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La face cachée des cybercafés
Publié dans Eljadida 24 le 06 - 05 - 2012

À l‘heure de la communication tous azimuts, il y a quelques années de cela et à l‘instar de plusieurs sociétés dans le monde, le phénomène des cybercafés a fait son irruption fulgurante dans l‘univers social des Marocains.
À l‘heure de la communication tous azimuts, il y a quelques années de cela et à l‘instar de plusieurs sociétés dans le monde, le phénomène des cybercafés a fait son irruption fulgurante dans l‘univers social des Marocains. Depuis l'apparition au Maroc des cybercafés, ces nouveaux espaces s‘imposaient dès le début comme une véritable drogue touchant les jeunes et moins jeunes et toutes les catégories sociales et professionnelles. Aujourd‘hui, quelques années seulement après leurs introductions, les cybercafés font moins d‘adeptes chez nous qu'auparavant et ne font malheureusement plus recette comme au début. Cette défection peut se justifier en partie par le fait qu‘à présent, un grand nombre de Marocains sont connectés à partir de chez eux grâce aux services de l‘ADSL dont les tarifs d‘abonnement ne cessent de dégringoler et d‘attirer, par conséquent, de plus en plus d‘internautes. Face à cette désertion des clients, dont l‘affluence faisaient au tout début le bonheur des détenteurs des cybercafés, ces derniers ne s‘intéressent plus maintenant au commerce de la connexion. Mais, à défaut de chômer ils s‘ingénient à trouver d‘autres moyens lucratifs pour continuer à survivre. Certains cybers et commerces de l‘informatique font autre chose de ces espaces et vont encore plus loin en transformant leurs établissements en de véritables salles de jeux. Internet devenu un créneau peu commercial et non porteur, les détenteurs de ces lieux ne s‘intéressent plus à la communication ni à la connexion et préfèrent mettre à la disposition des jeunes et moins jeunes toutes sortes de jeux allant du billard aux parties de football en passant par les jeux de stratégie et de combat. Pour s‘en convaincre, il suffit d‘effectuer une petite virée dans quelques cybers réservés initialement à Internet afin de vérifier de visu que la connexion n‘y est pas. En effet, dans plusieurs cybers où nous nous sommes rendus, les rares clients qui sont assis derrière leurs postes sont des enfants ou des jeunes ayant moins de vingt ans. Ils sont complètement absorbés par leur univers ludique en s‘adonnant avec fougue à des jeux servis sur commande par le gérant des lieux. Face à leurs postes, ces jeunes ne s‘inquiètent pas outre mesure de ce qui les entoure et la majorité ne savent même plus si leurs postes sont connectés ou pas. Leur centre d‘intérêt se limite à gagner la partie et à exceller dans le jeu afin de remporter autant de victoires que possible. Interrogés sur la question, certains propriétaires de cybers justifient ce penchant pour les jeux ludiques et distractifs, par le fait que la connexion à Internet n‘attire plus grand monde dans ces espaces publics, surtout depuis l‘avènement de l‘ADSL qui a ouvert grandement les portes à une connexion à domicile. «Aujourd‘hui, depuis l‘arrivée de l‘ADSL, c‘est tout le monde qui se connecte à partir de chez lui. Les gens n‘ont plus besoin de se déplacer vers les cybers pour surfer et cela porte un véritable préjudice à notre commerce. Alors on doit se débrouiller et on essaie de faire de notre mieux pour ne pas mettre la clef sous le paillasson», argumente le gérant d‘un cyber. Estimant sans doute que leur commerce rapporte moins en faisant de petites prestations ou en vendant du matériel et accessoires informatiques, de nombreux propriétaires de cybers font eux-mêmes de petites «recherches» sur le Net sur des sujets précis qu‘ils revendent après sous forme de fascicules ou polycopies pour un prix allant de 3 à 20 DH le feuillet en fonction du sujet traité et de son importance. Ainsi, ils découvrent, maintenant, une nouvelle source de revenus en vendant à tous vents des fascicules et des brochures contenant des travaux de recherche ou des exposés que les professeurs et enseignants auront exigés de leurs étudiants. Pour servir leur clientèle et motivés beaucoup plus par les bénéfices qu‘ils réalisent, les pseudo-chercheurs consultent différents sites pour répondre favorablement à la demande. Malheureusement, le plus souvent ils sont à côté du sujet que l‘enseignant aurait proposé à ses étudiants et que les «substituts» sont censés traiter à leur place. Résultats : les «cybermen», aveuglés sans doute par le gain facile, se retrouvent en train de vendre n‘importe quoi, particulièrement, à des élèves du primaire ou des collégiens innocents qui sont contraints de remettre le devoir dans les délais à l‘enseignant et qui ne connaissent rien ou presque du travail qu‘ils sont appelés à faire. À ce sujet, en se rendant dans un cybercafé du quartier El Kalaâ, il nous a été possible de vérifier par nous-mêmes les maladresses commises par le détenteur des lieux. Alors que nous étions sur place, celui-ci s‘apprêtait à remettre un exposé à un groupe de collégiens qui était venu la veille passer la commande. Le thème du travail de recherche proposé par l‘enseignant à ses élèves était : «Récits de vie». Mais voyant que le sujet n‘est pas du tout facile à circonscrire, le cybermen n‘a pas trouvé mieux que de se rabattre sur quelques récits de films d'aventure qu‘il a imprimés et remis ensuite sous forme