■ Le Maroc bénéficie d'une bonne place dans les priorités de la politique africaine de la Chine. ■ Les échanges commerciaux entre les deux pays connaissent un déséquilibre plus que remarquable. ■ Eclairage de Jawad Kerdoudi, président de l'Institut marocain des relations internationales (IMRI), sur la relation et les enjeux actuels et futurs de la coopération Maroc-Chine. ✔ Finances News Hebdo : Comment définiriez-vous aujourd'hui la relation Maroc-Chine? ✔ Jawad Kerdoudi : La relation entre le Maroc et la Chine est bonne. Elle est très ancienne puisque le Maroc a établi des relations diplomatiques avec la Chine dès 1958, soit deux ans après son indépendance. Les relations politiques sont excellentes et sont marquées par des visites réciproques d'officiels de haut rang. On peut citer à titre d'exemple la compréhension de la Chine pour la position du Maroc sur la question du Sahara, concrétisée par le vote positif chinois à la résolution 1813 de l'ONU, qui considère positive la proposition marocaine d'autonomie du Sahara sous souveraineté marocaine. En contrepartie, le Maroc adhère au principe d'une seule Chine, et n'a pas de représentation diplomatique à Taïwan. Enfin, dernièrement le Maroc a reconnu à la Chine le statut d'économie de marché. ✔ F.N.H. : Les investissements de la Chine en Afrique ont considérablement augmenté ces dernières années. Quelle est la place du Maroc dans les priorités de la politique africaine de la Chine ? ✔ J. K. : En effet, la Chine a développé durant la dernière décennie un partenariat stratégique avec l'Afrique dans le cadre du FOCAC : Forum de la coopération sino-africaine qui se réunit régulièrement en Chine et dans les pays africains. Durant la 4ème Conférence ministérielle du FOCAC qui a eu lieu en Egypte, à Charm El Cheikh, quatre axes ont été privilégiés : la lutte contre le changement climatique, la coopération technico-scientifique, l'aide financière aux pays africains et l'accès des produits africains au marché chinois. Ce partenariat stratégique est basé sur les principes d'égalité, de confiance mutuelle et de coopération gagnant-gagnant. C'est ainsi que les échanges commerciaux Chine-Afrique qui n'étaient que de 5 milliards de $ en 1995 ont atteint 105 milliards de $ en 2008. En fait, la Chine tente par l'approfondissement de ses relations avec l'Afrique d'asseoir son rôle international, qui deviendra de plus en plus important dans les décennies à venir. Elle trouve également en Afrique les matières premières, notamment le pétrole, dont elle a besoin pour développer son économie. De l'autre côté, les Africains trouvent en la Chine un grand client fiable, un investisseur potentiel et un bienfaiteur financier. Le Maroc est l'un des pays africains qui bénéfice d'une bonne place dans les priorités de la politique africaine de la Chine. ✔ F.N.H. : Les relations entre le Maroc et la Chine connaissent, certes, un dynamisme particulier, toutefois cette relation n'est pas contrebalancée ; comment expliquez-vous le déséquilibre entre les importations et les exportations? ✔ J. K. : Les échanges commerciaux entre la Chine et le Maroc sont particulièrement déséquilibrés. En 2010, la Chine a exporté au Maroc pour 25 milliards de dirhams et n'a importé qu'environ 2 milliards de dirhams du Maroc. Ceci s'explique par l'essor économique considérable de la Chine qui est devenue «L'Atelier du monde» fournissant des produits avec le meilleur rapport qualité/prix. Malheureusement, le Maroc, qui est un petit pays par rapport à la Chine, ne peut lui offrir qu'une gamme de produits très limitée. ✔ F.N.H. : Comment le Maroc peut élargir le spectre de la coopération Maroc-Chine ? Et quelles sont les niches à développer ? ✔ J. K. : En contrepartie du déséquilibre de la balance commerciale, la Chine offre au Maroc une large coopération soit sous forme de dons financiers, soit en intervenant dans certains secteurs comme l'agriculture, la pêche maritime, les télécoms et les infrastructures. Le gouvernement chinois encourage également les investissements chinois au Maroc qui sont évalués à 170 millions de $, mais qui restent faibles par rapport aux investissements occidentaux dans notre pays. A mon avis, les niches à développer sont une coopération industrielle en matière de phosphates, le secteur des infrastructures et notamment Tanger-Med, et enfin le tourisme qui offre d'énormes possibilités dans l'avenir. ✔ F.N.H. : À votre avis, quels sont les enjeux actuels et futurs de cette coopération sachant que la Chine est aujourd'hui considérée comme étant un acteur incontournable dans l'économie mondiale ? ✔ J. K. : En effet, la Chine est devenue incontournable puisqu'elle occupe déjà le 2ème rang économique mondial après les Etats-Unis. Le Maroc dont l'économie est aux deux tiers tournée vers l'Europe qui connaît actuellement une grave crise financière, doit absolument diversifier ses échanges et ses investissements vers l'Afrique, l'Amérique et l'Asie dont en premier lieu la Chine. ■ Propos recueillis Par Lamaie Boumahrou