Le débat autour des quotas pour booster la présence des femmes dans les hautes sphères managériales est toujours vif. Il a le mérite d'aborder et de mettre en lumière une question centrale, celle du leadership féminin. Elle reste controversée, même si l'avant-projet de loi concernant la société anonyme, qui introduit plus d'équilibre entre genres au niveau des fonctions de responsabilité, a déjà été adopté en avril dernier par le conseil de gouvernement. En effet comment légitimer de telles pratiques qui relèvent de la discrimination aussi positive soit elle. Il est en effet compréhensible d'admettre que seule la compétence et non le genre doivent justifier le poste. Mais une discrimination de « fait » n'existe-t-elle pas déjà dans une société ou l'activité économique, le pouvoir de décision sont accaparés par les hommes au vu des statistiques nationales, dont les chiffres sont aussi corroborés par des enquêtes internationales. Le Maroc ne regorge-t-il pas d'un précieux gisement de femmes compétentes, super diplômées, talentueuses, et impliquées. Pourtant elles restent sous représentées et en marge de la prise de pouvoir. Le Maroc compte seulement 2% de femmes « Présidentes Directrices Générales » à la tête des entreprises marocaines et à peine 22% dans les postes de responsabilité́ au sein de l'administration publique, d'après « le cahier d'études sur la représentation des femmes » publié en janvier 2021. Selon le rapport de McKinsey (2016), les femmes marocaines membres de l'équipe de direction représentent seulement 13% au Maroc contre 26% en Europe et 23% en moyenne dans les autres pays en Afrique. L'Autorité Marocaine des Marches des Capitaux a révélé par ailleurs une représentativité féminine de 18% en 2020 dans les conseils d'administration et de surveillance des sociétés cotées. Selon le rapport du « forum économique mondial » sur les inégalités de genre « Global Gender Gap Report » 2020, le Maroc maintient un statut quo depuis une bonne dizaine d'années, en figurant toujours au 143 rang d'une liste de 153 pays. Comment améliorer son positionnement alors que d'après la dernière étude du haut-commissariat au plan du royaume, en 2020, le taux d'activité des femmes dans notre pays a reculé à 21,5%. Donc plus de 78% des postes d'activité au Maroc sont occupés par des hommes. Renforcer la présence des femmes dans les postes de gouvernance, permettrait à d'autres de s'engager et se frayer un chemin dans l'entreprise grâce à des rôles modèles, tout en apportant du sang neuf. Car la meilleure gouvernance aujourd'hui créatrice de richesse et de valeur est celle qui se fait dans une alchimie et symbiose de diversité des styles de management. L'équation ne serait pas d'imposer des femmes à tout prix, pour plus de mixité, mais de placer des femmes compétentes et de grandes qualifications professionnelles a des postes culturellement dévolues aux hommes. La discrimination est déjà en vigueur par une culture paternaliste considérant le poids de la responsabilité familiale qui pèse sur les femmes comme une menace à l'exercice plein et entier de leurs fonctions. Elle est discriminatoire en raison aussi de pratiques de cooptation privilégiant réseaux masculins, et par une plus grande absence de femmes dans l'espace public voire dans les médias. Si une minorité d'entre elles, arrivent à faire montre de plus d'audace, combien d'autres, par un ancrage culturel profond qui a imposé son dictat au fil d temps, se laissent enfermer dans un modèle ou pouvoir et féminité sont antinomiques. Aussi a défaut d'une volonté politique volontariste et active, recourir à la voie légale peut être une bonne initiative pour rétablir justice et équité. Saluons le projet de loi sur la SA qui vise à tendre a un équilibre de représentativité entre genres en obligeant les entreprises faisant appel public à l'épargne à atteindre au moins 40% de cette représentativité par l'un des genres, dès la 6éme année de la publication de la loi. Il s'agit de mesures limitées dans le temps destinées à rattraper un retard et à réaliser des évolutions qui auraient pris plusieurs décennies à se concrétiser. Plusieurs états ont emprunté ce chemin et les résultats ont été fulgurants. La Norvège a été pionnière en 2003, en imposant un quota de 40% de femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises. Par une mesure radicale inédite, dans un pays des plus égalitaires au monde, le non-respect du quota exposait les entreprises récalcitrantes purement et simplement à la fermeture. En 2011, la Belgique était passée également par la voie législative pour favoriser une plus grande représentativité des femmes dans les entreprises publiques et sociétés cotées qui devaient désormais réserver un tiers de leur conseil d'administration aux femmes. Plus proche de nous en France, la loi Zimmerman, qui avait imposé un minimum de 40% de femmes dans les conseils d'administration des sociétés du CAC40, des grandes et moyennes entreprises, semble avoir porté ses fruits. Aujourd'hui la France va encore plus loin. L'assemblée nationale vient de voter un projet imposant des quotas d'au moins 30%, d'ici 2030, de femmes a siéger dans les comités exécutifs des entreprises dépassant les 1 000 salaries. Mais le quota à lui seul n'est pas suffisant. Il y a lieu également d'agir parallèlement sur des chantiers aussi structurants que l'éducation, la formation, la déconstruction des stéréotypes par la sensibilisation, l'articulation de la vie personnelle et professionnelle. Un ministère a part entière « chargé de l'égalité des genres » mérite de voir le jour, étant donné l'importance cruciale de la question. Le nouveau modèle de développement du Maroc qui vise à élargir de façon substantielle la participation de la femme dans le champ économique apporte avec lui une lueur d'espoir, quand a la vision du rôle et de la place de la femme dans le Maroc de demain. Des quotas au sein d'organes de gouvernance d'entreprises et d'organisations y sont d'ailleurs prônés comme des outils au service de l'égalité des genres dans un Maroc plus prospère, et solidaire. Par LAILA EL ANDALOUSSI, Présidente WIMEN Vice-Présidente de l'Ordre des Experts Comptables Dirigeante ABS Consulting