d‘exposé aux adolescents. Ces derniers débourseront 30 DH chacun pour un travail qu‘ils n‘avaient jamais demandé et qu‘ils ne liront peut-être jamais. Toutefois, dans toute cette démarche aboutissant à des travaux et des exposés «prêt-à-porter» que les élèves et étudiants finissent par remettre à leurs enseignants, ces derniers sont les premiers à plaindre, bien évidemment. En effet, par manque de temps ou par souci d‘avancer dans le programme, souvent l‘enseignant ferme les yeux et accepte des exposés imprimés ou des travaux «alibi», sachant pertinemment que le travail remis par l‘étudiant n‘est en fait qu‘un faire-valoir sans plus et loin d‘être une production personnelle reflétant les connaissances acquises ou le niveau réel de l‘étudiant. Il est vrai que le recours quasi-machinal à l‘Internet par les élèves comme principale source de réalisation de leurs travaux de recherches donne de quoi s‘inquiéter à leurs parents qui estiment que ce genre de pratique s‘avère coûteux et sans grand apport en matière d‘apprentissage et de connaissances. D‘autant plus qu‘en optant pour les travaux «prêt-à-porter» que confectionnent les propriétaires des cybers, les étudiants ou élèves n‘apportent aucune touche personnelle ou collective et évitent jusqu‘à lire ou reprendre à l‘écrit les exposés ou les travaux de recherche qu‘ils devraient eux-mêmes effectuer. Et au point où nous en sommes, nous ne voyons pas ce que l‘enseignant aura à corriger, ni sur quels critères il se basera pour évaluer ses étudiants. Ces derniers croient bêtement qu'ils ont remis un produit corrigé et révisé et ne souffrant d‘aucune lacune étant donné qu'ils proviennent directement des sites Internet. Certains enseignants sont tout à fait conscients de ce genre de «dérive» pédagogique et vont jusqu‘à avouer que la majorité des travaux remis par les élèves ne sont pas corrigés. Ils affirment toutefois, qu‘ils sont soumis à un suivi pédagogique exercé par les inspecteurs et qu‘ils sont, de ce fait, tenus par la progression des programmes qu‘il faut absolument terminer dans les délais et en fonction d‘un canevas préalablement tracé. Afin de stimuler ou contraindre leurs étudiants à faire un travail personnel, certains enseignants exigent tout de même que le travail remis soit écrit à la main et n‘acceptent en aucun cas de le corriger avant qu‘il soit présenté et exposé par son ou ses concepteur(s). «Nos étudiants ne font pas l‘effort de faire des recherches par eux-mêmes. L‘Internet est une vertu inégalable mais, chez nous, les utilisateurs ont tendance à transformer ce moyen de recherche et d‘apprentissage en un outil de paresse. C‘est malheureux», dira un prof universitaire interrogé sur le sujet. D'autre part, il ne faut pas oublier que les enfants vont dans les cybercafés pour ne pas rester seul devant leur propre appareil. Car le cybercafé encourage le lien social et évite l'isolement. En outre, tous les ordinateurs sont identiques, les jeunes sont ainsi sur un pied d'égalité quel que soit leur niveau social. Ainsi, les enfants ont de plus en plus facilement accès à Internet. En plus, les enfants sont même plus à l'aise que leurs parents dans l'utilisation de ce moyen de communication. De quoi susciter l'inquiétude des parents qui ne savent pas toujours comment contrôler cet accès aux contenus sur Internet. Car, selon bon nombre de parents, les cybercafés, pourtant régis par des textes de loi comme tous les autres commerces, sont devenus des lieux de prédilection à tout genre de trafic. Si, en effet, des milliers de jeunes surfent sur le web pour corser leurs exposés scolaires et universitaires, télécharger musique et images, chatter à loisir pour rompre la solitude, d'autres s'engouffrent, parfois innocemment, dans des liens douteux avec les recruteurs du sexe, de l'évangélisme…ou du salafisme le plus abject. C'est vrai que l'internet demeure sans conteste l'une des plus grandes explorations de 20ème siècle. Un outil de communication, d'information et d'échange sans limite, un moyen qui a transformé le monde en un petit village. Mais à condition que nos enfants ne consultent pas des sites interdits aux mineurs. C'est pourquoi il faut que les services concernés et les autorités obligent les cybercafés à disposer d'un logiciel qui bloque automatiquement leurs accès aux sites louches. Car les sites pornographiques demeurent incontrôlés dans les cybers. Ainsi, les mineurs peuvent, soit délibérément, soit par hasard, y avoir accès directement ou indirectement. Pourtant, les pouvoirs publics traînent à réglementer Internet. Ils doivent au moins exiger des exploitants des cybercafés de ne pas permettre l'accès des mineurs et des enfants aux cybercafés à partir de 18 heures. Réglementer les cybercafés Face aux dérives dans les cybercafés, les autorités sont interpellées. La démocratie, le droit à l'information et la liberté de vivre sa vie ne sont pas synonymes
de troubles à l'ordre public et aux bonnes mœurs. Fréquentation des cybers par les mineurs, escroquerie, piraterie, pédophilie, déviance et prostitution prennent de l'ampleur sur Internet et nécessitent que les autorités s'y penchent. Et ce, afin de limiter la délinquance et d'enrayer les pratiques immorales sur Internet. Une législation rigide dans ce sens peut sauver nos enfants des cybercriminels. Si tout est permis sur internet, tout n'y est pas autorisé. HAJ ABDELMAJID


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