Fouad Douiri, ministre de l'Energie, des Mines, de l'Eau et de l'Environnement, a tenu à rappeler que le Maroc n'a pas encore fait le choix de l'électronucléaire. Cette décision pourrait intervenir dans une décennie ou deux, mais actuellement des études sont en cours pour aider à la prise de décision. En attendant, le nucléaire se limite à l'usage civil, notamment dans les domaines de l'industrie, de la santé et de l'environnement, entre autres. - Finances News Hebdo : Lors de cette 3ème réunion du cadre international de la coopération en matière d'énergie, le représentant de la Pologne a évoqué la décision de son pays de lancer son programme nucléaire en 2013 pour un début de production d'électronucléaire en 2023. Dans quelle mesure l'expérience polonaise pourrait-elle faire l'objet d'une étude en vue d'un futur projet similaire au Maroc ? - Fouad Douiri : La Pologne est un pays qui a beaucoup de charbon, mais c'est un pays qui se développe rapidement, par conséquent ses besoins énergétiques progressent également. Ce pays a ainsi fait le choix de passer à l'électronucléaire. Le Maroc n'a pas fait ce choix pour l'instant. Notre pays observe tout ce qui se passe dans les autres pays en la matière. Et avant d'opter pour un pareil procédé, il faut franchir un certain nombre d'étapes, dont l'essentielle est de réaliser des études que le Maroc fait à son rythme. Evidemment, la nécessité de ce choix se présentera à nous dans les années à venir. Comme je l'ai déjà dit, il n'y aura pas de projet nucléaire au Maroc avant les années 2020, mais à l'horizon 2030 la question se posera et le Maroc devra prendre une décision. Cette option dépendra évidemment de la taille du marché, des évolutions des autres sources d'énergie, des technologies, de l'évolution des méthodes d'exploitation, de la sécurisation des installations nucléaires, de toutes les perspectives de disponibilité du combustible, de son traitement et retraitement... Il y a une multitude de paramètres qu'il faut prendre en compte avant d'opérer un choix en la matière. Et le fait que nous ayons un centre de recherche avec des experts est utile pour nous pour faire toutes les analyses et, le moment opportun, prendre les décisions qui s'imposent. - F. N. H. : Dans cette réunion la sécurité, l'environnement et la confiance de l'opinion publique sont des préoccupations qui sont partagées par tous les pays participants. Au Maroc qu'en est-il ? - F. D. : Il est certain qu'aujourd'hui au Maroc nous sommes très préoccupés par la sécurité. D'ailleurs, nous avons préparé un projet de loi qui vise la mise en place d'une autorité indépendante en charge de la sûreté et de la sécurité nucléaires. Projet que nous allons soumettre très prochainement. Ceci va donner, aussi bien à l'Etat qu'aux représentants de la nation et à l'opinion publique, un gage de la validité de notre système de sûreté et de sécurité nucléaires. Puisqu'il s'agira d'une autorité indépendante qui va contrôler. Il s'agit là d'un premier jalon dans le processus de sécurisation. Le deuxième est celui de la formation des ressources humaines, dont des spécialistes des sciences et des techniques nucléaires, dans notre centre de la Maamora et au Centre national de l'énergie. Il faut souligner que le domaine du nucléaire enregistre des avancées technologiques importantes, puisqu'aujourd'hui les pays ayant fait le choix de l'électronucléaire installent des centrales beaucoup plus sécurisées, dites de troisième génération. Il s'agit de multiplier le coefficient de sécurité par dix par rapport aux centrales de la génération 2. Par conséquent, le coût de l'énergie nucléaire augmente d'environ 15 %. C'est dire que la question de la sécurité des sites est au cœur des préoccupations. - F. N. H. : Quelle appréciation faites-vous de l'usage du nucléaire au Maroc ? - F. D. : Au Maroc, l'usage du nucléaire reste au niveau de la formation et de la recherche, mais également en fonction des usages civils. Ainsi, on utilise des sources radioactives pour des applications dans l'industrie, dans la santé, notamment pour la radiologie, dans le génie civil de manière générale, dans l'eau et dans l'environnement. En effet, on utilise des sources radioactives dans les essais non destructifs, c'est-à-dire pour tester un matériau tout simplement en l'irradiant et en regardant le résultat de cette radiation sans le détruire ou le soumettre à un test physico-chimique. Le nucléaire est utilisé également dans la datation, notamment pour connaître l'âge des nappes phréatiques, également dans le domaine environnemental pour déterminer les degrés de pollution. Aujourd'hui, l'utilisation du nucléaire dans notre pays est très diverse, et quand un pays maîtrise ces techniques, cela signifie que son niveau industriel et technologique progresse et cela est important pour notre pays. - F. N. H. : A chaque fois que la question du nucléaire est évoquée, les associations de protection de l'environnement montent au créneau, notamment en matière de gestion des déchets. Aujourd'hui, comment le pays gère-t-il les déchets nucléaires ? - F. D. : D'abord, il y a peu de déchets nucléaires et c'est un domaine très contrôlé. En effet, chaque fois qu'une source radioactive entre sur le sol marocain, elle est enregistrée et tracée. Les autorités compétentes l'inscrivent dans un registre et évidemment à la fin de vie de cette source, elle est stockée au niveau du CNESTEN dans des conditions répondant aux normes internationales. C'est-à-dire qu'elle est stockée sans risque aucun. Elle passe ainsi de la responsabilité de l'utilisateur à celle de l'Etat via le CNESTEN. Les conditions de stockage sont inspectées par l'Agence internationale de l'énergie atomique. Tout le système nucléaire marocain adhère, à l'instar des autres pays, aux protocoles internationaux nucléaires, ce qui signifie que tous nos systèmes sont inspectés et audités par l'AIEA. Propos recueillis par I. Bouhrara.