Noreddine Tahiri, Directeur général de AjarInvest (filiale de CDG et de CIH Bank), future société de gestion d'OPCI (Organisme de placement collectif en immobilier), a été impliqué dans tout le processus d'élaboration du dispositif législatif et règlementaire de cette industrie du fait du rattachement à un actionnariat considéré comme «tiers de confiance». Il nous parle du potentiel de ce marché.
Finances News Hebdo : Les OPCI sont attendus depuis plusieurs mois. Où en est le dossier maintenant ?
Noreddine Tahiri : Je souhaite, avant de répondre à votre question, expliquer, sommairement, ce que sont les OPCI et leur fonctionnement. Les OPCI sont des sociétés dont le patrimoine est essentiellement composé d'actifs immobiliers destinés à la location. Les loyers perçus par les OPCI sont versés, dans leur quasi-totalité, aux actionnaires. Détenir des parts d'OPCI revient en fin de compte à détenir, indirectement, une partie des actifs immobiliers de l'OPCI, et donc cela revient à bénéficier des loyers versés par les locataires desdits immeubles. Par ailleurs, les détenteurs de parts d'OPCI pourraient, selon les conditions qui seraient fixées pour chaque OPCI, vendre lesdites parts et se désengager de l'OPCI. Il faut également noter que les OPCI doivent être agréés par l'Etat et qu'ils seront gérés par des sociétés de gestion qui, elles-mêmes, se doivent d'être agréées par l'Etat. Cela confère à ces organismes une certaine sécurité juridique. Pour revenir à votre question, le ministère des Finances a constitué, dès le début de la réflexion autour du projet, une commission composée de futurs acteurs de l'industrie des OPCI, et ce y compris des experts de l'immobilier locatif. La loi sur les OPCI a été votée en août 2016 et les premières dispositions fiscales concernant les OPCI ont été introduites par la Loi de Finances depuis 2017. Récemment, le décret d'application de la loi a également été adopté par le Conseil de gouvernement ainsi que le texte régissant les modalités d'agrément des évaluateurs immobiliers. Pour ce qui est des circulaires que l'AMMC doit produire, elles sont au nombre de deux. La réflexion autour de ces deux textes a été menée par l'AMMC en parfaite concertation avec le noyau de professionnels. Ces deux circulaires seront probablement finalisées dans les prochains mois. Ainsi, le dispositif législatif est finalisé, le dispositif règlementaire l'est quasiment. Les professionnels suivent de près l'émergence de cette activité. Si la dynamique, déjà effective, des autorités est maintenue ou accélérée, il est probable que les premiers OPCI verront le jour durant l'année 2018.
F.N.H. : Que vont rapporter les OPCI au marché immobilier ?
N. T. : Les actifs immobiliers que les OPCI peuvent détenir sont ceux destinés à la location. Cela comprend les immeubles de bureaux, les commerces, les entrepôts logistiques, les unités industrielles et également les immeubles résidentiels. Vu le large spectre de la nature des actifs immobiliers que les OPCI peuvent détenir, le potentiel d'une telle industrie est important. Il est aujourd'hui estimé à 200 milliards de dirhams. Quant aux apports des OPCI au marché de l'immobilier, ils sont nombreux et de différentes natures. A titre d'exemple, les OPCI seraient le débouché naturel pour écouler la production des promoteurs immobiliers, puisqu'ils auront une taille importante et donc une force de frappe financière suffisante. De ce fait, c'est un outil qui va contribuer, de façon décisive, au développement de l'immobilier au Maroc. Par ailleurs, les OPCI sont des outils de collecte de l'épargne, des investisseurs institutionnels et des personnes physiques en particulier, pour les orienter vers de l'immobilier locatif. Ils vont donc mettre à la disposition du secteur une épargne supplémentaire à laquelle il n'avait pas accès, et ce grâce aux dispositions législatives et règlementaires qui sécurisent cet investissement. En outre, le décret qui vient d'être adopté a consacré la notion d'évaluateurs immobiliers agréés pour les OPCI. Il a instauré de ce fait un label «agréé OPCI», au même titre que certains labels étrangers, qui garantit le professionnalisme et l'expertise des évaluateurs agréés. Dorénavant, il y aura au Maroc deux types d'évaluateurs immobiliers, ceux qui sont agréés OPCI et les autres. Voici donc quelques apports des OPCI au marché de l'immobilier au Maroc.
