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Biodiversité : Entre grande richesse et menaces réelles
Publié dans Finances news le 07 - 06 - 2019

La pollution par les plastiques a été multipliée par dix depuis 1980.
300 à 400 millions de tonnes de métaux lourds, solvants, boues toxiques et autres déchets industriels sont déversés chaque année dans les eaux du monde.
La protection de la biodiversité nécessitera un effort d'investissement équivalent à 7% du PIB mondial à l'horizon 2020.
Le Royaume, qui subit certes des menaces, abrite une biodiversité qui se singularise par sa richesse, avec plus de 24.000 espèces animales et 7.000 espèces végétales.

Par Momar Diao
Développement durable au Maroc: Une biodiversité riche mais menacée
L'existence d'une kyrielle de politiques publiques afférentes à la protection de la qualité de l'air, la préservation de l'eau, la gestion et la valorisation des déchets ménagers, montre à l'évidence que le Royaume mesure à sa juste valeur la qualité de l'environnement, et est conscient de l'impératif de la préserver afin de limiter au maximum les effets inhérents au réchauffement climatique.
L'actualité environnementale à l'échelle nationale et internationale est ponctuée par la célébration de la Journée de la biodiversité biologique le 22 mai de chaque année et celle de la Journée mondiale de l'environnement qui a lieu tous les ans le 5 juin.
Ces deux évènements de taille ont permis, au niveau national, de mettre en relief le caractère crucial de la biodiversité pour la pérennité de l'espèce humaine qui, pendant longtemps, a agi à tort comme si elle ne faisait pas partie de l'écosystème composé d'autres espèces vivantes.
Le thème retenu par les Nations unies pour la célébration de la Journée internationale de la biodiversité cette année est éloquent : «Notre biodiversité, notre nourriture, notre santé». La thématique fonce le trait de l'importance de la biodiversité en tant que socle de l'alimentation et de la santé de l'être humain. C'est dans ce contexte que le Secrétariat d'Etat chargé du Développement durable a organisé récemment une rencontre de communication et de débats scientifiques, qui a mis l'accent sur l'état de la biodiversité à l'échelle nationale et internationale.

Développement durable au Maroc: Une tendance régressive
Nezha El Ouafi, secrétaire d'Etat chargée du Développement durable, a insisté sur l'enjeu de mettre sur pied un cadre législatif et réglementaire à même de mieux préserver la biodiversité. Pour sa part, Abdeladim Lhafi, haut-commissaire aux Eaux et Forêts et à la Lutte contre la Désertification, est formel : «en matière de biodiversité, tous les indicateurs sont dans le rouge. La tendance observée depuis des années est plutôt régressive», alerte-t-il, tout en préconisant de sortir des slogans et de bâtir des stratégies adéquates, basées sur une approche territoriale à même de préserver les espèces menacées de disparition.
D'ailleurs, l'évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, dont la synthèse politique a été adoptée récemment à Paris, et réalisée par la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, décrit une situation alarmante à l'échelle mondiale.

Développement durable au Maroc: De quoi s'inquiéter
Environ 1 million d'espèces animales et végétales sont aujourd'hui menacées d'extinction, notamment au cours des prochaines décennies. Les auteurs du rapport sont catégoriques : «Les objectifs mondiaux pour 2030 et au-delà ne pourront être atteints que par un changement transformateur dans les domaines de l'économie, de la société, de la politique et de la technologie», avertissent les auteurs de l'évaluation mondiale de la biodiversité.
Leur travail montre également que les tendances négatives actuelles concernant la biodiversité et les écosystèmes vont freiner les progrès en vue d'atteindre les objectifs de développement durable dans 80% (35 sur 44) des cas où les cibles ont été évaluées; en particulier celles liées à la pauvreté, la faim, la santé, l'eau, les villes, le climat, les océans et les sols.
Toujours au registre des mauvaises nouvelles, 75% de l'environnement terrestre et environ 66% du milieu marin ont été significativement modifiés par l'action humaine. La dégradation des sols a réduit de 23% la productivité de l'ensemble de la surface terrestre mondiale. De plus, en 2015, 33% des stocks de poissons marins ont été exploités à des niveaux non durables.
Plus inquiétant encore, la pollution par les plastiques a été multipliée par dix depuis 1980; environ 300 à 400 millions de tonnes de métaux lourds, solvants, boues toxiques et autres déchets issus des sites industriels sont déversés chaque année dans les eaux du monde.
Les engrais qui arrivent dans les écosystèmes côtiers ont produit plus de 400 «zones mortes» dans les océans, ce qui représente environ 245.000 km2, soit une superficie totale plus grande que le Royaume-Uni.
Il existe par ailleurs un paradoxe de taille : 70% de médicaments anticancéreux naturels ou synthétiques sont inspirés de la nature, laquelle est de plus en plus menacée. Il est utile de rappeler que la protection de la biodiversité nécessitera un effort d'investissement équivalent à 7% du PIB mondial à l'horizon 2020.

