■ Face à des charges de plus en plus croissantes, l'Etat est contraint d'améliorer ses ressources, notamment fiscales, afin de répondre à ses engagements. ■ Cela passe par un élargissement de l'assiette, des restrictions sur les dérogations et la traque des niches fiscales. Elargissement de l'assiette, restriction en matière de dérogations et traque des niches fiscales, tel est le mot d'ordre du gouvernement pour renforcer ses recettes. Face à des charges de plus en plus croissantes, l'Etat est contraint d'améliorer ses ressources, notamment fiscales, afin de répondre à ses engagements. «Payez vos impôts !», a enjoint Abdeillah Benkirane aux entrepreneurs et autres contribuables lors de sa réponse au Parlement à propos de la déclaration gouvernementale. «Il vaut mieux gagner moins d'argent dans un climat de stabilité que d'en gagner beaucoup dans un environnement d'incertitudes», a ajouté le chef du gouvernement. En effet, la situation des finances publiques donne des signes d'inquiétude. Le déficit budgétaire s'est nettement creusé au terme de l'année 2011, atteignant 42,3 Mds de DH (47,6 Mds de DH hors privatisation) contre 28,4 Mds de DH à fin 2010. Les autres indicateurs ne sont pas au beau fixe. Le gouvernement est enclin à opter pour de nouvelles orientations, notamment politiques, qui peuvent améliorer ses recettes et réduire ses dépenses. De nombreuses dérogations continuent à marquer le système fiscal sous forme d'exonérations, réductions, abattements ou taux préférentiels. Les dérogations représentent un enjeu budgétaire important. Elles sont appelées «dépenses fiscales» parce que leur effet sur le budget de l'Etat est comparable à celui des dépenses publiques. Le nombre de dérogations fiscales continue de pénaliser les finances publiques. Leur nombre atteint 380, soit une valeur de près de 30 Mds de DH ou 4% du PIB. Les mesures incitatives concernent pratiquement tous les secteurs d'activité. La santé et le social arrivent en première position, soit 14% de l'ensemble des mesures. Les activités immobilières bénéficient de 10% du nombre de dérogations, l'agriculture et la pêche 8%, les régions 8%, les mesures communes 6%, la prévoyance sociale 5% et les industries alimentaires 4%. L'ensemble des secteurs, et principalement les secteurs productifs, bénéficient d'avantages généraux communs qui représentent 6% des mesures dérogatoires. Les dérogations fiscales sont considérées comme des aides directes et imposées pour des considérations économiques, sociales ou culturelles. «Cette tendance est contraire au principe de l'équité fiscale qui fait que tous les contribuables sont égaux devant l'impôt. Cependant, la fiscalité n'a pas un rôle typiquement budgétaire mais aussi économique et social», commente Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal. Dans son programme gouvernemental, Abdelillah Benkirane a promis d'instaurer une véritable justice fiscale. Son parti, le PJD, s'est engagé à cibler certains secteurs comme l'agriculture. «Il y a des activités agricoles ou des exploitants qui gagnent beaucoup d'argent et qui profitent par la même occasion des subventions et autres formes de soutien de l'Etat alors qu'ils ne payent pas d'impôt. Il est temps de mettre un terme à cette situation», indique Abdessalam Seddiqui, professeur universitaire. Pour ce qui est des niches fiscales, la Direction des impôts se prépare déjà à la traque d'activités dont la contribution est nulle ou en deçà de leurs potentialités, comme les professions libérales, certaines activités commerciales ou des créneaux comme les professionnels sportifs, les artistes ou autres prestataires de services. ■ Charaf Jaidani Quid des régions ? Au niveau régional, les provinces sahariennes, les zones franches comme celle de Tanger bénéficient d'un régime spécial. En effet, les provinces sahariennes ont bénéficié dès leur récupération d'une suppression de la quasi-totalité des impôts. L'Etat voulait avec cette initiative encourager l'investissement dans la région et donner un coup de pouce à la consommation à travers l'exonération de la TVA des produits de base. Il est question d'encourager les fonctionnaires et autres employés de travailler dans ces régions et d'aider la population locale. Ce qui fait que le coût de la vie dans cette région est l'un des moins chers du pays. Mais cette disposition peut entraîner des abus voire des fraudes ou des évasions. Plusieurs entreprises ont installé leur siège social et leur lieu d'imposition dans ces régions, alors que leur activité se réalise dans le reste du pays.