La balkanisation est une contrainte majeure pour leur crédibilité et leur engagement. L'éclatement et le mode de scrutin favorisent l'éparpillement. Il reste peu de temps pour se préparer aux élections législatives en octobre, tant en terme de programmes politiques que pour arrêter les listes des candidats. L'un des éléments majeurs pour redonner confiance et une crédibilité à la vie politique nationale serait la lutte contre la balkanisation. Pour un pays de 33 millions d'habitants, on recense 33 partis politiques, soit un parti pour un million d'habitants. Même les plus initiés, et ceux qui suivent de très près l'actualité nationale, ne peuvent compter plus de 20 partis. Le comble c'est qu'il y a des préparatifs pour la création de nouvelles formations avec d'autres couleurs et d'autres symboles. Une formation politique signifie un projet de société. Notre pays peut-il comporter autant de projets ? Le prochain chef de gouvernement sera issu du premier parti qui aura remporté les élections. Mais avec la présence de plusieurs acteurs, il est difficile qu'un tel parti puisse avoir la majorité et former à lui seul un gouvernement. Ce constat est favorisé également par le mode de scrutin actuel, basé sur les listes à la proportionnelle, qui ne permet pas l'émergence de forces politiques majeures, et fournit aux petits partis politiques une issue pour exister sur l'échiquier national. La formation d'un gouvernement ne pourrait se faire, parfois, sans des alliances avec des courants fortement protagonistes. On parle déjà d'un pacte entre le Parti de la Justice et du Développement (PJD) pourtant conservateur, et du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), qui est l'héritier légitime du parti communiste. Ce constat pose encore la question de l'idéologie chez les formations politiques nationales. Le politologue Mohamed Darif a expliqué que «les partis politiques marocains sont des formations de personnes et non de doctrine. D'ailleurs, tous les conflits au sein des partis politiques, qui peuvent aller jusqu'à la dissension, sont liés à des divergences personnelles». L'autre argument de taille avancé par Darif est que des élus gagnent toujours le scrutin même s'ils changent de parti, surtout lorsqu'il s'agit de notables. L'électeur marocain vote pour la personne et non pour les programmes. Car, même si un programme existe, il ne sera pas respecté et aucun des partis politiques n'a respecté jusque-là ses engagements électoraux». Mais avec la fin de la transhumance, peut-on espérer une nouvelle donne dans le paysage politique national ? Certes, le nomadisme politique a brouillé la pratique démocratique au Maroc. Certains partis doivent leur existence à ce phénomène. C'est le cas du Parti de l'Authenticité et de la Modernité (PAM) qui a, en quelques années après sa création, raflé largement en grignotant les parts des autres partis. Mais les derniers événements l'ont impacté au point qu'il a connu plusieurs démissions. Pour ce qui est de la création de pôles selon leur mouvance politique, Darif est catégorique : «La typologie des pôles est caduque. Mêmes les alliances se font toujours après les élections, et non comme dans les nations démocratiques avant les élections, sur la base de programmes bien définis et d'objectifs précis». La moralisation de l'action politique et la rationalisation du paysage politique, en vue de mieux immuniser l'expérience de la transition démocratique, est un vœu pieux de tous les démocrates. En tout cas, l'option des alliances est inévitable et les petites formations peuvent jouer le rôle de trouble-fête, aussi bien comme soutien du gouvernement que dans l'opposition. Depuis l'adoption de la nouvelle Constitution, tous les observateurs ont affirmé que la balle est maintenant dans le camp des partis politiques. La démocratie du pays passe nécessairement par l'instauration de l'esprit démocratique, à commencer par les partis qui seront un élément-clé dans le jeu politique. «Le renouvellement des instances est une condition sine qua non pour donner un nouvel esprit à leur activité. La logique du zaïm est dépassée. Il faut donner l'exemple, à commencer par soi-même. Il est difficile de séduire les jeunes et de les inciter à militer au sein des partis alors que les dirigeants sont d'un autre calibre. Certains ont siégé au Parlement depuis les années soixante», explique Mohamed Yahiaoui, professeur universitaire. Un conflit de générations se pose. Même si chaque formation dispose d'un organe dit «Jeunesse du parti», cette dernière ne dispose pas d'assez de marge de manœuvre en matière de décision et d'exécution. Certains l'ont créée uniquement pour la forme. Il faut dire que les prochaines échéances électorales, notamment législatives, s'annoncent houleuses. L'Etat veut organiser ce scrutin en octobre prochain, alors que la plupart des partis sont pour un report au moins jusqu'au printemps prochain. Et pour cause, il reste tout juste trois mois pour s'y préparer. Un délai jugé insuffisant, surtout que la période coïncide avec les vacances estivales et le mois de ramadan où le rythme des activités tourne au ralenti. Les formations estiment qu'il est difficile, dans ce contexte, de préparer le programme politique, de mener à bien les concertations pour de futures alliances, de mobiliser les militants et d'arrêter la liste des candidats d'autant qu'il y a un nouveau découpage électoral. «Cette précipitation ne fera que prolonger davantage le cafouillage qui secoue la scène politique nationale, et maintiendra la même configuration politique sans véritable changement», estime un politologue de la place. La question des accréditations mettra à rude épreuve la crédibilité des partis politiques et constituera leur premier test pour les organes dirigeants en matière de transparence et d'équité.