Après son premier roman, «Un amour fractal», Ghizlaine Chraibi poursuit de plus belle avec «L'étreinte des chenilles». Un monde où les femmes auraient pris le pouvoir !
Propos recueillis par L. Habboul
Finances News Hebdo : L'étreinte des chenilles est votre second livre. Il parle d'un monde dominé par des femmes. Justement, selon votre livre, que serait un monde dominé par les femmes ? Ghizlaine Chraibi : «L'étreinte des chenilles» raconte une histoire d'amour, mais dans un pays où les femmes auraient repris le pouvoir. L'originalité de cette dystopie réside dans le fait que cette histoire n'est qu'un prétexte pour livrer des batailles contre soi, contre la société et ses institutions, contre les dysfonctionnements constitutifs et les hypocrisies polymorphes de notre pays. Ce prétexte prend la forme d'une introspection déchirante et déchirée entre deux visions du monde. Plus précisément, il s'agit d'un dialogue indirect entre deux paroles, l'une féminine et l'autre masculine. Une reprise de la guerre tragique des sexes, sans que la parole féminine ne soit un synonyme automatique de féminisme et sans que la parole masculine ne réfère mécaniquement à un machisme patriarcal. Car l'objectif premier de mon roman est de dénoncer les «putchs relationnels». J'ai écrit ce roman pour dénoncer les prises de pouvoir, pour plutôt laisser de la place à nos humanismes. Je prône le fait de nous connecter à notre puissance intérieure, en lâchant le bras de fer relationnel avec l'autre sexe. Dans cette société imaginée, les femmes n'ont pas trouvé mieux que le schéma de société qu'elles subissent depuis des siècles, parfois sans tendresse ni communication. Pourtant, il ne s'agit pas d'un roman noir. Bien au contraire, il est plein d'espérance, il montre les chemins pour que le corps, ce corps fait pour être aimé, ne soit ni voilé ni impudique. Et que ce corps libre marche dans des villes libres. Homme ou femme, que nous puissions devenir des citoyens libres, autonomes et responsables. Pour cela, je propose et revendique le droit de relire la loi au nom d'un humanisme de la lumière. Humour et cynisme ne sont pas en reste, car le rythme de l'écriture et l'expérience émotionnelle possiblement vécue par le lecteur sont aussi importants pour moi que l'histoire même.
F.N.H. : Préparez-vous un 3ème ouvrage ? De quoi parlerait-il et quels sont vos projets pour cette année ? G. C. : J'ai effectivement commencé l'écriture de mon 3ème roman. Je pense que mon obsession restera toujours le couple ! Il se trouve à la base de toute relation humaine, de toute construction sociale. L'histoire est assez simple finalement : celle d'une femme qui s'ennuie dans son couple; mais l'enjeu consistera à mener à bien ce récit de façon originale, avec quelques ingrédients essentiels pour moi : du surréalisme, de la dérision et des montagnes russes émotionnelles ! Pour cette année, je vais poursuivre le développement de ma maison d'édition qui compte déjà 6 titres. Les Editions I.M.P.R. ont le désir de soutenir des textes engagés et engageants. Que ce soit autour de la psycho, sociologie ou de la fiction/poésie, notre ligne éditoriale tend à soutenir les valeurs citoyennes et humanistes. Nous éditons des auteurs venus de partout pour un Maroc augmenté, pour un monde qui ose réfléchir son avenir. Nous cherchons non seulement à «donner à voir», mais surtout à «donner à vivre» notre monde. «L'étreinte des chenilles» Publié aux éditions IMPR (collection Fiction), 200 DH◆