* Pourquoi le contrôle inopiné a-t-il été introduit pour la 1ère fois par la Loi de Finances 2007? * Le contrôle inopiné était exclu par le système fiscal marocain depuis la réforme des années 80. Motif : il porte atteinte à l'harmonisation fiscale à laquelle l'Administration a toujours été attachée. Chaque année, la Loi de Finances arrive avec son lot d'espoirs et de déceptions. Si le citoyen marocain a eu droit à un certain nombre de privilèges à l'occasion de l'élaboration du projet de Loi de Finances 2007, il n'en est pas de même pour le Patronat qui, depuis la sortie du projet, n'a cessé de faire entendre sa voix. Sans vouloir polémiquer sur les différentes mesures liées à l'actuel projet, nous aimerions nous attarder sur une seule qui, en fait, a scandalisé les chefs d'entreprise et qui est relative au droit inopiné, appelé également droit de constatation. Les représentants de la première Chambre, faisant écho aux interrogations du Patronat, avaient demandé que cette disposition fût amendée, mais l'argentier du Royaume n'était pas de leur avis. D'après le ministre des Finances, «il n'y a pas de raison d'avoir peur d'un simple droit de visite qui a pour seul objectif de vérifier si l'entreprise est en règle vis-à-vis de ses obligations comptables». Valeur aujourd'hui, Fathallah Oualalou campe sur sa position et aucune information n'a filtré quant à un amendement de cette disposition. Les non concernés, prenant les choses à la légère, estiment par là qu'une entreprise en règle n'a pas de soucis à se faire. Contacté par nos soins, un responsable au sein de l'Administration des Impôts ne souhaite se prononcer qu'une fois que la disposition entrera en vigueur et ajoute par là que l'Administration uvre dans l'intérêt des contribuables. L'Administration dispose désormais d'un droit de constatation en vertu duquel elle peut demander aux contribuables, personnes physiques ou morales, de se faire présenter les factures, ainsi que les livres, les registres et les documents professionnels se rapportant à des opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation. L'Administration peut procéder à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation pour rechercher les manquements aux obligations prévues par la législation et la réglementation en vigueur. Le droit de constatation s'exerce immédiatement après remise d'un avis de constatation pour les agents assermentés et commissionnés. Cet avis doit comporter les nom et prénom des agents de l'administration fiscale et doit informer le contribuable de l'exercice du droit de constatation. Ce droit s'exerce dans tous les locaux des contribuables concernés utilisés à titre professionnel avec heures légales et durant les heures d'activité professionnelle. En cas d'opposition au droit de constatation, les contribuables s'exposent aux sanctions prévues à l'article 191-1 du CGI (Code Général des Impôts), soit une amende de 20.000 DH et, le cas échéant, une astreinte de 100 DH par jour de retard, dans la limite de 1.000 DH. Contrôle inopiné ou droit de constatation : quel effet rétrograde ? A la fin de l'opération de constatation, les agents de l'administration fiscale établissent un avis de clôture de ladite opération signé par les deux parties dont un exemplaire est remis au contribuable. Selon un fiscaliste, « le droit de constatation a été introduit pour la première fois par la Loi de Finances pour l'année budgétaire 2007 dans le cadre du CGI. Il n'était pas prévu par le Livre des procédures promulgué en 2005». Il précise aussi que le contrôle inopiné était exclu par le système fiscal marocain depuis la réforme des années 80. Pis encore, le droit inopiné porte atteinte à l'harmonisation fiscale à laquelle l'Administration a toujours été attachée. En matière de sanctions, rien n'est prévu en cas de refus d'accuser réception de l'avis de constatation, mais il est sous-entendu qu'il s'agit d'opposition au droit de constatation ; ce qui implique les sanctions prévues à l'article 191- I du CGI. Cela peut paraître injuste, surtout si le refus émane d'une personne travaillant avec le contribuable qui, par peur ou par analphabétisme, ne veut pas accuser réception de l'avis de constatation. Ajoutons à cela que le contrôle pourrait s'exercer dans tous les locaux utilisés par le contribuable. Ce qui laisse déduire que le contrôle pourrait s'étendre à toutes les activités exercées par le contribuable. «La sanction prévue peut paraître dérisoire, dans le cas où le contribuable chercherait à gagner du temps. D'où l'inefficacité, à notre avis, de ce droit de constatation dans le cas où un contribuable accepterait de payer quelques milliers de dirhams, le temps de se «préparer» à un contrôle probable de l'Administration fiscale», explique le fiscaliste. Le contrôle inopiné est un recul par rapport à ce qui existait auparavant en matière de fiscalité et peut inciter au chantage et à la corruption. Nous avons tous encore frais dans nos mémoires la campagne d'assainissement des années 80 qui avait pour principal dessein de lutter contre la corruption du corps de contrôle. Ajoutons à cela que notre tissu économique national est composé à plus de 80 % de PME qui demeurent souvent mal organisées. D'autres, par contre, confient leur comptabilité à une fiduciaire et donc, au moment du contrôle, elles ne disposent pas des pièces nécessaires. C'est, à peu de choses près, l'avis d'un industriel : «C'est quelque chose qui a du bon, mais qui peut s'avérer pernicieux. Il faut attendre les modalités pratiques d'exercice de ce droit pour dire s'il s'agit réellement d'une mesure vertueuse ou pernicieuse». Quid du droit comparé ? Si on compare le droit de contrôle à ce qui se passe actuellement en France, on remarque que comme d'habitude, le Maroc s'inspire de ce pays. Toutefois, en France il n'existe pas de droit de constatation de l'administration fiscale, mais deux procédures différentes. Il s'agit d'un droit d'enquête dont l'objet est la constatation de manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les seuls assujettis à la TVA. D'ailleurs, la rédaction du 2ème alinéa de l'article 210 du CGI ressemble étrangement à l'article L 80 F du CGI français. Celui-ci dispose : «Pour rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la TVA en application du CGI ainsi qu'aux dispositions adoptées par les Etats membres pour l'application de l'article 22.3 de la sixième directive (CEE) du 17 mai 1977, les agents des impôts ayant au moins le grade de contrôleur peuvent se faire présenter les factures, la comptabilité matières, ainsi que les livres, les registres et les documents professionnels pouvant se rapporter à des opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation et procéder à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation». «A cette fin, ils peuvent avoir accès de 8 heures à 20 heures et durant les heures d'activité professionnelle de l'assujetti aux locaux à usage professionnel, à l'exclusion des parties de ces locaux affectées au domicile privé, ainsi qu'aux terrains et aux entrepôts ». Donc, en France, le contrôle inopiné est une instruction de l'Union européenne mais qui s'applique uniquement aux assujettis à la TVA. Le contrôle inopiné ou droit de constatation paraît a priori comme une réduction des garanties du contribuable. A cet égard, il s'avère nécessaire de mettre en place des garanties juridiques devant porter sur le nombre d'interventions de l'Administration au cours d'une période soumise au droit de constatation et sur les observations du contribuable par rapport aux constatations de l'Administration.