Du haut de ses 2,5 milliards d'utilisateurs, Facebook veut chambouler le monde des paiements. Sa crypto devrait être lancée au premier semestre 2020, au grand dam des régulateurs.
Par Y.S
Battre monnaie a toujours été du monopole des Etats jusqu'à ce que l'«inflation technologique» en décide autrement. Il y a peu, le Bitcoin défrayait la chronique : presse, banques, régulateurs, simple consommateur, tout le monde en parlait. Maintenant, c'est au tour de Facebook de faire une entrée fracassante dans le monde des paiements avec sa monnaie virtuelle «Libra». Annoncée en grande pompe en juin dernier, cette crypto devrait débarquer au premier semestre 2020. «Les paiements sont un des domaines où nous avons une opportunité de rendre les choses bien plus faciles. Je pense que cela devrait être aussi simple d'envoyer de l'argent à quelqu'un que de lui envoyer une photo», avait déclaré à l'occasion le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, qui promet que Libra sera «sûre, stable et bien régulée». Car, à la différence des autres cryptos, habituées des montagnes russes, celle de Facebook sera adossée à un panier de devises dont au moins l'Euro, le Dollar et le Yen, censé lui garantir le cours et lui conférer une certaine stabilité. En clair, il s'agit d'une monnaie virtuelle décentralisée, qui permettra de transférer de l'argent avec Facebook, Messenger ou WhatsApp et d'effectuer des achats sur différentes plateformes. Le réseau social a également présenté «Calibra», un portefeuille électronique qui permettra la gestion des paiements en ligne effectués avec Libra.
Finance Maroc - Facebook : Partenariat mondial De plus, Facebook s'est associé, dans une sorte de consortium, à 28 grandes entreprises mondiales. On y trouve Uber, MasterCard, Ebay, Visa, PayPal, Booking et Spotifty, et même des fonds d'investissement. De quoi rassurer les futurs utilisateurs. Le porte-parole du réseau social a confirmé qu'un nombre important d'entreprises souhaite aussi rejoindre l'association, ce qui procurera, sans doute, la position de leader à Libra et devrait empêcher d'autres acteurs de penser un modèle similaire. D'ailleurs, Facebook espère, d'ici l'an prochain, arriver à 100 membres. Chacun d'entre eux investira 10 millions de dollars dans le projet. A noter qu'aux commandes de ce mégaprojet, figure l'ancien président de Paypal. A noter aussi que Facebook n'assurera pas seul la gestion de Libra, qui sera gérée par une fondation basée à Genève, sans but lucratif.
Finance Maroc - Facebook : Régulateurs et Etats froncent les sourcils Sans surprise, l'annonce du géant du web a suscité un tollé auprès des Etats et des régulateurs, y compris aux Etats-Unis, où la présidente du Comité sur les services financiers du Congrès a demandé à ce que le projet soit suspendu tant que le Congrès et les régulateurs n'auront pas examiné le dossier. Pas plus tard que la semaine dernière, un haut responsable de la Banque centrale européenne a averti qu'«en fonction du niveau d'acceptation de la Libra et de la pondération de l'Euro dans son panier de réserves, cela pourrait réduire le contrôle de la BCE sur l'Euro, nuire au mécanisme de transmission de la politique monétaire (...) et porter atteinte à la position internationale de la monnaie unique, par exemple en réduisant la demande». Même son de cloche chez la Fed qui, par la voix de son président, Jerome Powell, estime que «Libra soulève de nombreuses et sérieuses préoccupations en ce qui concerne la protection de la vie privée, le blanchiment d'argent, la protection des consommateurs et la stabilité financière et que ces inquiétudes doivent être traitées en profondeur et publiquement avant d'aller de l'avant». En France, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances, a insisté sur le monopole des Etats en matière de création monétaire. «Une société privée ne peut pas et ne doit pas créer une monnaie souveraine qui pourrait entrer en concurrence avec les monnaies des Etats. C'est aux Banques centrales d'assurer le rôle de prêteur en premier et en dernier ressort», tient-il à rappeler. couper l'herbe sous le pied du géant du web américain, il a fait part de son souhait d'initier un projet «d'une monnaie numérique publique gérée par les Banques centrales». Et de noter que «nous pourrions avancer dans cette voie lors des prochaines assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale en octobre». ◆