En application des articles 161 et 171 de la Constitution de 2011, le Parlement marocain a adopté le projet de loi portant réorganisation du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH). Cette nouvelle loi n° 76-15 [1] va certainement renforcer les prérogatives du CNDH en matière de promotion et de protection des droits de l'homme en harmonisation avec les conventions internationales ratifiées par le Royaume du Maroc. Aussi, elle traduit la dynamique de consolidation des instruments de protection des droits de l'homme au Maroc. Elle répond à une série de revendications des ONG, qui réclamaient le renforcement et l'élargissement des attributions de ce Conseil, pour jouer son rôle de contrôle et de promotion des droits et libertés. Au-delà des pouvoirs déjà exercés par le CNDH, la nouvelle loi lui confère les attributions de trois mécanismes : le mécanisme national de prévention de la torture, le mécanisme de recours et de protection des droits de l'enfant, le mécanisme de protection des personnes en situation d'handicap. Dans ce cadre, il est intéressant de jeter de la lumière sur ces trois mécanismes. 1 – Le mécanisme national de prévention de la torture La Convention des nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants (CAT) du 26 juin 1987, les états signataires à prendre les mesures nécessaires de lutte contre toutes les formes de torture[2]. A cet égard, les Etats parties doivent prendre des mesures concrètes afin d'empêcher la torture à l'intérieur de leurs frontières et il leur est interdit de renvoyer une personne dans un Etat dans lequel il y a une grande possibilité qu'elle y soit torturée. De plus, les Etats parties doivent s'assurer que les actes de torture constituent des infractions au regard de leur droit pénal. Ainsi, les Etats parties doivent remettre régulièrement des rapports au Comité contre la torture concernant l'obligation de prendre des mesures pour donner effet à leur engagement, et aussi présenter des rapports complémentaires tous les quatre ans sur les nouvelles mesures prises[3]. Il est à noter que le Maroc a déjà ratifié la convention des nations unies (CAT), et devenu partie au protocole facultatif du 18 décembre 2002 se rapportant à la Convention contre la torture (OPCAT) adopté Le 18 décembre 2002 et entré en vigueur le 22 juin 2006. Ce protocole qui complète la Convention , prévoit la création d'un mécanisme national de prévention de la torture, bénéficiant d'une indépendance fonctionnelle, de l'indépendance de son personnel et d'experts possédant les compétences et les connaissances professionnelles requises, disposant d'un staff compétent, indépendant, et des ressources nécessaires à son fonctionnement. Parmi les principales prérogatives de ce mécanisme de prévention figurent : – les visites régulières et inopinées à tous les lieux de privation de liberté ; – l'accès sans restriction à tous les renseignements concernant le nombre de personnes se trouvant privées de liberté dans les lieux de détention, le nombre de lieux de détention et leur emplacement ; – l'accès sans restriction à tous les renseignements relatifs au traitement de ces personnes et à leurs conditions de détention[4]. Dans ce cadre, je tiens à préciser que les personnes et les organismes qui communiquent des renseignements sur les actes de torture doivent jouir de l'immunité contre tout préjudice ou représailles, ce qui va permettre d'augmenter l'efficacité de ce mécanisme. 2 – Le mécanisme de recours et de protection des droits de l'enfant La protection des droits de l'enfant doit être considérée comme l'une des priorités qui lui permet de bénéficier des différentes mesures préventives à caractère social, éducatif, sanitaire . Ainsi que d'autres dispositions et procédures visant à le protéger de toute forme de violence, physique ou psychique ou sexuelle. L'enfant n'est plus présenté comme simple récipiendaire de services ou celui qui bénéficie de mesures protectrices, il apparaît plutôt comme sujet des droits et participe de ce fait dans les actions qui peuvent le toucher : tous les enfants ont des droits et des libertés inaliénables inhérents à la dignité de l'être humain[5]. Depuis l'année 1993, date de la ratification de la Convention des Nations Unies Relative aux Droits de l'Enfant (CRDE) de 1989, le Maroc a réalisé des progrès majeurs en matière de protection de l'enfance. Sans oublier que, le Conseil Consultatif des Droits de l'Homme , à l'époque , avec l'appui du gouvernement de l'alternance de Abderrahmane El Youssoufi , a veillé à intégrer les principes des droits de l'enfant dans les programmes d'enseignement des établissements scolaires, en appelant l'attention des pouvoirs publics sur les mesures susceptibles de favoriser la protection et la promotion des droits de l'enfant. C'est pourquoi le CNDH a entrepris une réflexion sur l'opportunité de mettre en place un mécanisme national de recours en faveur des enfants victimes de violation de leurs droits depuis l'année 2009[6]. Ce mécanisme de prévention souhaité depuis neuf ans, et qui a été concrétisé dans la nouvelle loi relative au CNDH, va renforcer le rôle de cette institution d'examiner la conformité de la législation nationale avec la Convention des Nations Unies Relative aux Droits de l'Enfant, au quelle le Maroc est partie. Par ailleurs, le CNDH, grâce à ce mécanisme, va renforcer sa position pour élaborer des rapports sur la situation droits de l'enfant au niveau national, ainsi que sur des questions spécifiques, recevoir et examiner des plaintes, et assurer une assistance juridique aux enfants victimes d'agressions physiques et sexuelles. 