L'implication de tous les acteurs permettra de mettre en œuvre un schéma cohérent. Les adeptes de l'exonération estiment que le secteur est déjà vulnérable et que la fiscalité risque de le pénaliser davantage. La fiscalité de l'agriculture est un sujet très sensible aussi bien chez les professionnels que les officiels, puisque le secteur reste stratégique pour l'économie nationale au niveau du PIB, de l'emploi, en plus de ses effets d'entraînement sur les autres secteurs. Il est aussi vulnérable et fragile et dépend largement des aléas climatiques. Cette importance fait que le secteur est exonéré depuis 1984. En 1992, Hassan II avait promis de proroger l'exonération jusqu'en 2020. Une fois sur le Trône, le Roi Mohammed VI avait renouvelé cette décision mais l'a limitée à fin 2013. A chaque fois, il fallait donc une décision royale. Pratiquement, l'agriculture est exonérée depuis plus de 25 ans et plusieurs voix, notamment celles des exploitants, s'élèvent pour que cette mesure soit prorogée au moins jusqu'à la première phase du Plan Maroc Vert. D'autres estiment que l'exonération ne profite qu'aux grands exploitants qui dégagent des marges importantes : ils doivent donc exercer leur rôle de contribuable dans le cadre du principe de l'équité et de la justice fiscales. Le Rapport du cinquantenaire a reconnu «les méfaits d'une telle exonération et a appelé à mettre en œuvre un système dédié». A moins de 3 ans de 2014, il est temps d'ouvrir le débat sur le sujet afin de mener les discussions dans de bonnes conditions; les décisions de dernière heure risquant d'avoir des effets collatéraux et ne pas prendre en considération plusieurs paramètres, notamment l'avis des professionnels. Il faut dire que partout dans le monde, l'agriculture bénéfice d'un traitement de faveur très particulier tant au niveau de l'impôt qu'à celui des subventions qui sont, en fin de compte, des dépenses fiscales. Même dans les pays où le secteur ne représente que moins de 5% du PIB, comme aux Etats-Unis et dans les pays de l'Union européenne, le sujet de l'agriculture est assimilé à une question de souveraineté. Au Maroc, le secteur est confronté lui aussi à plusieurs contraintes, notamment sa subordination aux aléas climatiques, le morcellement des parcelles et la structure des exploitants. Ainsi, plus de 80% des fellahs figurent dans la catégorie des petits, avec des exploitations dont la taille ne dépasse pas les 5 hectares et se basent plus particulièrement sur des cultures vivrières. La complexité des structures foncières est aussi un handicap majeur pour le développement du secteur. Avantage compététif ? Notre agriculture est animée par deux principaux objectifs. D'une part, assurer l'autosuffisance alimentaire du pays et, d'autre part, avoir un positionnement de référence au niveau des exportations. A ce niveau, la question qui se pose est : est-ce que l'avantage fiscal est un élément de compétitivité ? Chez les professionnels du secteur, la réponse est catégorique : c'est un oui formel. Mais cette approche a également ses opposants qui estiment qu'elle ne fait que concrétiser l'économie de rente et inciter à la contre-production et à la spéculation. Pour les défenseurs de l'exonération, la fiscalité risque de pénaliser le coût des produits. Le Maroc n'est pas encore en mesure d'assurer son autosuffisance, surtout au niveau des produits de base (céréales, lait sucre, oléagineux…). Il importe une bonne partie de ses besoins de l'étranger. Le coût de la production locale est parfois plus élevé que le produit importé. La flambée des marchés à l'international repose la question de renforcer notre production nationale. L'idée est de ne pas grever davantage les charges des exploitants. A l'export, les produits marocains sont confrontés à une vive concurrence, surtout celle des autres pays méditerranéens qui, eux, bénéficient d'un large soutien tant à la production qu'à l'exportation de la part de leur gouvernement respectif. «Le coût est un paramètre fondamental dans notre activité. Avec le renchérissement des intrants et les autres charges d'exploitation, sa maîtrise est fondamentale, sinon vitale, pour rester compétitif surtout au niveau des exports», a souligné un exploitant de primeurs de la région du Souss. Il explique que «les produits de nos concurrents, surtout méditerranéens, sont déjà avantagés à coups de subventions et autres formes de soutien logistique ; la fiscalité risque de nous pénaliser davantage à moins que l'Etat n'instaure des moyens encore plus incitatifs». Il a ajouté que «contrairement à ce que pensent les gens, l'agriculture marocaine n'est que partiellement exonérée. Certains intrants sont taxés, le transport et le carburant, fortement utilisés, sont également taxés en plus d'autres taxes locales». Il faut dire que la fiscalité de l'agriculture est davantage dictée par des considérations d'équité que budgétaire. Déjà, au temps où il est entré en vigueur et où le secteur représentait parfois les 25% du PIB, surtout durant les années 70 et 80, sa contribution aux recettes fiscales de l'Etat ne dépassait pas 5%. Mais le débat sur le sujet reste toujours d'actualité. Que ce soit en 2014, 2020 ou au-delà, l'idée est d'instaurer un système adéquat qui prend en considération la réalité du contexte marocain. Il faudrait donc choisir un système fiable, plus ciblé et aussi incitatif. Pour mener à bien ces différents objectifs, le gouvernement, peut, par exemple, exonérer les filières qui sont stratégiques ou les agriculteurs qui se regroupent en coopératives. Ou encore ceux qui s'inscrivent dans le cadre des orientations du Plan Maroc Vert. Dossier réalisé par C. J. & W. M.