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Kamal Mokdad : «L'économie a besoin de "fioul" pour redémarrer»
Publié dans Finances news le 05 - 02 - 2019

La BCP devrait réaliser une performance globale en termes d'activité en phase avec les tendances du secteur.
Les évolutions réglementaires en Afrique de l'Ouest ont poussé le groupe à mener plusieurs chantiers.
Situation du secteur bancaire en 2018, évolution du cadre réglementaire au Maroc et en Afrique, ambitions du groupe BCP dans le continent, relance et financement de l'économie, etc. : ce sont autant de sujets sur lesquels Kamal Mokdad nous livre une analyse pertinente. Sans langue de bois.

Propos recueillis par David William

Finances News Hebdo : Avec le recul que vous avez sur l'année 2018, quel regard portez-vous sur l'évolution du système bancaire ?
Kamal Moukdad : Globalement, il y avait une bonne dynamique d'accompagnement de l'économie marocaine en 2018, avec notamment la poursuite de la hausse des crédits distribués. L'additionnel de crédits devrait atteindre 50 Mds de DH (+6%), ce qui traduit la volonté du secteur bancaire de continuer à être un partenaire de premier plan pour la réalisation des grands projets menés au Maroc.
Toutefois, cette demande de crédits est actuellement clairement localisée au niveau d'un certain nombre d'opérateurs qui investissent ou qui ont d'importants besoins de financement de leur activité, ce qui ne reflète pas, à ce stade, une dynamique économique généralisée.
En face, il devrait y avoir une augmentation de la collecte des dépôts, puisque le secteur bancaire devrait terminer 2018 avec un additionnel de l'ordre de 25 Mds de DH (+3%), soit deux fois moins que le niveau des crédits distribués.
Cette situation génère, en conséquence, une mobilisation importante des liquidités bancaires, d'autant que le coefficient d'emploi du secteur se situe actuellement autour de 95%. Ce pourcentage est un bon indicateur en soi, la vocation première des banques étant d'accompagner et de financer les besoins de l'économie. Cette situation amène naturellement les banques à rechercher de nouveaux relais de financement, justifiant ainsi les émissions réalisées en 2018, notamment des certificats de dépôts et des emprunts obligataires.
Dans ce contexte, la Banque Centrale Populaire devrait réaliser une performance globale en termes d'activité en phase avec les tendances du secteur, à savoir une distribution de crédits beaucoup plus importante que l'additionnel de collecte enregistré, avec une hausse des crédits octroyés à la grande entreprise et aux particuliers.
La collecte devrait de son côté confirmer la dynamique enregistrée au cours des années précédentes, tant au niveau des particuliers locaux que des Marocains du monde.

F.N.H. : Le débat sur la relance du crédit reste cependant toujours d'actualité, avec maintenant, en face, un ralentissement des dépôts. Quelle analyse en faites-vous et comment dépasser cette situation ?
K. M. : Les banques jouent avant tout un rôle d'intermédiation dans le secteur, en collectant d'abord des dépôts pour ensuite financer l'économie à travers la distribution de crédits.
Aujourd'hui, la croissance économique reste faible au regard des ambitions de développement du Maroc. D'où la réflexion menée sur le nouveau modèle de développement, qui devrait permettre de générer une croissance plus importante et plus inclusive et, ainsi, créer davantage d'emplois.
Le rôle des banques, dans ce cadre, est nécessaire et doit s'intégrer dans une vision d'ensemble impliquant toutes les parties prenantes. En 2016 déjà, des discussions avaient été engagées au sein de la profession bancaire avec la CGEM, et une nouvelle plateforme de concertation devrait être mise en place en mars prochain, entre le GPBM, la CGEM et le Gouvernement, afin de réfléchir aux leviers d'augmentation de la capacité de distribution des banques.
La relance de la machine du crédit dépend en effet de plusieurs mesures qui doivent être prises, autant pour soutenir l'offre que la demande. En cela, il faudrait également engager la réflexion sur les mécanismes de relance à mettre en place par les pouvoirs publics, à travers par exemple des fonds dédiés pouvant soutenir à la fois les ménages et les entreprises, et particulièrement la PME qui a des besoins importants, et qui demeure au centre du moteur de la croissance. Ces fonds pourraient adresser en priorité les besoins en fonds de roulement et le faible niveau de capitalisation des TPE/PME afin de faciliter leur accès aux crédits bancaires.
Il s'agit aussi de se pencher sur les mécanismes de relance globale de l'économie à travers des politiques sectorielles plus soutenues. Tout cela devrait être au centre des discussions tripartites que nous aurons au mois de mars. L'objectif est d'aboutir à un «pacte de financement», avec des engagements clairs qui pourraient être pris de part et d'autre entre le secteur bancaire, la CGEM et l'Etat.

