À linitiative du ministère du Commerce et de lIndustrie, de lOffice dExploitation des Ports et de lAgence pour le Développement des Provinces du Nord, un appel doffres a été lancé portant principalement sur la définition dune nouvelle approche en terme de développement économique, en particulier industriel, de la région de lOriental. Le cabinet «Ernst & Young», qui a remporté cet appel doffres, a pour tâche de réaliser une étude dont lesprit porte lestampille de linnovation. Les détails avec Choukry Maghnouj, associé au sein du cabinet «Ernst & Young». F. N. H : En quoi consiste exactement létude dont vous avez la charge ? Choukry Maghnouj : Il est en réalité question dun diagnostic dont lobjectif est de faire ressortir les forces et les faiblesses de cette région. Ce quil faut, pour assurer le développement de celle-ci, est une stratégie qui doit aller de pair avec la nouvelle charte communale qui se manifeste par la volonté des pouvoirs publics de déconcentrer la réalisation et la prise en charge de linvestissement, de façon à ce que les régions puissent se responsabiliser en termes de processus de développement économique et de capture de flux dinvestissements. En termes plus simples, la région de lOriental doit aller vers une dynamique de «marketing territorial». Le diagnostic à faire se décline en trois axes. La première étape consiste à apprécier les forces et faiblesses du territoire compte tenu des paramètres démographique, géographique et topographique, du développement du capital humain et, pour finir, tout ce qui touche à lurbanisme, lhabitat et les équipements collectifs qui sont parmi les éléments permettant dassurer un cadre de vie satisfaisant et suffisant pour les employeurs dune entreprise qui vient investir. La deuxième phase consiste à identifier pour un territoire, ce que ce dernier peut devenir demain compte tenu de ses forces et faiblesses sur le plan économique. Il sagit en fait de se poser une série de questions: quelles sont les filières économiques en place ? Quelles sont celles qui peuvent évoluer par rapport à un environnement économique ouvert et de mondialisation ? Et en même temps, quelles sont les filières économiques sur lesquelles une réflexion doit être poussée, compte tenu de la position géographique ou de la typologie des ressources naturelles existantes, et éventuellement du type de flux commerciaux qui peuvent transiter par la région ? La dernière composante de ce diagnostic est la nécessité de faire le lien entre les exigences qui sont propres à chaque filière économique par rapport à loffre de site de la région. Il est évident que dans cette dynamique, la première étape est davoir une vision stratégique en terme de positionnement des sites daccueil. Ce qui est important, cest de savoir quels sont les sites qui présentent des atouts majeurs pour compléter les facteurs de réussite afin de développer telle ou telle filière (être proche dun port, dun aéroport, dune autoroute et avoir les services dassainissement...). Donc, nous sommes aujourdhui en réflexion, et en même temps nous nous appuyons sur le benchmark qui existe au sein du réseau international pour stratifier globalement trois grands niveaux : une offre de sites à caractère stratégique dune taille critique à même de recevoir des opérateurs et des figures économiques importantes, des sites intermédiaires qui permettent dassurer une continuité avec les sites de taille critique, et puis des «micro-zones» dactivité à même de recevoir des regroupements sous forme de coopératives agricoles, artisanales ou de métiers locaux pouvant être rattachés à des filières locales (culture de lolive, élevage...). F. N. H : Quelles sont les filières identifiées et qui peuvent être développées à votre avis ? C. M. : Dans le cas de figure de lOriental, la filière agricole est un créneau important dont le rendement est à optimiser et à compléter, éventuellement, par la capacité à transformer les produits tout en conservant une partie de la marge économique. Autres filières qui peuvent être investies : celles qui peuvent permettre de valoriser le capital humain. Cela peut être donc des «call-centers» avec barrière technologique; cest-à-dire des centres de prestation de services techniques délocalisés, compte tenu du fait également que dans la région on parle aussi bien le français que lespagnol. Il faut aussi réfléchir sur des filières délocalisables au Maroc, notamment autour de certains métiers qui sont en phase embryonnaire mais qui peuvent être appelés à grandir de façon significative, comme les filières de prestation de services logistiques. Rappelons quil y a seulement quelques semaines, deux grands opérateurs internationaux en logistique ont déclaré leur intention de sinstaller au Maroc. Notons également que lavantage de ce type de services est quil permet de désenclaver un territoire, puisquil sappuie sur laccessibilité et lacheminement (ferroviaire, routier, aéroportuaire et portuaire). Et dans le cas précis de la région de lOriental, on dispose à la fois dune infrastructure portuaire, dau moins 2 aéroports, dun réseau ferroviaire qui est en cours de développement, dun réseau routier et dune ligne ferroviaire, notamment la ligne «Taourirt-Nador». F. N. H : Que peuvent, à ce titre, apporter les différents accords de libre-échange signés par le Maroc ? C. M. : Le fait que le Maroc ait signé des accords de libre-échange avec lUE, les USA..., fait quaujourdhui il peut se constituer, en tout cas au niveau de certaines régions, une plate-forme de prestation de services ou de transit de flux économiques et commerciaux. Bien entendu, nos voisins espagnols peuvent être intéressés par la délocalisation dune partie de leurs activités sur des espaces qui présentent des infrastructures de logistique et de transport favorables avec des coûts de production ou de sous-traitance nettement inférieurs aux standards européens; et cest là où demain on peut avoir un atout majeur sur un plan régional, surtout dans la partie orientale.