Les échanges commerciaux entre le Maroc et lIran sont limités et concernent plus particulièrement le phosphate et le pétrole. Mais, il y a une volonté commune des deux parties de renforcer ces échanges, malgré la distance qui les sépare. LIran, cest un PIB de 478,2 milliards de dollars, un taux de croissance économique de 6,1% et un revenu annuel moyen par habitant de 7.000 dollars en 2003. Iran / USA : « Les Américains veulent devenir «le grand observateur» non seulement pour lIran, mais pour nimporte quel autre pays». Iran / Irak : « Les Irakiens sont nos voisins les plus proches. Nous avons plusieurs choses en commun : lhistoire, la culture et même lart culinaire. Finances News Hebdo : Comment évaluez-vous le degré de coopération économique entre le Royaume du Maroc et la République Islamique dIran et quels en sont les secteurs-clefs ? Mohamed Masjid Jamee : Dans ce domaine, les deux importants facteurs sont le pétrole et le phosphate. Durant ces dernières années, nous avons acheté le phosphate et lacide phosphorique du Maroc et lui avons vendu le pétrole. Après ma nomination, jai essayé dinstitutionnaliser ces deux transactions pour arriver à un accord dans ce domaine. Maintenant, et selon un accord qui a été signé lannée dernière en Iran avec lOCP, nous achètons lacide phosphorique et le phosphate. En contrepartie, nous exportons au Maroc, et dans le cadre dun autre accord avec la SAMIR, un million de barils de pétrole par mois. Ces deux accords sont les plus importants éléments concernant notre relation économique. Toutefois, il existe dautres possibilités. Par exemple, en 2004, la marine marchande iranienne a livré le phosphate et lacide phosphorique à quelques pays dans notre région et voudrait élargir ces livraisons à dautres pays. Durant ces derniers mois, nous avons reçu une délégation de cette compagnie de navigation pour finaliser cette coopération. Néanmoins, il existe bien sûr dautres potentialités : vous avez de bonnes olives, de lhuile dolive, un très bon artisanat et un très bon textile, (prêt-à-porter et chaussures) et je pense que le marché iranien serait intéressé par ces produits. Par ailleurs, lIran a une expérience réussie dans les secteurs techniques et des services pour la construction des barrages, des routes, dans la production de lélectricité pour fabriquer des turbines électriques en utilisant le gaz et aussi la production de lélectricité hydraulique, en plus dautres productions mécaniques comme les tracteurs, les motocycles... LIran est également connu pour ses fruits secs (les dattes, les pistaches les raisins secs). On peut dire la même chose des tapis industriel et artisanal. F. N. H. : Les possibilités dinvestissement au Maroc pourraient-elles intéresser les opérateurs iraniens ? Dans le même ordre didées, est-ce que «le produit Maroc» est bien promu en Iran ? En contrepartie, le marché iranien offre-t-il des chances sérieuses de croissance pour déventuels investissements marocains ? M. M. J. : Je pense quil faut être réaliste. Il existe beaucoup davantages et autant dinconvénients. Le fait que le Maroc soit très loin de lIran représente un inconvénient pour les deux parties. Il y a heureusement un système de navigation entre les deux pays mais qui ne livre pas les marchandises. Dans ce cadre, il faut fournir davantage defforts pour développer les échanges commerciaux entre les deux pays. En ce qui concerne linvestissement, plusieurs Iraniens investissent dans le Golfe persique. Actuellement, ils représentent plus de 4.650 sociétés, mais basées seulement à Dubaï, en Turquie et en Europe. Cest difficile de leur demander dinvestir au Maroc à cause de la distance qui nous sépare et peut-être aussi en raison de la langue. En fait, je pense que le meilleur investissement reste celui qui est appuyé par le gouvernement, comme linvestissement dans laccord commun des engrais que nous sommes en train de négocier avec lOCP afin davoir deux différentes usines : lune à Jorf Lasfar pour la production de lacide phosphorique et lautre en Iran pour la production de lacide sulfurique et lammoniaque, dun montant dun demi-milliard de dollars. Il y a aussi le projet de construire une compagnie pétrochimique dans le Royaume avec la SAMIR pour le marché marocain et pour lexportation vers les pays de lAfrique de lOuest et le Sud méditerranéen. Je suis persuadé que de tels investissements seront fructueux; mais, en même temps, nous sommes disposés à faciliter nimporte quel autre genre dinvestissement. F. N. H. : Nous aimerions savoir le degré dadaptation de la législation iranienne aux exigences mondiales de louverture des échanges ? M. M. J. : Cest une question technique. Mais, brièvement, je peux vous dire que nous avons beaucoup uvré ces dernières années en matière de législation en faveur dun échange plus libre entre lIran et les autres pays. En réalité, après la Révolution, nous avons essayé détablir une sorte dautonomie économique en Iran et, par conséquent, notre législation était influencée par cette idée. Mais, aujourdhui, la réalité économique