F.N.H. : Parallèlement au lancement des OPCI, la fiscalité a-t-elle été mise à niveau ? Que reste-t-il à faire dans ce sens ?
N. T. : La fiscalité qui a été mise en place dès l'adoption de la loi sur les OPCI est de nature à encourager l'émergence de cette industrie. Ainsi, les OPCI ne sont pas tenus de payer l'Impôt sur les sociétés (IS). Par ailleurs, les OPCI sont des sociétés à capital variable, la cession des parts n'est pas, de ce fait, soumise au droit d'enregistrement. En plus, la plus-value réalisée suite à l'apport en nature d'un actif immobilier à un OPCI ne subit pas l'impôt au moment de l'apport. Cette dernière disposition reste valable jusqu'en 2020. Elle a été instaurée dans l'objectif d'accélérer l'émergence de l'industrie des OPCI. Le dispositif fiscal est intéressant et encourageant, il reste toutefois perfectible sur certains aspects, notamment en ce qui concerne la fiscalité des dividendes versés aux actionnaires.
F.N.H. : A quel type de rendement faut-il s'attendre sur ce marché et quel profil d'investisseurs peut être intéressé par ce type de placement ?
N. T. : Le rendement des OPCI dépendra principalement de celui des actifs immobiliers locatifs qu'ils détiennent. Dans l'état actuel du marché, le rendement des OPCI pourrait être de 6%, voire 7%. C'est un rendement qui va certainement attirer les investisseurs institutionnels et également les personnes physiques, car outre le rendement, les OPCI présentent les avantages de la sécurité juridique, d'une gestion professionnelle par une société spécialisée et agréée par l'Etat, d'une fiscalité avantageuse et d'une souplesse quant aux modalités d'investissement et de désengagement.
F.N.H. : Enfin, parlez-nous d'AjarInvest. Êtes-vous prêts à vous lancer sur ce marché ?
N. T. : AjarInvest a été créée conjointement par la CDG et par CIH Bank. Elle sera chargée, dès qu'elle aura obtenu l'agrément, de structurer et de gérer des OPCI. AjarInvest compte s'appuyer sur ses deux actionnaires qui sont des «tiers de confiance», à savoir la CDG, acteur majeur dans la promotion de l'épargne long terme, et CIH Bank, acteur historique et de renom dans le secteur de l'immobilier et dont les équipes disposent d'une expérience avérée dans ce secteur. Par ailleurs, AjarInvest dispose d'atouts intrinsèques. Son équipe, et plus particulièrement son management, ont été impliqués tout le long du processus d'élaboration du dispositif législatif et règlementaire. J'ai moi-même été membre de la commission instaurée par le ministère des Finances, chargée de la réflexion autour du projet de loi sur les OPCI. J'ai également fait partie de la commission désignée par le ministre de l'Economie et des Finances pour l'élaboration du plan comptable des OPCI. Nous avons également été associés, au même titre que d'autres opérateurs, à la réflexion autour des différentes circulaires de l'AMMC. Ainsi, AjarInvest dispose de différents atouts dans ce domaine; une forte connaissance du dispositif législatif, règlementaire et fiscal relatifs aux OPCI; une réflexion menée depuis longtemps autour des différentes possibilités de structuration d'OPCI en fonction des besoins des investisseurs; des contacts pris avec des acteurs de renom. Nous avons aujourd'hui les moyens, dès que AjarInvest obtiendra son agrément, de structurer rapidement des OPCI selon le besoin des différents investisseurs et nous pouvons accompagner et conseiller les investisseurs dans leur réflexion pour mettre en place, rapidement, ce type de véhicule. ■