F.N.H. : Dans ce contexte de rétrécissement des marges, de quels leviers disposent les banques pour continuer à gagner de l'argent ?
K. M. : Nous assistons, en effet, à des tensions sur la marge d'intérêt provenant, d'une part, du ralentissement du rythme de collecte des dépôts qui amène les banques à recourir à d'autres sources de financement plus coûteuses, et d'autre part, à la diminution des taux débiteurs au cours des trois dernières années, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises, sous l'impulsion de la baisse du taux directeur fixé par Bank Al-Maghrib.
Dans ce contexte, les banques devraient réfléchir à de nouveaux relais de croissance à travers par exemple le lancement de services non financiers et d'offres à forte composante digitale et à plus forte valeur ajoutée.
La réalisation d'opérations de croissance externe, notamment en Afrique subsaharienne, constitue également une réponse à cette situation, de même qu'un accompagnement plus soutenu des opérations internationales des clients.

F.N.H. : BAM doit-elle revoir le taux directeur à la hausse ?
K. M. : L'approche de la Banque centrale est pertinente et intègre également les projections macroéconomiques et l'analyse de la conjoncture économique. Aujourd'hui, l'économie a besoin de «fioul» pour redémarrer, et le fait déjà d'avoir baissé ou maintenu le taux directeur, actuellement fixé à 2,25%, est un signal fort, puisque derrière, il y a mécaniquement un effet d'entrainement sur les taux moyens appliqués par les banques, qui s'inscrivent en baisse sur les trois dernières années.
Le sujet est plutôt de réfléchir, comme je l'ai indiqué précédemment, à des sources additionnelles de revenus, sous forme de commissions rémunérant de nouveaux services à valeur ajoutée pour les clients. Et nous le constatons dans les pays développés, où la part des commissions dans le PNB est plus importante que celle que nous avons au Maroc.

F.N.H. : L'évolution constante de la réglementation bancaire, avec notamment l'IRFS 9, n'impacte-t-elle pas aussi l'activité des banques et ne tend-elle pas à freiner la distribution des crédits ?
K. M. : La norme IFRS 9, applicable depuis le 1er janvier 2018 pour les comptes consolidés des établissements de crédit, n'a pas en soi un impact sur la distribution des crédits, puisqu'elle implique juste une répartition différente dans le temps des provisions à constituer, ainsi qu'un suivi plus rigoureux de la qualité du portefeuille.
Vous savez que même dans la tarification des prêts appliquée par les banques, il y a toujours eu une prime de risque incluse. A la différence du traitement antérieur, où on attendait que les impayés soient constatés pour déclasser les créances et constituer des provisions, la norme IFRS 9 impose désormais un provisionnement dès l'octroi des crédits, et cette constatation prend des formes différentes avec le temps, en fonction de la dégradation du profil de risque.
Si ensuite un risque provisionné au moment de l'octroi se confirme, la provision additionnelle à constituer est un différentiel entre le montant du risque final estimé et la provision déjà constatée.
La norme IFRS 9 induit donc essentiellement, pour les banques, davantage de rigueur et de vigilance. En face, cela suppose pour certaines banques des augmentations de capital, du fait de l'impact de la première application qui a été enregistré au 1er janvier 2018 par imputation sur les fonds propres consolidés.
Je rappelle que pour la BCP, cette norme a eu un impact de 3,7 Mds de DH sur les fonds propres du groupe (NDLR : 8,6% des fonds propres consolidés). Mais la bonne nouvelle est que compte tenu du niveau de capitalisation du groupe BCP et de la robustesse de ses fondamentaux, nous avons été en mesure d'absorber l'impact de l'entrée en vigueur de cette nouvelle réforme sans recourir à un renforcement additionnel de nos fonds propres.

