Ecrit par Lamiae Boumahrou | Alors que l'opinion publique attendait une solution du gouvernement sur l'affaire de la Samir, voila que le dossier a pris une nouvelle tournure inattendue par le marché. Le tribunal de commerce a accordé l'exclusivité de la location à une société privée de distribution de carburants sans lancer un appel d'offres. Une décision qui a fait sortir le Front national pour la sauvegarde de la Samir de ses gonds. Nouveau rebondissement dans le dossier de la Samir. Alors que l'opinion publique attendait les scénarios techniques et économiques que le gouvernement devait examiner pour aboutir aux solutions appropriées au dossier de la Samir, une décision inattendue vient briser le silence qui a longtemps marqué ce dossier. En effet, après que le tribunal de Commerce de Casablanca ait annulé sa décision de location des réservoirs de la Samir à l'Etat (un an et demi après son accord de location), le tribunal vient d'accorder l'exclusivité de la location à une société privée de distribution de carburants. Le 25 octobre 2022, le tribunal de commerce a émis son jugement n°1451 appelant le syndic de la Samir à conclure le contrat de location des réservoirs à une société (lit-on sur mahakim.ma). Une décision qui a indignée le Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole (FNSRMP) qui s'est fendu d'un communiqué à l'issue d'une réunion tenue le lundi 28 novembre 2022 par son bureau exécutif. « Le bureau s'étonne de la décision du tribunal d'accorder l'exclusivité de la location à une société privée de distribution de carburants sans lancer un appel d'offres, seule procédure pouvant aboutir au choix de la meilleure offre dans une transparence totale », lit-on dans ledit communiqué. Il semble qu'après cette annulation, qui a fait rater à l'économie marocaine une occasion en or pour profiter des baisses de cours sur le marché international lorsque le baril était au plus bas (en période de crise Covid), une société de petite taille, selon nos sources, et nouvellement créée en 2019 aurait déposé une demande d'exploitation des réservoirs de la Samir. Il s'agirait de la société BGI Petroleum, détentrice du réseau des stations-service YOOM, qui a déposé une demande d'exploitation approuvée par le tribunal de commerce. Actuellement, le syndic, qui est tenu d'exécuter les instructions du juge-commissaire, est en phase d'élaborer ledit contrat pour signature. La goutte qui fait déborder le vase Cette décision tombe comme un couperet sur le Front national qui s'est étonné de voir l'Etat se rétracter et s'abstenir d'utiliser les capacités de stockage de la société SAMIR pour constituer les stocks nécessaires permettant de faire face aux violentes perturbations du marché mondial de l'énergie pétrolière. « Le Bureau Exécutif refuse que cette décision soit le prélude à un plan délibéré de mise à mort de la société SAMIR à travers un démantèlement progressif et systématique de son patrimoine, qui aboutirait, in fine, à l'extinction des industries de raffinage pétrolier au Maroc. Le gouvernement Akhannouch est tenu pour responsable de la fuite en avant empêchant un retour normal de la production au sein de la société la société SAMIR par l'acquisition de ses actifs par l'Etat via une conversion des créances publiques », a martelé le Front. Rappelons que le Front était monté au créneau pour dénoncer la décision de l'Etat de déposer une demande d'exploitation des réservoirs auprès du tribunal de commerce coupant ainsi la route à plusieurs opérateurs privés qui avaient suscité leur intérêt en 2020. Des opérateurs qui s'étonnent aujourd'hui de cette décision qu'ils jugent d'inéquitable. « On se demande comment on est passé d'une location des réservoirs de la Samir à l'Etat à une location à une petite entreprise sans lancement d'un appel d'offre et sans donner la possibilité de choisir le mieux offrant pour garantir les intérêts de la raffinerie », nous précise une source qui cherche à garder l'anonymat. De son coté le Bureau Exécutif a considéré que, par cette attitude, le gouvernement tombe dans le piège des lobbies soutenus par l'alliance entre le pouvoir et l'argent, et accorde sa bénédiction et son silence aux terribles dysfonctionnements du marché des hydrocarbures et à l'accumulation de plus de 50 Mds de DH de profits obscènes par les leaders de la distribution de carburants. Le Bureau Exécutif a également dénoncé dans son communiqué la politique du Conseil de la concurrence qu'il a qualifiée de « tergiversations et de procrastination ». Le Front a ainsi enjoint le conseil à se prononcer sur la plainte transmise depuis novembre 2016 par la Confédération démocratique du travail au sujet de l'entente des distributeurs sur les prix des carburants, et ce après l'adoption du nouveau cadre légal bien qu'il renferme de nombreuses anomalies. En effet, le Conseil est très attendu sur le dossier de soupçons d'entente sur les prix des hydrocarbures qui a été mis en veille en attendant l'adoption du nouveau cadre réglementaire régissant le conseil de la concurrence ainsi que la loi sur la liberté des prix et de la concurrence. « Le Bureau Exécutif appelle à un changement immédiat des membres du Conseil de la concurrence en raison de leur responsabilité collective dans les rapports contradictoires sous la présidence précédente et afin d'assurer toutes les garanties nécessaires pour que le Conseil puisse s'acquitter de ses obligations constitutionnelles en toute indépendance et liberté et sans aucune ingérence extérieure dans la politique de lutte contre toutes les pratiques contraires à la loi sur la liberté des prix et la concurrence », a plaidé le Front. Et d'ajouter « le Conseil de la concurrence est, par ailleurs, exhorté à agir pour assurer une véritable concurrence entre les opérateurs afin de baisser les prix des produits pétroliers raffinés, protéger les droits des grands et petits consommateurs et limiter l'exubérante rentabilité financière du secteur de la distribution des hydrocarbures au Maroc, dont le niveau avoisine dans certains cas le seuil de 80%! » .