Alors qu'il vient d'être lourdement sanctionné par l'instance de régulation sectorielle, l'opérateur historique sera fixé dans l'affaire l'opposant à Wana Corporate fin février. Ce mois de février ferme son lot de mauvaises surprises pour Maroc Telecom ! En effet, l'opérateur entame ce mois sur un mauvais pied puisque près de quatre années depuis la saisine de Wana Corporate (en 2016), l'ANRT qui a instruit le dossier pendant trois ans, a épinglé IAM pour des comportements jugés constitutifs d'abus de position dominante, prohibés par les dispositions de l'article 7 de la loi précitée n°104-12, passibles d'une sanction pécuniaire dont le montant est fixé à trois milliards trois cent millions de dirhams, intégralement versé au Trésor Public. Une première dans l'histoire de cette agence qu'elle juge une affaire de cette taille et prononce une sanction pécuniaire aussi importante. Mais ce n'est pas tout ! Le Tribunal de commerce de Rabat prononcera également son jugement la dernière semaine de février, le 24 plus précisément, dans le procès intenté par Wana Corporate à Maroc Telecom, ouvert début 2018. La société d'inwi qui accuse IAM d'abus de position dominante, demande près de 6 Mds de DH de dommages et intérêts. Rappelons que depuis la récente Offre de Vente au Public d'actions Itissalat Al-Maghrib, l'Etat détient encore 22 % du capital de l'opérateur. Le dégroupage, pomme de discorde « historique » Ce problème de dégroupage a même été soulevé dans un rapport de la Cour des comptes et la Banque mondiale. Dans son rapport sur l'évaluation des services en ligne daté de mai 2019, la Cour des comptes souligne que « Malgré leur introduction depuis 2005, la mise en œuvre de certains leviers de régulation, comme le dégroupage, la co-localisation et le partage des infrastructures, connaissent toujours des problèmes opérationnels et tardent à produire les effets escomptés sur le secteur ». Pour sa part, la Banque mondiale avait rédigé en 2016, une note auprès du ministère de l'économie numérique sur le haut débit qui souligne que sur le marché du haut débit fixe (ADSL), dont la taille est restreinte avec 1,13 million de lignes en 2015, l'opérateur historique détient plus de 99% du marché malgré l'introduction du dégroupage dès 2008. La note préconisait la mise en place d'une régulation pour l'accès ouvert et non discriminant aux réseaux de communications des opérateurs de télécommunications et exploitants d'infrastructures alternatives, et en particulier, appliquer de façon effective la régulation existante sur le dégroupage. D'ailleurs, la Banque mondiale rappelle que la mise en œuvre du dégroupage est un sujet sur lequel les opérateurs et le régulateur sont en désaccord. Le régulateur estime qu'il n'a pas les outils pour faire appliquer ses décisions, notamment en matière de sanctions. L'opérateur historique estime que la non mise en œuvre du dégroupage dépend essentiellement de la stratégie et la volonté des opérateurs alternatifs à développer ce créneau. Les opérateurs alternatifs estiment que ce sont les conditions techniques et tarifaires proposées par Maroc Télécom qui empêchent la mise en œuvre du dégroupage. Pourtant, selon cette même note, on apprend qu'en mai 2016, Maroc Télécom indiquait que depuis l'introduction du dégroupage en 2008 seul WANA avait déposé 1.300 demandes de dégroupage auprès de l'opérateur historique (dont 1.100 ont été satisfaites) et que Meditel (Orange) n'avait fait que 200 demandes de bistream. La petite taille du réseau cuivre (recensé à 1,1 million de lignes ADSL en 2015 par l'ANRT) et les niveaux des prix pratiqués par Maroc Télécom, bien que régulés par l'ANRT, sont les facteurs qui expliquent le peu d'intérêt des opérateurs WANA et Meditel (Orange) pour le réseau ADSL, en dépit d'un regain d'intérêt ces dernières années. Ces derniers, plutôt que d'investir eux-mêmes dans les infrastructures filaires au niveau du réseau d'accès (qui sont fortement consommatrices de capitaux et difficile à rentabiliser à court terme) préfèrent revendiquer un accès partagé aux anciennes (cuivre) et nouvelles infrastructures déployées par Maroc Telecom au niveau de la boucle locale, ce que conteste Maroc Télécom. « En effet, l'opérateur historique ne conteste pas le dégroupage de la boucle de cuivre, qui est une infrastructure historique, mais souligne que le marché FTTH est émergent et nécessite forcément des investissements des différents opérateurs pour son développement. Or, l'ANRT impose une régulation symétrique sur les nouvelles infrastructures FTTH, rappelle la Banque mondiale. Et de noter que pour Maroc Télécom, cette régulation décourage actuellement l'investissement tout en encourageant l'attentisme des opérateurs concurrents qui préfèrent avoir un accès partagé aux infrastructures de Maroc Télécom que de déployer des infrastructures filaires. L'opérateur historique a pris acte de la décision du Comité de gestion de l'Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications relative aux pratiques anticoncurrentielles sur le marché du fixe et des accès à internet fixe à haut débit et se réserve la possibilité d'exercer les voies de recours prévues par la loi. Quid de l'avis du régulateur national ? En novembre dernier, le Conseil de la concurrence (CC) a réuni autorités de la concurrence de divers pays et régulateurs sectoriels nationaux autour des politiques et droit de la concurrence. L'un des objectifs de cette rencontre était justement la convergence des actions du fait de la convergence des missions entre les régulateurs pour que tout le monde s'inscrive dans le cadre de la construction d'un écosystème national intégré de la concurrence au sens où la lutte contre la corruption, la protection des données à caractère personnel, la médiation, la justice puissent faire partie de ce dispositif intégré appelé à former cet écosystème concurrentiel national. Cette synergie entre le Conseil de la concurrence en tant que régulateur national et l'ANRT en tant que régulateur sectoriel, aurait certainement été un plus sur un dossier pareil. Certes l'Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications s'est vue attribuer, en vertu de la loi n° 55-01 modifiant et complétant la loi n° 24-96 relative à la poste et aux télécommunications, des prérogatives spéciales en matière de régulation de la concurrence. Mais, selon l'article 5 de la loi N°20-13 relative au Conseil de la concurrence, ce dernier donne son avis sur toute question relative à la concurrence à la demande, entre autres des instances de régulation sectorielle... Le conseil doit donner son avis ou fournir sa consultation, selon le cas, dans un délai n'excédant pas 30 jours. Il peut, le cas échéant, demander à la partie concernée de proroger ledit délai pour une durée ne dépassant pas 30 jours. Ajoutons à cela la loi 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence qui dans son article 109 dispose que « Hormis les cas où les rapports entre les instances de régulation sectorielle et le conseil de la concurrence sont réglés par les textes institutifs desdites instance, la compétence du Conseil de la Concurrence, telle que prévue par la présente loi, sera appliquée à l'égard des secteurs relevant des autres instances de régulations à une date qui sera fixée par voie réglementaire ». La partie promet des prolongations !