Hormis le taux de croissance, la problématique de l'emploi reste fortement liée à l'inadéquation de la formation avec les besoins du marché. Les diplômés chômeurs sont fascinés par la fonction publique. La nouvelle position dans le classement Doing Business permettra de soutenir l'attraction des investissements étrangers et, partant, la création de plus de richesses et d'emplois, notamment dans les secteurs émergents. Abdelouahed Souhail, ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, nous éclaire sur les dessous d'un taux de chômage de 8,1%. - Finances News Hebdo : Toute politique économique se veut basée sur une croissance économique forte et, partant créatrice d'emplois. C'est ce qui explique que la dynamique de l'emploi reste étroitement tributaire de la politique économique. Dans un contexte où le taux de croissance prévu est de moins 3%, quels sont vos pronostics en matière de création d'emplois ? - Abdelouahed Souhail : Durant la période 2000-2005, l'économie marocaine avait pu créer 157.000 emplois en moyenne annuelle avec un taux moyen de croissance de 4,4%, alors que durant la période 2006-2011, les créations annuelles moyennes d'emploi n'étaient que de 116.000 emplois avec un taux moyen de croissance d'environ 5%. Ceci montre que la problématique de l'emploi et du chômage au Maroc n'est pas liée uniquement au niveau du taux de croissance. Elle est aussi liée à d'autres facteurs, dont notamment l'inadéquation de la formation existante avec les besoins du marché du travail. - F. N. H. : La programmation des mises à niveau sectorielles n'a pas pu avoir l'effet escompté sur la politique économique de l'emploi. Preuve en est le taux élevé des diplômés chômeurs qui oscille toujours autour de 18%. Pourquoi à votre avis ? - A. S. : Jusqu'à présent, il n'y a pas eu d'études d'évaluation d'impact de différents plans sectoriels sur la politique économique de l'emploi au Maroc. Toutefois, durant la dernière décennie, le marché a connu une tendance baissière historique du taux de chômage, passant de 13,4% en 2000 à 8,9% en 2011 et à 8,1% au deuxième trimestre de 2012. Cette baisse a bénéficié à l'ensemble des actifs et plus particulièrement aux chômeurs diplômés, dont le taux de chômage a baissé de plus de 10 points de pourcentage, passant de 27,4% en 2000 à 16,7% en 2011 pour s'établir à 15,4% au deuxième trimestre de 2012. Par ailleurs, les problèmes des chômeurs diplômés résident essentiellement dans l'inadéquation de la formation avec les besoins du marché du travail, dans le fait qu'ils restent cantonnés dans leur formation initiale, raisonnent en terme de diplôme et non de métier, négligent l'importance d'une première expérience, ne disposent que rarement d'un projet professionnel et, par conséquent, dirigent leur recherche d'emploi vers le secteur public. - F. N. H. : Aussi, les branches formant le secteur primaire continuent de connaître une détérioration en matière de création d'emploi. Quelles sont vos perspectives en la matière sachant que celles du secteur primaire semblent assombries par une mauvaise année agricole ? - A. S. : Effectivement, la contribution du secteur primaire à la création d'emplois a connu une tendance baissière durant la dernière décennie. La part de ce secteur dans l'emploi total est passée de 46% en 2000 à 39,8% en 2011, et ce en faveur des secteurs des BTP et des services, dont la part dans l'emploi a augmenté respectivement de 4 et 3,5 points de pourcentage durant la même période. Ceci augure d'une tendance de l'économie à dépendre de plus en plus des secteurs secondaire et tertiaire créateurs de richesses, de valeur ajoutée et d'emplois, et de moins en moins du secteur primaire tributaire essentiellement des aléas climatiques. - F. N. H. : Le mode de calcul du taux de chômage ne fait pas l'unanimité. C'est ce qui explique pourquoi un nombre important d'observateurs ne croient pas à un taux au-dessous de 10%. Quelle est votre propre appréciation? - A. S. : Les indicateurs trimestriels et annuels sur le volume et les caractéristiques de l'activité, de l'emploi et du chômage au niveau national et selon le milieu de résidence, sont issus de l'enquête nationale sur l'emploi, réalisée par le Haut Commissariat au Plan, qui est considéré comme la source principale et officielle de production, pour plusieurs raisons, dont : l'utilisation par le Haut Commissariat au Plan des techniques statistiques avancées conformes aux normes et concepts internationaux et aux recommandations du Bureau International du Travail (BIT) ; la disposition de l'organisme chargé de la réalisation de cette enquête, des qualifications techniques, matérielles et humaines nécessaires ; la diffusion régulière des indicateurs trimestriels et annuels permettant le suivi de la situation du marché du travail au cours de l'année ; la couverture géographique plus large et la représentativité actualisée des différentes couches sociales (échantillon de 60.000 ménages, dont 20.000 ménages en milieu rural). - F. N. H. : Selon le rapport «Doing Busness», le Maroc a gagné 21 places. Cela devrait se traduire par une amélioration du climat des affaires et de la création des entreprises. Quels pourraient être les effets de cette progression sur l'emploi ? - A. S. : Le classement «Doing Busness» de la Banque mondiale rend compte du climat des affaires et permet de mesurer l'attractivité du pays. Malgré sa progression de 21 rangs dans ce classement, le Maroc reste à la 94ème position derrière certains pays concurrents, notamment la Tunisie (46ème). Toutefois, cette nouvelle position permettra de soutenir l'attraction des investissements étrangers et, partant, la création de davantage de richesses et d'emplois, notamment dans les secteurs émergents (offshoring, automobile, aéronautique,...) et dans d'autres secteurs stratégiques comme le tourisme. Propos recueillis par Soubha Es-siari