* Depuis quelques temps, de nouveaux concepts politiques ont vu le jour. * Soutien critique, poids politique historique, partisanisation A nouveaux artifices, nouveaux concepts ! * Résultat des courses : la politique au Maroc pert tout son sens. Les étudiants en sciences politiques apprenaient que dans un Etat de Droit, on trouve en principe une gauche, une droite (et parfois un centre), une majorité et une opposition ; des alliances logiques (et quand elles ne sont pas logiques, on les appelle des compromis historiques), un gouvernement pour gouverner et un Parlement pour légiférer, un domaine réglementaire et un domaine législatif, des électeurs qui sexpriment librement, des partis pour encadrer ces électeurs, pour présenter et défendre des programmes de gouvernement, avec des projets de société, des choix fondamentaux, qui pouvaient être totalement différents dun parti à lautre. Cétait cela la politique ! Cest ce qui en faisait lintérêt, pour ne pas dire le charme ! Plus rien de tout cela ne se retrouve dans le champ politique national car les concepts utilisés actuellement par nos hommes politiques ont changé. Depuis que Abbas El Fassi a été désigné pour former le gouvernement, de nouveaux concepts politiques tout à fait originaux sont apparus. Ils fleurissent dans les déclarations des différents leaders politiques et dans les articles de leurs médias respectifs. Et tout le monde jongle avec ces nouvelles formules avec une aisance qui trouble plus dun. Ainsi, on vient de lire dans un communiqué de lUSFP, dont le leader sest battu comme un diable pour se maintenir au sein du gouvernement, que le parti de la Rose entend apporter à ce gouvernement un «soutien Critique». Jusquà présent, on navait jamais entendu parler dun parti qui participe à un gouvernement avec un poste de ministre dEtat (sans portefeuille certes, mais cela pourrait signifier quil est vice-Premier ministre), un poste de ministre de la Justice (poste énorme pour le Maroc daujourdhui) et trois autres ministres à lEmploi, à lIndustrie et à la Culture Mais qui napportent à ce gouvernement quun soutien critique! Autre concept utilisé par lUSFP durant cette période : son «poids politique historique» destiné à lui donner plus de représentation au sein du gouvernement que la volonté exprimée par les électeurs. LUSFP bénéficierait donc de ce paramètre qui ne serait appliqué quà ce seul parti. Mais depuis quand lUSFP a-t-elle eu un poids politique historiquement chiffré ? Ou bien faudrait-il tenir compte dun élément nouveau en politique, totalement nouveau : la sympathie des électeurs, ou mieux encore les intentions de vote des Marocains. Autre concept troublant, celui qui a poussé le Mouvement Populaire vers lopposition et qui nest autre que labsence apparente de motifs politiques ! Le parti dAherdane quitte une majorité dans laquelle il était bien représenté, dans laquelle il avait toute les chances de continuer à figurer, mais qui pour des raisons apparemment inconnues du commun des Marocains, se retrouve dans lopposition. Troublant ! Hier partie prenante dun excécutif que logiquement il soutenait, le MP se trouve pour lune des rares fois de son histoire dans lopposition. Mais cette opposition sera, selon Monsieur Laensar, Secrétaire général du parti, «constructive» et «objective», devant mener à un «gouvernement de lombre», chargé de suivre et daccompagner laction de lactuel exécutif ! En tout cas, rien ne semble motiver objectivement le basculement du MP vers lopposition. La récente déclaration de M. Laensar que lon peut lire sur le site web du MP, est tout sauf claire à ce sujet. Problèmes de personne, de postes ministériels, de distribution des rôles politiques Tout est dit dans cette déclaration, mais rien nest vraiment dit! Autre élément troublant qui apparaît dans ce gouvernement : le rôle reconnu au RNI et qui est disproportionné par rapport aux résultats obtenus par ce parti lors des élections. Pourquoi cela ? À cause dun nouveau concept encore : celui de la «partisanisation » (mot qui voudrait traduire le mot tahzib) de certaines personnalités. On se demande si jamais Mmes Moutawakil et Benkhadra ou bien M. Akhenouche (trois excellents technocrates au demeurant) ont jamais eu la moindre activité politique au sein du parti quils sont censés représenter au gouvernement. Et du jour au lendemain, ils arborent fièrement létiquette bleue de M. Mansouri qui peut-être nen attendait pas tant ! Enfin, un dernier nouveau concept politique avancé par nos amis du PJD : «Les partis qui sont les plus représentés au Parlement ont seuls vocation à gouverner». Le PJD étant second par le nombre de députés devrait, selon ses leaders, être représenté au gouvernement, faisant fi des alliances, des affinités, des programmes communs, de lhistoire, des idéologies. Pour le parti de Saâd Eddine El Othmani, les élections nauraient donc pas dautre but que de mener automatiquement au partage du gâteau gouvernemental. La politique ne serait plus des idées, des convictions, des projets mais juste de larithmétique! Du fait de lintroduction de ces nouveaux concepts inconnus jusquà présent de la part des spécialistes de la politique, le Maroc se trouve donc dans la situation que le plus machiavélique des politicologues naurait pas imaginé : une abstention record aux élections du 7 septembre 2007, quaucun parti na pu expliquer et dont aucun parti na retenu la leçon. Un Parlement atomisé, balkanisé, explosé en une multitude de groupuscules dont aucun na une légitimité pour gouverner. Un gouvernement minoritaire, devant jongler avec les alliances conjoncturelles à chaque occasion, devant satisfaire telle ou telle exigence pour pouvoir faire passer ses textes... Mais aussi un gouvernement dont les fameux SAP (Sans Appartenance Politique», forment en fait lossature et le noyau dur. Cette situation est déjà peu compréhensible pour un citoyen averti de questions politiques et doit être complètement hermétique pour le citoyen lambda, dont le souci premier est de voir ses enfants recevoir une éducation valable, de voir ses revenus couvrir les besoins de sa famille, de voir sa dignité de citoyen respectée Les magouilles politico-politiciennes ne lintéressent plus et il na surtout plus aucune confiance dans les hommes politiques, de quelque bord quils soient. Morale de lhistoire : à force de jouer avec les mots, on finit par jouer avec le feu au risque de sy brûler !