Interviewé par Imane Bouhrara | Première société de gestion des Organismes de Placement Collectif Immobilier (OPCI) agréée par l'AMMC, Ajarinvest joue un rôle locomoteur dans le développement des OPCI au Maroc. Une industrie est actuellement à 5 % de ce potentiel tirée essentiellement par des investisseurs qualifiés, une évolution jugée remarquable en trois ans d'activité seulement. Noreddine Tahiri, Directeur général d'Ajarinvest analyse le développement de cette activité et les contraintes qui restent à lever. EcoActu.ma : Si vous permettez, commençons par l'actualité récente d'AjarInvest, à savoir l'obtention du sixième agrément pour « Avenir Patrimoine Sécurité ». En quoi consiste cet OPCI et quelle valeur ajoutée pour votre portefeuille ? Noreddine Tahiri : La société Ajarinvest a été créée en 2016 par la CDG qui détient 60% de son capital et par le CIH qui en détient 40%. Elle a pu obtenir son agrément de société de gestion en 2019. Elle a, à ce titre, été la première société de gestion à avoir été agréée. La même année, elle a réussi à agréer, à créer et à gérer deux OPCI. En 2020 Ajarinvest a continué son développement en agréant deux autres OPCI. Ajarinvest a donc bouclé l'année 2020 en ayant dans son portefeuille 4 OPCI. En 2021, Ajarinvest a réussi à obtenir l'agrément de deux nouveaux OPCI dont le dernier est l'OPCI « Avenir Patrimoine Sécurité ». Ce dernier OPCI vient confirmer le positionnement du groupe CDG, à travers Ajarinvest, en tant que précurseur puisque c'est le premier OPCI Club Deal du Maroc. Avec cet OPCI, dont la taille initiale est de 3,3 milliards de dirhams, Ajarinvest a augmenté son actif sous gestion de 73 %. C'est donc un saut qualitatif non seulement pour Ajarinvest mais également pour toute l'activité de gestion d'OPCI, dont l'actif total sous gestion passe de près de 7 milliards de dirhams à plus de 10 milliards de dirhams. Avec ce nouvel OPCI, Ajarinvest dépasse largement ses objectifs en terme de levée de nouveaux fonds pour l'activité des OPCI au Maroc. Je dois rappeler que, d'après le Ministère chargé des Finances, le potentiel des OPCI au Maroc s'élève à 200 milliards de dirhams. Après seulement moins de trois ans d'existence effective des OPCI, cette industrie est actuellement à 5 % de ce potentiel, ce qui reste remarquable pour un véhicule d'investissement dont le sous-jacent est l'immobilier locatif. Comment la taille du marché a-t-elle évolué depuis l'entrée en vigueur de la loi 70-14 et quel a été l'impact sur la montée en puissance du potentiel des OPCI au Maroc ? Comme je l'ai expliqué, la taille totale des OPCI a atteint 10 milliards de dirhams en l'espace de moins de 3 ans, c'est une progression qui dépasse celle des OPCVM à leur début, ce qui présage d'un développement encore plus important des OPCI pour les prochaines années. Ceci est d'autant plus vrai que le nombre de dossiers déposés, pour agrément, par les différentes sociétés de gestion est significatif. Je tiens à préciser que le développement des OPCI au Maroc a eu des effets induits très bénéfiques sur l'activité de l'immobilier dans son ensemble. Il serait difficile de les énumérer tous ici. Toutefois, l'effet le plus important à mes yeux reste l'amélioration de la transparence dans les transactions immobilières. En effet, vous n'êtes pas sans savoir que la mise en place des OPCI a induit la structuration d'autres activité dont l'activité d'évaluateurs immobiliers, qui dévient une activité organisée autour d'un label qui est l'agrément par le Ministère des Finances. Ces évaluateurs doivent évaluer, tous les semestres, les actifs détenus par les OPCI. Ils sont responsables quant à cette évaluation. Ce qui est encore plus intéressant c'est qu'actuellement, des transactions entre opérateurs, hors OPCI, sont essentiellement réalisées sur la base de valorisations réalisées par des évaluateurs agréés OPC. Ainsi avec cette nouvelle industrie, des tiers de confiances, les évaluateurs, ont émergé, ce qui améliore la confiance des opérateurs économiques et par conséquent cela aura un effet bénéfique sur l'économie dans son ensemble. On constate également que les actifs immobiliers détenus restent concentrés sur quatre à cinq villes dont Casablanca. Comment cette situation s'explique-t-elle ? Effectivement les actifs détenus par les OPCI existants et qui sont actuellement au nombre de 11, restent localisés essentiellement sur l'axe Rabat-Casablanca. Ceci est dû, à mon sens, au dynamisme économique de ces deux régions. Il ne faut pas oublier que les deux régions Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra contribuent, selon le HCP à hauteur de près de 47 % au PIB. Comme l'immobilier est directement lié au PIB, il est normal