F.N.H. : A l'international, qu'est-ce qu'implique pour les filiales africaines du groupe BCP l'application de Bâle II et de Bâle III ?
K. M. : Effectivement, nous avons connu en 2018 plusieurs évolutions réglementaires au niveau de nos filiales en Afrique de l'Ouest. Il y a d'abord la réforme Bâle II – Bâle III, mais aussi l'introduction simultanée du nouveau plan comptable bancaire. Les conséquences de ces deux réformes ont été prises en compte dans l'arrêté de 2018.
Pour Bâle II – Bâle III, il s'agit de la volonté du régulateur de se conformer aux bonnes pratiques internationales. Nous saluons d'ailleurs cette décision, puisqu'elle permet d'augmenter la résilience du secteur bancaire face à des chocs exogènes, et renforce sa solidité par rapport à sa capacité d'accompagnement des économies locales.
Au-delà des impacts financiers, ce qu'il faut entrevoir derrière cette réforme, ce sont toutes les séries de mesures que nous avons entreprises au sein de nos filiales bancaires en Afrique subsaharienne. Plusieurs chantiers ont été en effet menés, avec des impacts sur la gouvernance, l'organisation, la qualité du dispositif de contrôle interne, la gestion de risque… Ainsi, sur le plan de la gouvernance, le Comité d'audit a été scindé en deux : le Comité d'audit, d'un côté, et le Comité des risques, de l'autre. Nous avons aussi mis en place des Comités de nomination et de rémunération, et désigné des administrateurs indépendants pour toutes nos filiales bancaires…
Par ailleurs, en termes organisationnel, la Direction générale des risques de notre holding subsaharienne Atlantic Business International (ABI) est désormais constituée de deux pôles, à savoir la Direction engagements et juridique et la Direction des risques et de contrôle, en mettant l'accent sur le dispositif de mesure précoce des risques et sur le renforcement de la fonction Conformité. Il y a donc globalement eu un effet induit positif sur notre groupe.

F.N.H. : Ces contraintes réglementaires ne freinent-elles pas un peu vos ambitions de développement en Afrique ?
K. M. : Pas du tout, puisqu'au sein du groupe, les impacts de la réforme Bâle II – Bâle III ont été constatés. Nous avons procédé, à chaque fois que cela était nécessaire, à des augmentations de capital de nos filiales bancaires pour nous conformer aux nouvelles exigences réglementaires, mais aussi pour accompagner nos ambitions de développement dans la région, dans la continuité de la nouvelle vision stratégique définie pour l'international en 2017.

F.N.H. : A combien chiffrez-vous ces augmentations de capital ?
K. M. : Les augmentations de fonds propres que nous avons effectuées se situent à un peu plus de 60 milliards de FCFA (environ 100 millions d'euros), dont 1/3 au niveau de la holding ABI et le reste au niveau des filiales bancaires.
Je rappelle que nous sommes la seule banque, aujourd'hui, à disposer d'une plateforme régionale en Afrique de l'Ouest à travers ABI qui, du fait de la réforme Bâle II – Bâle III, est assimilée à une compagnie financière et donc soumise aux mêmes contraintes réglementaires en termes de gouvernance, d'organisation et d'exigence de fonds propres.

F.N.H. : Et quel a été l'impact de la directive de la BCEAO de limiter le refinancement adossé à des titres publics ou privés à deux fois les fonds propres ?
K. M. : C'est un point important que vous soulevez. Je rappelle que dans le mécanisme de fonctionnement du système bancaire en Afrique de l'Ouest, la Banque centrale (BCEAO) injectait des liquidités à travers des adjudications hebdomadaires ou mensuelles qui se font en fonction de sa politique monétaire et de l'appétit des banques. Et, à côté de ces adjudications, il y a ce qu'on appelle le guichet marginal et secondaire auquel pouvait recourir les établissements de crédit, dépendamment du niveau de leur portefeuille titres admis en refinancement.
Mais, fin 2016, la BCEAO a pris deux mesures à fort impact sur le système bancaire, dont la première consiste justement à limiter, à deux fois les fonds propres, la capacité des banques à se refinancer auprès de la Banque centrale. Ce qui a impacté, par ricochet, la liquidité des banques.
La seconde concerne la hausse des taux de refinancement qui sont passés de 3,5 à 4,5%.
Ces deux mesures ont, mécaniquement, eu une conséquence sur le niveau de liquidité disponible sur le marché. Ce qui a eu un impact sur la cadence d'augmentation des crédits à l'économie et, en conséquence, sur la marge d'intérêts des banques qui a diminué.
Il faut savoir que les banques sont un souscripteur important des Bons du Trésor en Afrique de l'Ouest. Ces nouvelles mesures amènent donc naturellement à une redéfinition de la stratégie de gestion actif-passif des banques tenant compte de cette contrainte, sans que cela impacte la capacité de distribution des crédits. Il convient également d'initier une réflexion de fond sur la manière avec laquelle la liquidité devrait être générée et sur la diversification des sources de refinancement.

