En matière d'amnistie, le Maroc n'est pas à son coup d'essai. La programmation d'une nouvelle risque d'être un coup d'épée dans l'eau pour moult raisons. Des amnisties Le déficit des comptes publics n'est pas de la petite bière. Pour limiter sa percée, l'ex-boss de la Banque Populaire, Mohamed Benchaâboun, qui a la bosse des finances privées, n'est pas venu aux finances publiques les mains vides : un mode de financement novateur et un bouquet d'amnisties. Une amnistie sur le cash caché dans les cavernes, une autre sur les avoirs qui séjournent clandestinement à l'étranger, une autre sur les chèques émis en papier mais préférant l'origine à savoir le bois, et enfin sur les impôts éludés. L'amnistie présentée par les pouvoirs publics comme étant une occasion unique qui ne se reproduira plus, qualifiée par d'autres comme étant une prime à la fraude, désignée par certains comme moyen de réconciliation... reste pour les analystes économiques comme une magnanimité d'un pays envers des coupables qu'il serait trop onéreux de sanctionner. Les messages de l'amnistie En matière d'amnistie, le Maroc n'est pas à son coup d'essai. La programmation d'une nouvelle risque d'être un coup d'épée dans l'eau. En effet, on ne peut absoudre celui qui ne se repent pas. Il est vrai que la programmation répétitive des amnisties crée un sentiment d'injustice chez les redevables de bonne foi. Aux yeux de ces derniers, l'amnistie, synonyme de l'oubli, constitue une atteinte au principe de l'équité fiscale. L'ivraie se trouve ainsi réhabilité à un prix largement inférieur à celui supporté par le bon. Une telle situation contribuerait à la prolifération de la fraude suite à l'amenuisement du sentiment de culpabilité chez les redevables jusqu'alors très probes. La fraude s'avère alors une épidémie contagieuse. La programmation de l'amnistie peut être également interprétée comme une incapacité de l'administration devant la prolifération de l'évasion fiscale ou autres. En effet, la décision de frauder est une équation à multiples variables dont la plus déterminante est celle afférente à la probabilité de tomber sous le contrôle fiscal. L'opération de contrôle fiscal ou autres est très onéreuse. Elle nécessite des moyens humains et matériels et des travaux d'investigation que le Budget de l'Etat est dans plusieurs cas incapable de les satisfaire. L'arbitrage coût-avantage est favorable à la programmation de l'amnistie. Seulement, les recettes directes de l'amnistie ne doivent pas en cacher les coûts. Dans plusieurs cas, les recettes fiscales ont été sujettes à correction à la baisse après une telle opération. L'amnistie a elle seule ! Pour que l'opération soit productive à court et à long terme, les pouvoirs publics auraient dû accompagner l'opération par une réforme fiscale globale. Cette dernière devrait se concentrer sur la révision à la baisse de la pression fiscale. La maximisation des sanctions associée à l'évasion, la mise à la disposition des services de contrôle de tous les moyens pour l'exercice de leurs fonctions et enfin la création d'un système d'intéressement de contrôleurs aux fruits de leurs missions. Un tel écosystème permettrait une adhésion massive des contribuables à l'opération. Ils seront certains que la seconde chance n'est pas de mise et que le coût du contrôle fiscal sera alors fatal. Jusqu'à présent, l'amnistie se résume en une recette qui alimenterait le budget de l'Etat. Mais elle peut également se traduire positivement sur l'économie nationale. Dans cet ordre d'idées, le bénéfice de l'amnistie devrait être proposé selon des packs différents. On ne pourrait taxer celui qui rapatrie ses avoirs et se contente de les déposer en banque de la même manière que celui qui les injecte dans l'économie nationale sous forme d'investissement mobilier ou immobilier. On ne peut également taxer celui qui procède après amnistie à la distribution des résultats, jadis camouflés, de la même manière que celui qui en procède au réinvestissement. L'amnistie ne doit être pas une opération aveugle mais une opération propre. Sous aucun prétexte, les revenus issus des milieux douteux ne peuvent être admis dans la masse. L'Etat doit être vigilant à ce sujet en s »interdisant de blanchir l'argent sale. Une liste des personnes faisant l'objet de poursuite par les services de l'Etat ou fichées dans ses centrales d'information doit dressée et communiquée aux différents intervenants dans l'opération. Et la société Malheureusement, les pouvoirs publics nous ont gratifiés d'un mode de financement novateur et d'une amnistie des plus classiques. Nous souhaitons toute la réussite à cette opération qui donnera une bouffée d'oxygène au budget. Toutefois, l'importance de la recette renseignera sur le degré de faillite notamment morale de notre société. Que les adhérents à l'amnistie sachent qu'ils peuvent purifier leurs richesses mais ne seront jamais pardonnés par la société. En effet, par leurs attitudes individualistes, ils ont privé des générations d'une vie digne et décente.