que les acteurs des OPCI s'orientent vers ces deux régions dans un premier temps. Cette situation est également due au fait que l'activité des OPCI reste relativement jeune et que l'intérêt des OPCI pour les autres régions va croitre dès que cette activité atteindra un certain niveau de maturité. L'intérêt du marché immobilier pour les OPCI a-t-il été au rendez-vous ? A contrario, comment une société telle que la vôtre approche-t-elle ses clients ? L'intérêt du marché immobilier pour les OPCI est manifeste. En effet outre la taille totale des actifs sous gestion qui croit rapidement, l'écosystème des OPCI est actuellement totalement opérationnel puisqu'il y'a 10 sociétés de gestion déjà agréées et également 10 évaluateurs agréés OPCI ont vu le jour. Actuellement un grand nombre d'opérateurs économiques montre un intérêt certain pour les OPCI. En effet ces opérateurs économiques ont bien assimilé qu'il est plus intéressant pour eux de se défaire de leur actif immobilier d'exploitation et de le confier à des opérateurs professionnels, à savoir les sociétés de gestion d'OPCI, et ainsi se concentrer sur leurs métiers de base qui n'est généralement pas la détention d'actifs immobiliers. C'est une tendance qui a déjà vu le jour aux USA, en Europe et ailleurs. Elle ne manquera pas de prendre de plus en plus d'ampleur au Maroc. La mise en place des OPCI, avec leur fonctionnement et leur dispositions fiscales a grandement facilité cette prise de conscience. Pourquoi l'activité reste-t-elle dominée par les OPCI à règles de fonctionnement allégées (OPCI- RFA) réservés aux investisseurs qualifiés ? Particulièrement les banques. Idem pour la forme juridique SPI ? La loi 70-14 portant sur les OPCI a prévu deux types d'OPCI, les OPCI dit « grand public » et les OPCI à règles de fonctionnement allégées (OPCI- RFA). Les premiers sont, comme leur nom l'indique, destinés au grand public. Le deuxième type est réservé aux investisseurs qualifiés au sens de la loi et qui sont par conséquent avertis. Par ailleurs, les OPCI peuvent être des SPI, qui sont en fait des sociétés Anonymes avec quelques dérogations, et des FPI qui sont des fonds et par conséquent une copropriété d'actifs immobiliers sans personnalité morale. Si le marché des OPCI est actuellement dominé par les OPCI-RFA c'est par ce que les premiers investisseurs qui se sont intéressés aux OPCI sont les investisseurs institutionnels qui sont qualifiés au sens de la loi d'une part et que le fonctionnement des OPCI RFA est moins contraignant que celui des OPCI grand public. Ainsi les premiers investisseurs, qui sont des investisseurs qualifiés, ont opté pour les OPCI-RFA. Cette généralité souffre bien sûr d'exceptions, puisque des OPCI dit « grand public » ont déjà vu le jour et d'autres verront certainement le jour. Par ailleurs, la forme FPI des OPCI reste une entité sans personnalité morale et qui est une copropriété. Ces deux caractéristiques sont des contraintes qui ne militent pas pour le développement des FPI. Cette forme génère des incertitudes quant à la détention d'actifs immobiliers et impose une gestion discrétionnaire. La société de gestion se trouve seul maitre à bord sans que les promoteurs n'aient leur mot à dire quant à la gestion de l'OPCI, ce qui peut présenter quelques inconvénients. Le Maroc n'est pas le seul à constater cette prédominance des SPI sur les FPI. En France par exemple, les OPCI ayant la forme FPI présentent une proportion négligeable par rapport à la taille du marché. Pour le PLF2022, le secteur a-t-il des requêtes dans le sens de booster l'activité ? De l'avis d'un grand nombre d'acteurs économiques, la loi 70-14 portant sur les OPCI est une loi équilibrée et innovante. Nous avons même constaté qu'en la matière, le Maroc a été en avance par rapport à la France sur plusieurs aspects liés au OPCI. De même les pouvoirs publics ont anticipé l'importance des OPCI quant au développement de l'immobilier dans son ensemble. Ils ont à ce titre, accordé des incitations fiscales à même de contribuer au développement de cette nouvelle activité. Toutefois, certains aspects représentent une contrainte au développement encore plus fort de cette activité. Je cite à titre d'exemple, la fiscalité locale qui pénalise le développement des OPCI. Il s'agit de la taxe professionnelle et de la taxe des services communaux. Pour encourager davantage le développement de cette activité prometteuse en terme de développement économique, il est nécessaire de revoir la fiscalité locale, non seulement pour les OPCI mais également pour l'activité de l'immobilier locatif dans son ensemble. Il s'agit là d'une question sur lesquelles doit s'atteler la future association des gestionnaires d'OPCI.