F.N.H. : A quoi pensez-vous précisément ?
K. M. : Nous travaillons au sein du groupe BCP sur d'autres pistes permettant de dégager un additionnel de liquidité afin de renforcer notre capacité à financer l'économie. Il s'agit, entre autres, d'émissions de titres au niveau de nos filiales, et plus particulièrement au niveau d'ABI.

F.N.H. : Concernant votre deal avec le groupe BPCE, où en êtes-vous en ce moment ?
K. M. : Comme nous l'avions annoncé, le groupe BCP a décidé de rependre les actifs africains du groupe BPCE. Le premier jalon de cette opération stratégique a été l'Ile Maurice, puisque nous avons déjà acquis la Banque des Mascareignes, aujourd'hui totalement arrimée au groupe BCP.
La seconde étape est l'offre faite en septembre 2018 pour reprendre les 4 banques du groupe BPCE opérant en Tunisie, au Congo, au Cameroun et à Madagascar.
Le processus de reprise se poursuit conformément au calendrier initial. Nous sommes actuellement en phase d'introduction des dossiers d'agrément auprès des régulateurs des différents pays de présence des filiales. Cette étape devrait être finalisée, nous l'espérons, vers la fin du second trimestre 2019.

F.N.H. : Le montant du deal ?
K. M. : L'information est encore confidentielle. Je peux cependant vous dire que c'est un deal qui a été fait dans des conditions intéressantes pour le groupe.

F.N.H. : On est dans le secret bancaire…
K. M. : Non. C'est parce que tout simplement le closing de l'opération n'est pas encore finalisé, avec des demandes d'agrément en cours, dont l'obtention constitue une condition suspensive à la réalisation de cette transaction.

F.N.H. : Quelle place occupe le digital dans la stratégie de développement du groupe ?
K. M. : Nous sommes très engagés dans la transformation digitale du groupe BCP. Je rappelle que tant au Maroc qu'en Afrique subsaharienne, nous avons de fortes ambitions, portées par notre plan stratégique «Elan 2020» qui accorde une place importante au digital et à l'innovation.
Au Maroc, plusieurs initiatives ont été lancées, notamment la digitalisation des parcours (entrée en relation, distribution de crédit immobilier…). Plus récemment, nous avons davantage amélioré l'application Pocket Bank, avec des fonctionnalités très innovantes.
En Afrique subsaharienne, il y a eu également plusieurs innovations, à l'instar du Chatbot «Ary» lancé début 2018 et qui était une première dans la zone UEMOA. Plus récemment, nous avons lancé en Côte d'Ivoire une nouvelle application innovante appelée «Atlantique Mobile», avec des fonctionnalités inédites comme la reconnaissance faciale, l'identification par empreinte digitale, la capacité à faire du cash-out à partir de son mobile vers n'importe quel GAB du groupe, ou encore la possibilité de désactiver sa carte de crédit ou de modifier les plafonds de paiement et de retrait par un simple clic. Cette application sera très rapidement étendue aux autres pays de présence du groupe BCP en Afrique de l'Ouest.
Derrière tout cela, il y a une volonté d'identifier de nouveaux services à forte valeur ajoutée à travers le digital, en cohérence avec notre politique de proximité Client. C'est dans ce cadre également que s'inscrit le «Fintech Challenge», le programme d'innovation du groupe BCP récemment lancé, et qui connaît un franc succès. Il s'agit d'une initiative inédite, puisque nous ne sommes pas partis des besoins du marché pour identifier des opportunités, mais plutôt des besoins du groupe BCP, identifiés de façon précise avec nos métiers et regroupés dans des challenges.
Nous avons donc lancé un appel à candidature, qui a été clôturé le 23 décembre dernier, pour les startups, d'Afrique et d'ailleurs, afin de soumettre des solutions déjà développées pouvant répondre à nos besoins.
Et il y a eu un engouement extraordinaire pour ce Fintech Challenge, puisque que nous avons reçu plus de 1.100 candidatures provenant de 34 pays dans le monde.
Cela montre que la démarche que nous avons adoptée est pertinente, parce qu'elle partait d'un besoin pragmatique et donnait de la visibilité aux startups candidates, qui peuvent décrocher un contrat de collaboration avec le groupe BCP.
Au terme de ce process, une vingtaine de startups seront sélectionnées pour entrer dans un programme de coaching (Boot Camp), au sortir duquel 6 à 10 d'entre elles seront retenues. Les startups ainsi retenues pourront alors signer des contrats avec le groupe BCP et bénéficier d'un programme d'accélération sur-mesure. Une participation capitalistique pourrait également être prise dans certaines d'entre elles. Nous l'avons d'ailleurs déjà fait au Sénégal où nous avons pris, il y a quelques semaines, une participation dans la startup sénégalaise Wizall.