Développement durable au Maroc: Quid de la biodiversité nationale ?
Le Maroc qui dispose de 10 parcs nationaux, abrite une biodiversité aussi bien de la faune, de la flore que des écosystèmes, occupant ainsi la 2ème position en Méditerranée. Le Royaume compte plus de 24.000 espèces animales avec un taux d'endémisme global de 11% et plus de 7.000 espèces végétales. A cela, il faudrait ajouter un taux d'endémisme global supérieur à 20%. Plus de 7.820 espèces marines et côtières ont également été identifiées. Il y a lieu de noter que plus de 600 espèces d'animaux et 1.700 espèces de plantes sont menacées de disparition à l'échelle nationale. Ce qui appelle à plus de vigilance et d'actions.
La moyenne annuelle des coûts économiques additionnels de la biodiversité dus au changement climatique est de 300 millions de dollars entre 2010 et 2030. D'après le modèle actuel intensif en carbone, couplé avec le changement climatique, l'inaction fera passer ce chiffre à 2 Mds de dollars. Ce qui représente une facture pour le moins salée.
En réaction à ces projections, le Royaume qui dispose de 154 sites d'intérêt biologique et écologique (SIBE), représentant presque la totalité des écosystèmes naturels du pays, s'est doté d'une politique nationale de préservation de la biodiversité, dont la vocation est de réduire les fortes pressions qui pèsent sur les systèmes écosystémiques. Notons enfin que doté de 4 réserves de biosphère, le Maroc compte 120 lacs naturels importants dont la majorité est située entre les deux chaînes montagneuses du Moyen-Atlas et du Haut-Atlas.

Développement durable au Maroc: Une valeur économique sûre
Classé 12ème exportateur mondial de plantes aromatiques et médicinales (PAM), le Maroc compte 400 espèces reconnues pour leur usage médicinal et/ou aromatique, et 800 espèces à potentiel aromatique ou médicinal. L'autre avantage en la matière est que le Royaume dispose d'un potentiel d'1 million d'hectares de romarin, avec une production de 60 tonnes d'huiles essentielles issues du même produit. L'étude du secrétariat d'Etat chargé du Développement durable (SEDD) révèle que les accords d'accès et de partage des avantages relatifs aux nouveaux produits dérivés de l'huile d'argan offrent au Maroc la possibilité de bénéficier d'une plus grande partie de la valeur de l'argan. Les accords qui génèrent des paiements de redevances sur les produits cosmétiques, de soins et santé utilisant l'huile d'argan en tant que principe actif, pourraient enrichir l'économie nationale d'un montant cumulé de 230 MDH entre 2020 et 2030. Cette estimation s'est faite en fonction de la projection de croissance du marché de l'argan, qui estime le marché mondial du produit à 6,2 Mds de DH en 2030. Toujours selon l'étude de la tutelle, les accords d'accès et de partage des avantages (APA) portant sur les nouveaux produits dérivés de l'extrait de romarin offrent au Maroc la possibilité de capter près de 61 millions de DH entre 2020 et 2030. ◆

Développement durable au Maroc: Encadré 1 : Une production forestière directe de 7 Mds de DH
Tout en générant la production d'une valeur directe de plus de 7 Mds de DH, la forêt marocaine contribue pour 2% au PIB agricole et 0.4% au PIB national. Le secteur forestier est pourvoyeur de 8.000 emplois permanents et près de 7 millions de journées de travail par an. La forêt qui fournit 18% du bilan énergétique national, l'équivalent de 3 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP), offre une production de miel de 4.000 tonnes/an. Autre élément non moins important, le secteur approvisionne près de 60 unités industrielles et plus de 6.000 artisans (bois d'œuvre et d'industrie, liège, plantes aromatiques et médicinales, champignons). Soulignons enfin que le Maroc vend à l'étranger pour près de 300 MDH en PAM sous différentes formes et environ 165 MDH d'huiles essentielles. Ce qui représente un total de 465 MDH.

Développement durable au Maroc: Encadré 2 : Agriculture et pêche, deux secteurs-clefs
Les données ayant trait aux secteurs de l'agriculture et la pêche confortent indubitablement l'importance de ceux-ci sur l'économie nationale. Si le secteur halieutique a contribué à hauteur de 2,3% du PIB durant les 10 dernières années, la part de l'amont agricole dans l'économie nationale est située à 74 milliards de dirhams, correspond à 14% du produit intérieur brut (PIB). La maturité du secteur agricole permet au Royaume de couvrir 100% de ses besoins en viandes, fruits et légumes; 82% de la demande en lait et 60% de ses besoins en céréales. Pour rappel, la branche halieutique dont dépendent 3 millions de personnes, génère un chiffre d'affaires à l'export de 13,2 Mds de DH. Elle assure également 10% des exportations totales et 50% des exportations agroalimentaires.


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