Les frais de scolarité pour les étudiants étrangers extra-européens ont été pratiquement multipliés par 16. C'est l'une des mesures contenues dans la stratégie «Bienvenue en France». Les explications de l'Ambassade.
Dans son discours prononcé le 19 novembre dernier pour présenter la «Stratégie d'attractivité pour les étudiants internationaux», le Premier ministre français y a mis les formes. «Nous devons donc accueillir plus d'étudiants étrangers. Et pour accueillir plus, nous devons mieux accueillir. Notre objectif est d'atteindre 500.000 étudiants en mobilité à l'horizon 2027 – nous en comptons actuellement 320.000, dont 245.000 en mobilité diplômante», a notamment dit Edouard Philippe. Sauf que les étudiants étrangers ont vite déchanté, d'autant que, dans la palette de mesures préconisées pour atteindre cet objectif, il y a comme un os : la hausse des frais de scolarité. «Nous avons donc décidé que les étudiants internationaux qui ne résident pas dans l'espace économique européen paieront des frais d'inscription correspondant approximativement au tiers du coût réel de leur formation», a-t-il annoncé. Jusque-là, étudiants français et étrangers s'acquittaient des mêmes droits d'inscription : 170 euros pour une année de formation en Licence, 243 € en Master et 380 € en Doctorat. Sous prétexte qu'ils ne sont pas redevables de l'impôt en France et ne contribuent donc pas au financement de l'enseignement, les étudiants étrangers devront casser leur tirelire en 2019 pour s'acquitter de frais d'inscription pratiquement 16 fois plus élevés. Ils devront ainsi payer 2.770 € en Licence et 3.770 € en Master et Doctorat. «Nous resterons très en-dessous des 8.000 € à 13.000 € de nos voisins néerlandais et des dizaines de milliers de Livres en Grande-Bretagne, et de la plupart des pays européens, sans évoquer bien sûr la situation sur le continent Nord américain», tempère cependant Edouard Philippe. Clélia Chevrier Kolačko, conseillère de Coopération et d'Action culturelle de l'Ambassade de France au Maroc, et Directrice générale de l'Institut français du Maroc, abonde dans le même sens. «Le fondement de l'augmentation des frais de scolarité consiste à respecter un principe d'équité solidaire en demandant aux étudiants internationaux non-européens de contribuer au financement de leurs études en France, pour permettre, d'une part, le financement de bourses destinées aux moins fortunés et aux plus méritants, et pour donner, d'autre part, les moyens aux établissements d'enseignement supérieur de mettre en place des dispositifs pour mieux accueillir les étudiants et garantir ainsi leur succès», précise-t-elle. Pour autant, avec ces montants que certains estiment rédhibitoires, on peut légitimement douter de la volonté de la France d'accueillir davantage d'étudiants étrangers. Voire se demander si cette stratégie, qu'Edouard Philippe a eu… la bienveillance de baptiser «Bienvenue en France», ne s'inscrit pas dans le cadre d'une politique migratoire plus restrictive et plus sélective. Un sentiment que ne partage pas du tout Clélia Chevrier Kolačko. «La nouvelle stratégie d'attractivité pour les étudiants internationaux est clairement une stratégie d'ouverture, puisqu'elle a pour objectif d'attirer encore plus d'étudiants, pour atteindre un demi-million d'étudiants internationaux d'ici 2027. Elle répond à un contexte de concurrence grandissante entre pays, et à une volonté de s'adapter aux besoins des étudiants et de garantir que leur séjour en France soit un succès», indique-t-elle. Tout en faisant remarquer que «cette stratégie a également pour objectif de créer davantage de partenariats entre les établissements afin d'augmenter le nombre de co-diplômes et d'accords favorisant la mobilité étudiante encadrée, dont nous savons qu'elle garantit une meilleure réussite des étudiants».
Les étudiants africains beaucoup plus touchés «Bienvenue en France» a forcément un goût amer pour les étudiants africains, les principaux concernés et les plus touchés par cette stratégie. En effet, ils représentent presque la moitié des étudiants étrangers présents en France, avec une forte communauté de Marocains (estimés à quelque 40.000 étudiants), de Sénégalais, de Tunisiens et d'Algériens. Seule consolation pour eux : cette mesure n'étant pas rétroactive, la hausse des frais de scolarité ne les impactera pas une fois le cycle universitaire entamé. Sauf qu'elle pourrait dissuader certainement plusieurs familles, dont les revenus sont limités, à envoyer leurs enfants poursuivre leurs études en France. Reste à savoir alors si la France pourra conserver sa place de quatrième destination mondiale pour les étudiants internationaux, derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie. Du côté français, on reste optimiste. D'autant que «cette stratégie s'accompagnera de bourses et d'exonérations de droits d'inscription pour ceux qui en ont le plus besoin. Actuellement, 7.000 étudiants étrangers sont boursiers du gouvernement français. A cela s'ajouteront 8.000 exonérations de droits d'inscription et environ 6.000 autres bourses d'établissements, que les universités pourront librement attribuer aux étudiants internationaux», note Clélia Chevrier Kolačko. Par ailleurs, ajoute-t-elle, «les universités et les écoles seront également libres de développer des accords avec d'autres universités et écoles dans le monde permettant d'exonérer de droits leurs étudiants respectifs, et de construire ainsi leur propre politique d'attractivité et d'accueil». Et de conclure que «le soutien aux établissements français désireux de s'implanter à l'étranger permettra de se rapprocher des étudiants ne souhaitant ou ne pouvant pas se rendre en France pour une longue période, tout en créant des synergies avec les universités locales intéressées. C'est une petite révolution et un pari sur notre attractivité. Le choix de la France ne sera plus tant fondé sur la quasi-gratuité que sur un vrai désir, celui de l'excellence de la formation à la française». ■
Mesures d'accompagnement Pour dérouler cette stratégie, plusieurs mesures ont été prévues, dont un fonds doté de 10 millions d'euros en 2019 ainsi qu'un label d'accueil des étudiants étrangers pour les établissements du supérieur. De même, le nombre de bourses offertes aux étudiants internationaux sera triplé. Au total, 15.000 bourses (vs 7.000 actuellement) seront délivrées et cibleront prioritairement les étudiants en provenance du Maghreb et des pays d'Afrique. Par ailleurs, selon Edouard Philippe, les procédures de délivrance de visas aux étudiants étrangers seront assouplies. De même, «à partir de mars 2019, les étudiants titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur français équivalent au Master et qui sont retournés dans leur pays d'origine pourront bénéficier d'un titre de séjour pour revenir en France, créer une entreprise ou chercher du travail».