment des remarques sexistes. Conséquence : le seul réel levier déterminant pour l'accès aux postes de responsabilités demeure le bon vouloir des dirigeants. Et les femmes ne sont pas à une injustice près ! Car, pour une majorité de répondantes, les pratiques en termes de rémunérations favorisent largement les hommes. Exception faite dans le secteur public où les salaires et leur progression sont strictement encadrés par des systèmes de grade, échelle, échelon... Quoique les femmes arrivent sur le marché professionnel avec de meilleurs cursus scolaires, et quoiqu'elles fassent montre d'un travail sérieux, seule une minorité d'entre elles accède au top management. Et moins encore aux organes de gouvernance ! Bien évidemment, certains facteurs de blocage relèvent des femmes elles-mêmes notamment la crainte de ne pas concilier entre vie privée et vie professionnelle, crainte amplifiée lorsqu'elles constatent une absence de dispositions favorables dans l'entreprise. Un mari réticent et une mobilité exigée par le poste sont également des facteurs de blocage. Le Maroc peut mieux faire La rupture de ces codes de conduite (tacites) discriminants est souvent le fait de la volonté d'un décideur en particulier, et non le résultat d'une évolution en profondeur de la culture d'entreprise, qui supposerait d'abord une évolution de culture de la société. C'est ce qui ressort de cette étude qui insiste sur l'importance de la conjugaison des efforts afin que tous les acteurs puissent participer à la création d'un contexte favorable à la promotion des femmes dans les instances de gouvernance des entreprises. L'étude détaille, dans ce sens, une panoplie d'outils et de mesures à mettre en place, aussi bien par les instances gouvernementales, l'Institut des administrateurs, les associations et le patronat marocain qui, plus est, est présidé par une femme. Il s'agit d'abord de veiller à la conformité de la législation en vigueur par rapport à l'objectif d'égalité des genres en entreprises : d'une part, en incitant les entreprises à appliquer la réglementation en vigueur, et d'autre part, en réalisant un état des lieux de la législation actuelle, la compléter, voire la mettre en conformité avec les principes fondateurs de la Constitution. Le deuxième axe de travail que l'étude préconise est d'envisager un système contraignant pour impulser le changement. Les répondantes estiment qu'un quota imposé de 15 à 30 %, assorti de sanctions, permettrait de renforcer naturellement la présence des femmes dans les postes de responsabilité et dans les instances de gouvernance. Autre niveau d'intervention proposé, celui de l'accompagnement des femmes dans le processus d'accès aux instances de gouvernance. A court terme, cela passe par la mise en place d'actions ciblant les femmes actuellement aux postes de top management disposées à assurer des fonctions de gouvernance, notamment par des quotas favorisant leur accès, par les formations managériales ou encore le soutien de réseaux d'entraide féminins. Autrement, il est également souhaitable de réaliser un travail de profondeur à long terme auprès des enfants, des lycéens et étudiants afin de promouvoir des valeurs en faveur de l'égalité des genres. Un quatrième axe a été identifié par l'étude et s'étend à des aspects de culture de la société, et non pas seulement à ceux de l'entreprise : la lutte contre les représentations sociétales et culturelles discriminantes, depuis l'école, notamment par la révision de certains contenus scolaires, mais également les médias, les sphères politique et économique en appliquant les principes de parité et le respect des lois la garantissant. Enfin, il faut inscrire la politique de promotion de l'accès des femmes aux organes de gouvernance dans la durée, via une stratégie bien ficelée avec des objectifs précis, qui sera régulièrement évaluée et dont l'impact sera également mesuré. Rappelons que le groupe de travail «Gouvernance au féminin a été présidé par une femme : Amina Benjelloun, chargée de mission auprès du Chef de gouvernement, ministère des Affaires générales et de la Gouvernance !