Ecrit par Imane Bouhrara | Avec les nouvelles technologies, pourtant un formidable outil d'expression et de décloisonnement, nous sommes devenus une cible facile à la fake news, la manipulation, l'influence voire même de la propagande. Le malheur dans tout ça est que peu de gens ont conscience de leur degré d'exposition à des contenus qui ciblent leur libre arbitre et parfois la stabilité même d'un pays. L'essor des nouvelles technologies et des usages que les consommateurs en font sont souvent accompagnés par un autre sujet, celui de la cyber-sécurité. Comment se prémunir à l'heure des objets connectés des intrusions, des malwares, de cybercriminels qui videraient votre compte bancaire ou qui partageraient vos données les plus personnelles sur le dark web. Cela dit, face à cette menace que représentent les pirates informatiques, nous savons plus au moins à quoi s'en tenir. Mais il y une nouvelle forme de « cybercriminalité » qui ne cible pas vos biens mais votre propre libre arbitre à coup de fake news, de manipulation et d'influence. Et ça, peu en parlent et pourtant c'est l'un des biens les plus précieux d'un être humain « réfléchir de son propre chef pour décider », sauf si vous avez la compétence de déjouer les algorithmes et détecter les fake news et les faux profils, groupes et pages. A la longue ce n'est pas bien possible surtout lorsque ces nouvelles technologies communiquent avec notre subconscient, notre subtilité, nos préférences... que nous leurs avons livrées sur un plateau en or. La fake news, nouvelle arme fatale? De ce fait, votre cyber sécurité est engagée et pourtant il n'existe aucune réglementation aussi bien au niveau des Etats qu'au niveau du monde pour la protéger de manière efficiente. Vous voilà devenus la brèche, le maillon faible dans une chaîne qui nous dépasse, puisqu'elle se situe à l'échelle planétaire. En effet, la propagande et la désinformation, aussi vieilles que le monde, sont exacerbées sur les réseaux sociaux qui donnent un large public à ces inepties. En effet, selon IDeaS, le centre de démocratie de Carnegie Mellon University, qui s'est spécialisé sans la science de la cyber sécurité sociale grâce à des recherches sur la désinformation, les discours de haine, la cyber intimidation et les menaces internes, 60 % des comptes Twitter qui diffusent des contenus sur le coronavirus sont des robots qui participent à la désinformation. La prochaine guerre sera-t-elle numérique ? Si cela vous semble exagéré, peut-être serait-il utile de vous rafraîchir la mémoire avec le scandale de Cambridge Analytica, société qui avait collecté des données de millions de profils (plus de 87 millions de Facebook) et s'en est servie pour influencer les intentions de vote en faveur d'hommes politiques donnés, le cas des élections américaines en 2016 ou encore du Brexit dans le Royaume Uni. Désinformation, faux récits, fake news... la perversion des réseaux sociaux en a fait une véritable menace pour la stabilité même des Etats. En effet, dans le sillage du scandale de Cambridge Analytica, Facebook est pointé du doigt de ne pas avoir détecté une « opération de propagande étrangère » qu'aurait menée la Russie contre des intérêts américains. Vous imaginez bien que là, on ne parle plus d'algorithmes qui vous proposent la paire de chaussures que vous avez consultée sur un site de vente en ligne 5 minutes plutôt, mais de géopolitique internationale et d'une nouvelle arme d'un autre genre, la data, usitée dans une guerre numérique passée sous silence. Les Marocains et la fake news Au Maroc, il y a une menace nommée WhatsApp. En effet, non seulement nous pouvons être la cible de campagne de désinformation, pis, nous en devenons le relai ou le canal de diffusion. L'option de partage, un outil pourtant formidable pour être usitée à mauvais escient. En effet, lorsqu'on agit de manière inconsciente, on contribue à la désinformation. Mais, lorsqu'on diffuse en toute conscience un faux récit ou une fake news, le dessin derrière est souvent malintentionné. Et durant la Covid-19, nombreux sont les Marocains qui ont véhiculé des fake news sans le savoir, de fausses informations qui ont essentiellement ciblé les ministères de l'Intérieur, de la Santé et de l'Education nationale concernant les dispositions prises sous le coup de la pandémie. La mobilisation collective, une arme à double tranchant En l'absence des espaces de vie sociétale (bibliothèques, maisons de jeunes) et d'encadrement politique (partis), les jeunes et moins jeunes d'ailleurs, ont trouvé refuge dans les réseaux sociaux qui sont un espace magnifique d'expression et de revendication. Puis de la création de contenus ayant aidé à l'émergence de nouveaux leaders « numériques » avec parfois des popularités « planétaires ». Exit la participation sociétale conventionnelle, exit nos références nationales... l'ère digitale ne connaît pas de limite. Le risque est que ces réseaux sociaux facilitent le passage de l'exaspération individuelle vers l'émergence d'une cause défendue collectivement, une mobilisation collective à bon ou à mauvais escient. Et c'est là où réside le risque : l'anonymat, le manque de traçabilité et surtout la question de savoir « pour qui ça roule » ? Une défiance nécessaire puisque les nouvelles technologies sont en passe de refaçonner les sociétés. Au Maroc, la vigilance doit être redoublée par les usagers qui peuvent être la cible des ennemis de notre intégrité territoriale ou tout autre pays auquel le Maroc fait de l'ombre. Il est difficile à dire mais chaque citoyen devra dès lors opérer comme un journaliste en faisant le recoupement des infos et l'évaluation de la fiabilité des sources. Autrement, ne serions-nous pas des citoyens téléguidés à des fins inconnues ? En l'absence d'une loi, chacun pour soi, Dieu pour tous ! Il faut un éveil des consciences pour rester vigilant dans les usages que nous faisons des nouvelles technologies particulièrement le degré d'exposition sur les réseaux sociaux, le degré de crédibilité à accorder à une information et aussi face aux sources d'informations inconnues... pour pouvoir tirer profit de l'étendue de solutions apportées par ces technologies nouvelles, avec un minimum de sécurité ou avec moindre risque. Certes nous nous sommes tous rebiffés contre le projet de loi 22.20 sur l'usage des réseaux sociaux, reporté sine die par le gouvernement, mais un minimum de garantie sont nécessaires face à la rareté des articles de lois consacrés à la question. S'il y a une bonne leçon à tirer de tout ce brouhaha, c'est que les citoyens sont appelés face à toute information à faire preuve de maturité et surtout de bon sens. Ils sont par ailleurs appelés à prendre du recul avant d'être emportés par la vague du sensationnel. Autrement, ils risquent d'être pris au piège voire même s'ériger en victimes de l'effet moutonnier dont les conséquences s'avèrent souvent scandaleuses.