F.N.H. : Pourquoi ce chantier de transformation digitale est-il si important pour le groupe ?
K. M. : On assiste, au niveau global, à une évolution en profondeur du modèle bancaire traditionnel. Nous sommes dans un environnement où la rapidité et l'accès à la donnée sont importants. Le client a besoin de plus de transparence, d'être informé instantanément de l'avancement de ses opérations, mais a aussi besoin de disposer d'informations détaillées sur ses transactions, etc.
Par ailleurs, il y a de nouveaux acteurs qui entrent en jeu pour répondre aux besoins exprimés par les clients. En Europe comme en Afrique de l'Ouest, il y a les Fintech et les opérateurs télécoms qui interviennent de plus en plus sur les services financiers à travers les Wallets, et qui bousculent les équilibres traditionnels. Au Maroc, nous avons l'arrivée des établissements de paiement. Cette évolution du marché de l'offre requiert une adaptation indéniable du modèle bancaire traditionnel.
A ce titre, fidèle à sa politique de proximité pour laquelle il est reconnu, le groupe BCP développe des offres inédites pour répondre aux nouveaux besoins, et mise sur l'innovation pour améliorer l'expérience et la proposition de valeur pour ses clients. Il faut, en définitive, mettre la banque entre les mains du client, et cette proximité est permise à travers le Wallet, le mobile et les innovations digitales.

F.N.H. : Cela va-t-il entrainer, parallèlement, un ralentissement des ouvertures, voire une réduction des agences physiques ?
K. M. : Cela dépend des opérateurs bancaires. Mais clairement, la tendance est au ralentissement du rythme d'ouverture des agences. Tout simplement parce qu'on substitue à ces réseaux physiques un réseau digital qui permet d'offrir les mêmes services, et parce que les usages des clients évoluent.
Il ne faut cependant pas se tromper : le rôle de l'agence et son format vont évoluer, mais son importance restera certaine dans la gestion de la relation client. L'agence proposera moins de services de base, et plus de conseil et de services à valeur ajoutée, avec un accompagnement plus individualisé des clients en particulier pour l'évaluation de leurs besoins de financement et la gestion de leur épargne.

F.N.H. : Pour terminer, comment voyez-vous l'évolution du secteur bancaire à moyen terme ?
K. M. : Aujourd'hui, il y a une réelle prise de conscience sur la nécessité de réfléchir à un nouveau modèle de développement au Maroc. Ce dernier doit être plus inclusif et permettre de générer une croissance plus forte de l'économie susceptible de réduire le chômage et de répondre aux besoins du pays dans les domaines des infrastructures, de la santé, de l'éducation…
Le secteur bancaire continuera de jouer, à moyen terme, un rôle clé dans la redynamisation de l'économie marocaine et l'accompagnement des politiques publiques. L'amplification de l'impact des initiatives des banques dépendra de la capacité à se mettre rapidement autour de la table et à co-construire des solutions permettant de faire des sauts qualitatifs élevés, notamment en augmentant fortement le taux de croissance actuel. D'où l'importance de la plateforme de discussion à laquelle je faisais allusion précédemment.
Concrètement, il faut des mécanismes de soutien de l'offre et de la demande. Il y a aussi toute une réflexion à mener sur la politique fiscale suivie, ainsi que sur les mécanismes à mettre en place pour redynamiser les politiques sectorielles et ceux à initier pour booster le volume des crédits proposé par le secteur bancaire, notamment à destination des TPE/PME.
Nous restons donc confiants, car notre pays dispose de fondamentaux solides et demeure attractif pour les investisseurs étrangers. Il a également la chance de pouvoir mobiliser activement, et d'une manière responsable, toutes les parties prenantes pour prendre à bras-le-corps une situation qui est aujourd'hui clairement diagnostiquée. ◆


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