nous oblige à nous adapter aux changements actuels. F. N. H. : La place de léconomie iranienne dans les marchés asiatique et mondial reste très peu connue chez les économistes marocains. Pouvez-vous nous éclairer avec des chiffres sur les vraies potentialités de cette économie ? M. M. J. : La place de lIran dans léconomie asiatique et mondiale est très liée à sa situation géographique, géopolitique, géoéconomique et aussi à ses ressources humaines (70 millions dhabitants). Par rapport à lAsie et lEurope, nous sommes au carrefour. À lEst, on a le sub-continent avec plus dun milliard et deux cents millions dhabitants. Au Nord, il y a le Caucase et les pays du centre asiatique et la mer Caspienne avec plusieurs ressources. À lOuest, cest la Turquie et lUnion européenne, lIrak et les pays arabes. Au Sud, cest le Golfe persique et lOcéan Indien. Il est à signaler que le pétrole et le gaz sont les plus importants éléments qui déterminent le rôle de lIran dans le cadre international, régional et asiatique. Quant aux potentialités de léconomie iranienne, je vous donne ici quelques chiffres pour lannée 2003 : le PIB représente 478,2 milliards de dollars, le taux de croissance économique est de 6,1%, et le revenu annuel moyen par habitant est de 7.000 dollars. Les importations se chiffrent à 26 milliards de dollars et les exportations à 29,88 milliards. F. N. H. : Sur le volet international, comment expliquer la pression de plus en plus forte exercée par les Etats-Unis sur lIran sous prétexte «des ambitions nucléaires» de Téhéran ? Se cache-t-il autre chose derrière cette pression ? M. M. J. : Tout dabord, je voudrais expliquer rapidement le mot «ambition». Le souhait de lIran nest pas forcément de lambition. LIran voudrait avoir sa technologie nucléaire et, comme nous lavons constamment répété, nous voulons une technologie nucléaire pacifique pour la production délectricité et pour lutiliser dans les domaines scientifique, médicale et celui de léducation. Selon les rapports de lAgence Internationale de lEnergie Atomique, durant les années à venir, lutilisation de lénergie atomique est inévitable dans la production de lélectricité, surtout si on prend en considération le côté écologique. Nous sommes membres de lAgence Internationale de lEnergie Atomique et lIran est signataire du Traité de Non-Prolifération Nucléaire. En cela, nous acceptons la vérification de nimporte quel site à nimporte quel moment par les experts de lAgence et même sans préavis. En effet, cest un «droit» pour tous les pays et nous voudrions lutiliser en donnant toutes les garanties à ces institutions qui en sont chargées. Les Américains veulent devenir le patron du monde, et comme a dit George Orwell, il y a longtemps, ils veulent devenir «le grand observateur» non seulement pour lIran mais pour nimporte quel autre pays. Cest la vérité. De ce fait, lIran nest pas le problème. Il est seulement un prétexte car les Américains naiment pas voir un pays indépendant qui vit selon sa manière, sa propre identité et ses principesde venir fort et indépendant. Actuellement, lIran est au centre des préoccupations de lAdministration américaine. Mais, si lIran nétait pas dans cette situation, je suis sûr que la pression aurait été tournée vers dautres pays qui veulent avoir une politique indépendante : la Chine, le Brésil, lEurope et même quelques pays pro-américains en voie de développement. F. N. H. : Quen est-il du rôle de lIran dans la résolution du conflit israélo-palestinien et celui de lIrak ? M. M. J. : Pour la première partie de votre question, en fin de compte, cest un problème entre deux parties qui ils doivent le résoudre de manière bilatérale. Mais, pour résoudre un problème, il faut le faire dans le cadre de la justice. Nous sommes donc en faveur du souhait palestinien de recouvrer légalement ses droits dans le respect, afin de permettre aux réfugiés palestiniens de regagner leur pays natal et récupérer la terre qui leur a été extorquée par la force. Quant à la deuxième partie de votre question, lIrak est notre voisin, et durant les dernières décennies, nous avons accueilli plusieurs réfugiés en Iran et ils y vivent encore. Ils sont nos voisins les plus proches. Par conséquent, nous avons plusieurs choses en commun : lhistoire, la culture et même lart culinaire. Nous étions conscients de leurs souffrances dans les années 60 et nous savons combien ils souffrent maintenant. Nous avons fait de notre mieux pour un Irak unifié et indépendant. Depuis le début, nous étions contre loccupation de lIrak et étions pour les élections. Nous considérons que ces élections sont la première étape pour le départ du nouveau colonisateur. Dans tous les cas, nous considérons que la présence des troupes étrangères en Irak est la cause principale de linstabilité de ce pays et donc elles doivent lévacuer. Néanmoins, le gouvernement légal doit être au pouvoir pour gérer ce pays. Il est évident que lIran, comme les autres pays voisins, insiste sur lintégrité de lIrak et la continuation de lidentité nationale de ce pays.