3 – Le mécanisme de protection des personnes en situation d'handicap. La Banque Mondiale estime que 25% des familles comportent au moins un membre en situation de handicap, et qu'une personne sur cinq parmi les plus pauvres du monde est handicapée[7]. En effet, les personnes handicapées sont souvent marginalisées et souffrent de la discrimination à leur égard, depuis le refus des possibilités d'éducation jusqu'à l'exclusion et l'isolement. Pour cette raison, l'Organisation des Nations Unies reconnaît que la défense des droits de ces personnes mérite une attention toute particulière, leur permet de jouir pleinement de leurs droits et liberté en toute égalité avec les autres personnes et en respect de leur dignité. En 2006, un comité spécial de l'Assemblée Générale de l'ONU, a adopté la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son protocole facultatif. Entrée en vigueur en 2008, elle s'appuie sur un certain nombre de principes, tels que : * Le respect de la dignité humaine; * Le respect de la différence et acceptation des personnes handicapées; * Le respect du principe de l'égalité des chances; * Le respect du développement des capacités de l'enfant handicapé; * Le respect du droit des enfants handicapés à préserver leur identité. Cette convention précise que les conditions dans lesquelles les libertés et droits fondamentaux s'appliquent aux personnes handicapées, et accorde une attention particulière aux domaines dans lesquels les droits des personnes handicapées sont violés. Certes, avec la ratification de la convention internationale des droits des personnes handicapées et de son protocole facultatif, le Maroc va s'orienter vers l'adoption d'une approche globale et intégrée qui dépasse l'approche purement solidaire, permettant de sauvegarder la dignité de la personne handicapée en garantissant l'exercice de ses droits, et surmonter les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société. Ainsi, avec l'instauration du mécanisme de protection des personnes en situation d'handicap, le gouvernement marocain s'engagera à présenter au Comité concerné un rapport détaillé sur les mesures entreprises pour s'acquitter de ses obligations en vertu de la présente Convention et sur les progrès accomplis à cet égard. D'autre part, le CNDH pourrait soumettre au gouvernement et au parlement, des recommandations, propositions et rapports relatifs aux droits des personnes handicapées, formuler des avis sur tous les projets et propositions de loi susceptible d'avoir un impact sur la jouissance des droits de ces personnes. Conclusion : Les nouveaux mécanismes du CNDH devront lui permettre d'être plus influent dans le domaine de la promotion des droits de l'homme. Cette institution indépendante devra effectuer des visites et établir des rapports réalisés au sujet des lieux de détentions, établissements pénitentiaires, centres de protection de l'enfance et de réinsertion, ou encore des établissements hospitaliers spécialisés dans le traitement des maladies mentales et psychiques et des lieux de rétention des étrangers en situation irrégulière. A cet égard, Le CNDH est appelé à coopérer avec le gouvernement, le parlement et les ONG nationales et internationales notamment pour promouvoir des catégories spécifiques des droits de l'Homme, sensibiliser l'opinion publique, élaborer des recommandations susceptibles de mettre fin aux actes de torture et tout comportements inhumain, d'améliorer la protection des droits de l'enfant et des personnes handicapées. Par Khalid Cherkaoui Semmouni Khalid Cherkaoui Semmouni est enseignant chercheur en sciences politiques et acteur des Droits de l'Homme [1] – Dahir n° 1-18-17 du joumada II, 1439 (22 février 2018) portant promulgation de la loi n° 76-15 relative à la réorganisation du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) a été publié au Bulletin officiel n° 6652 le 1er mars 2018. [2] – l'article 2 de la convention des nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants définit la torture comme : « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou tout autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles ». [3] – l'article 19 de la convention. [4] – les articles 17 et 18 du protocole facultatif du 18 décembre 2002 se rapportant à la Convention contre la torture (OPCAT) [5] – Noella SIMBI BANZA Mécanismes de répression des violations des droits de l'enfant – Université protestante au Congo – mémoire de fin d'étude, année 2009, p.19 [6] – Dans ce sens, un mémorandum d'accord conclu le 10 décembre 2009 ente le Conseil consultatif des droits de l'Homme « CCDH » et l'UNICEF, avec le soutien de l'Organisation internationale de la Francophonie « OIF », prenant en compte les recommandations du Comité des droits de l'enfant (2003). [7] – Une étude réalisée dans le cadre du projet LEAD par l'Université de Washington de Saint Louis, en partenariat avec le Collectif et Handicap International. Voir journal l'opinion du 06/03/2016.