Pascal Boniface a été l'invité de la CFCIM. Le Directeur de l'IRIS a souligné que la révolution en Tunisie n'aurait pas forcément d'effet domino. Pour un troisième passage, pour la troisième année consécutive à la CFCIM, le Directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques ne pouvait pas mieux tomber ! Animant une conférence à la Chambre Française de Commerce et d'Industrie du Maroc, Pascal Boniface est revenu sur les principales tendances remarquées en 2010 sur le plan international, mais également et surtout sur le vent de révolution qui a secoué la Tunisie et l'Egypte. Il a d'emblée fait remarquer que donner des leçons n'est plus d'actualité. En effet, le chercheur souligne que le monde occidental ne peut plus agir comme il y a trente ans où il pensait détenir le monopole de la morale. Avec l'émergence de nouvelles puissances et une globalisation galopante, il est effectivement désuet de s'ériger en gendarme du monde ou en garant de la morale. Cette précision faite, Pascal Boniface a livré à l'assistance sa lecture de la «Révolution du jasmin». Il a d'ailleurs maintenu le terme Révolution pour désigner ce qui s'est passé en Tunisie, puisqu'en effet, avant, il s'agissait plutôt de coups d'Etat. «Le régime qu'on pensait éternel est tombé, mais on reste confiant pour l'avenir de la Tunisie qui ne sera pas un nouvel Iran», souligne Boniface qui soutient que le régime de Ben Ali, qui se prévalait comme rempart contre l'islamisme, en était en réalité le recruteur doux. «Ce n'est pas tellement la crise mais la perception qu'on en fait qui a envenimé la situation en Tunisie… Le pays compte une jeunesse éduquée qui a souffert d'injustice et cela a amener à l'explosion», explique Pascal Boniface. Pour le Directeur de l'IRIS, «les Tunisiens vont aller voter pour choisir leur président, mais dans deux ans, les gens seront dégoûtés de la démocratie parce qu'elle n'aura pas résolu tous leurs problèmes, et cette réaction est légitime». Le chercheur cite un autre facteur : celui de l'usage intensif des nouvelles technologies. «Aujourd'hui, toute l'humanité est politiquement active, même en Birmanie et cela en grande partie grâce aux nouvelles technologies de l'information», assure Boniface. Mais pour revenir à la Tunisie, c'était la position de l'armée qui avait fait la différence en décidant de prendre le parti du peuple et de ne pas tirer. Et c'est ainsi que le régime Ben Ali a été précipité ! Y aurait-il une onde de choc ? Une onde de choc peut-être, mais un effet domino n'aurait pas de sens, à en croire Pascal Boniface, et ce malgré l'éclatement de manifestations en Egypte juste après celles de la Tunisie. «S'il existe des particularités communes à tous les pays de la région du Maghreb, les différences nationales, elles, sont nettement plus importantes. Le cas de l'Egypte était pratiquement prévisible puisque ce pays a plusieurs points en commun avec la Tunisie, notamment des présidents avec plus de trente ans de règne. Par contre, le Maroc et l'Algérie ne sont pas dans cette situation. Dans le cas de la Tunisie et de l'Egypte, les points en commun résident dans l'injustice sociale qui a été le moteur déclenchant de la vindicte populaire. En plus de deux régimes longuement installés ! Et cette onde de choc ne concerne pas uniquement le Monde arabe ! «Même les Chinois ont réfléchi à ce qui s'est passé en Tunisie», souligne Boniface. Et le plus important est justement de retenir les leçons de ce qui s'est passé…