Les infrastructures ne sont pas adéquates pour supporter la densité. L'absence de culture de la copropriété crée des dysfonctionnements dans 45% des immeubles. Le point avec Driss Effina, expert en immobilier. - Finances News Hebdo : Pourquoi les autorités de tutelle demeurent-elles réticentes à l'option de la verticalité ? - Driss Effina : Il y a toujours des contraintes qui limitent l'option de la verticalité dans les constructions. La question qui se pose toujours est : est-ce que les infrastructures d'eau, d'électricité, d'assainissement, de voirie... sont prêtes pour la verticalité ? Quand on change la densité d'une zone urbaine passant de R+2 à R+10 par exemple, il faut changer toutes les infrastructures pour répondre aux besoins qui vont nécessairement se multiplier. Ce n'est pas un problème de choix, mais plutôt d'ordre purement technique. L'autre handicap majeur est lié aux entreprises de construction dont la plupart ne sont pas assez performantes pour assurer de tels édifices. La verticalité nécessite un savoir-faire, un matériel performant et des sociétés qui ont une certaine dimension sur le plan capitalistique. Certes, il y a des développements à ce niveau, mais les professionnels qui disposent de toutes ces conditions sont limités dans le marché national. - F. N. H. : Dans les programmes d'extension du périmètre urbain, pourquoi n'a-t-on jamais songé à la construction en hauteur ? - D. E. : Pour ces zones, ce sont les plans d'aménagement qui définissent les hauteurs. La verticalité n'est pas une nouvelle option. Cela a existé depuis le protectorat. On trouve d'anciens immeubles R+10 à Casablanca, Meknès ou Tanger. Cette option nécessite, comme je l'ai dit, les infrastructures adéquates, des entreprises de construction qualifiées. Il y a un autre facteur pénalisant qui est relatif aux problématiques de la copropriété. Au Maroc, cette culture fait encore défaut. Les études ont révélé que cette forme de logements crée des problèmes entre les résidents, surtout pour les parties communes. C'est très difficile d'imaginer un immeuble de R+7 ou R+10 avec un ascenseur en panne pour de longues périodes. Ces cas sont très fréquents au Maroc. Des enquêtes ont révélé que 45% des immeubles ont des pannes à répétition et que la réparation prend beaucoup de temps. Parfois, ils sont condamnés à l'arrêt pour toujours. Cela est dû au fait que les copropriétaires ne s'acquittent pas de leurs obligations à temps en matière de cotisation du syndic. Certains résidents refusent catégoriquement le payement ! - F. N. H. : Pourquoi alors n'y a-t-il pas de verticalité dans les édifices publics ? - D. E. : Dans les pays qui ont des immeubles en hauteur, ces édifices appartiennent aux multinationales ou aux grandes firmes. Cela est nettement visible à New York ou à Dubaï par exemple. A Casablanca, le Twin Center est l'œuvre de l'ONA et le plus haut édifice actuellement en construction à Rabat appartient à Maroc Telecom. La hauteur est toujours synonyme de prestige et de pouvoir économique. Contrairement à ce que pensent les gens, si la verticalité permet de gagner au niveau du coût du foncier, le coût de la construction augmente considérablement. Il y a différentes manières d'optimiser le foncier. Il faut agir sur le marché en le régulant correctement. Actuellement, on a un urbanisme délégué. Je suis pour un urbanisme social ! Il faut dire que les quotients d'utilisation du sol sont exorbitants au Maroc. - F. N. H. : La FNPI a lancé une formule destinée à la classe moyenne; ce produit peut-il avoir le même succès que le logement ? - D. E. : Il faut identifier les besoins des Marocains selon leur capacité de financement et décliner les nouvelles tendances du marché. Il s'agit aussi de cerner les contraintes du marché et d'utiliser les moyens et les atouts dont dispose l'Etat pour relancer les différents segments. La nouvelle offre de la FNPI est intéressante, mais encore faut-il qu'elle soit en adéquation avec les orientations de l'Etat. Les mesures incitatives déployées pour doper l'offre de logement social peuvent être calquées pour le logement moyen standing Face à la rareté du foncier, les Marocains seront amenés à accepter des appartements avec des superficies de moindre taille. Cela existe partout dans les grandes métropoles dans le monde. Pour les jeunes couples ou les ménages à petit nombre, il existe dans les villes européennes des appartements de 30 m2 ou 40 m2. A travers ces offres, on peut avoir des logements à des prix abordables pour différentes catégories. Pour la classe moyenne, la formule adéquate n'est pas encore disponible dans les faits, puisque selon l'identification du HCP, cette population a un revenu ne dépassant pas 7.000 DH et ne peut être éligible que pour le logement social, puisque les promoteurs du moyen standing proposent les prix du haut standing. L'Etat a cerné une fourchette des prix entre 600.000 et 800.000 DH, mais à ce tarif-là, seules les personnes de la classe moyenne supérieure peuvent en faire l'acquisition. Propos recueillis par Charaf Jaidani