La forte progression des cours des matières premières en 2021 ne peut occulter qu'elle s'est inscrite dans un contexte sanitaire, mais également économique et géopolitique, particulièrement instable. Quid de 2022, sera-t-elle également placée sous le signe de l'instabilité. L'analyse de Policy Center For The New South (PCNS) ? 2021 aurait pu être une année de normalisation pour les marchés mondiaux de matières premières après les chocs de demande et d'offre induits en 2020 par la pandémie de la COVID-19. Il n'en fut rien avec l'apparition de fortes tensions liées au redémarrage très rapide de l'activité économique dans le prolongement du second semestre 2020, aux difficultés consécutives sur le fret maritime (sur le segment des conteneurs tout particulièrement), ainsi qu'au déclenchement de la crise énergétique en Asie et en Europe. Qu'en sera-t-il pour 2022 ? Une fois encore, les incertitudes sont grandes avec, en premier chef, la situation sanitaire et, par voie de conséquence, celle de l'économie mondiale. Dans ses Perspectives économiques mondiales publiées en janvier de cette année (Banque mondiale, 2022), la BM prévoyait ainsi une croissance mondiale à 4,1 % en 2022, en nette décélération par rapport à 2021 où elle devrait atteindre, pour cette institution, 5,5 %. Début décembre, l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) estimait, pour sa part, que l'activité économique progresserait de 4,5 % en 2022 (OCDE, 2021). Les risques baissiers pour l'économie mondiale demeurent cependant très présents. La BM considère, en effet, que si le variant Omicron venait à perturber l'activité économique, entre 0,2 et 0,7 point de pourcentage de PIB pourrait être perdu. Intimement liée à la réalité économique et sanitaire mondiale, la question de l'inflation sera tout aussi centrale. Celle-ci est assurément complexe, en raison des multiples relations endogènes dans lesquelles elle s'inscrit. Comme en 2021, elle dépendra en effet, en premier lieu, des problématiques de disponibilités de main-d'œuvre, elles-mêmes étant intrinsèquement liées à la situation sanitaire. Elle sera, en deuxième lieu, fonction du niveau des prix de l'énergie, alors que ceux-ci seront pour partie déterminés par le niveau de l'activité économique. L'interdépendance relative entre l'inflation et les cours des matières premières ne peut, en dernier lieu, être ignorée : la hausse de ces derniers entraîne celle du niveau général des prix qui, en retour, pousse traditionnellement (toutes choses égales par ailleurs) les investisseurs à se positionner sur le segment des commodities perçu comme un rempart contre l'inflation. En dépit de ces points de complexité, le consensus semble établi : l'inflation demeurera significative sur la première partie de l'année 2022. L'OCDE l'anticipe à 4,25 % pour les pays de la zone et à 3,5 % dans les grandes économies avancées. La dynamique du prix des matières premières sera tout autant la cause que la conséquence des développements macroéconomiques évoqués ici et l'on comprendra aisément, pour cette raison, que le degré d'incertitude entourant tout exercice prospectif ne peut être qu'élevé. Toutefois, si l'on considère qu'une fraction des hausses observées en 2021 s'explique par le très rapide redémarrage de l'activité économique et par la relative impréparation des chaînes de valeur face à ce rebond, une stabilisation peut être espérée dans le domaine des métaux de base et de l'énergie. Ceci ne devrait cependant pas empêcher des niveaux élevés et la persistance de fortes tensions sur certains métaux associés à la transition environnementale et numérique. Sous l'hypothèse qu'un choc d'offre non anticipé ne survienne pas, une même stabilisation peut être attendue sur la plupart des produits agricoles, à la faveur d'une augmentation de la production. Le potentiel de prix haussiers demeure cependant présent sur un certain nombre d'entre eux, notamment au travers du phénomène climatique La Nina ou, dans un tout autre domaine, d'une demande accrue provenant de l'industrie des biocarburants. À plus long terme, les effets structurels liés à l'essor démographique, à l'urbanisation des pays émergents ainsi qu'à la transition vers une économie mondiale décarbonée ont largement été discutés. Souvent mal compris, le risque d'un sous-investissement dans certaines énergies fossiles (gaz naturel, pétrole) – i.e. conduisant à une réduction plus forte de l'offre que celle de la demande – pourrait conduire à une élévation de leurs prix et, potentiellement, de celui de l'électricité. Perçue favorablement pour certains, puisque cette hausse constitue une incitation économique supplémentaire à se désengager de telles énergies, elle ne serait pas pour autant sans conséquences économiques et sociales importantes (élévation du coût de production et donc du cours des engrais pesant sur l'offre et les prix agricoles, élévation des tarifs de l'électricité payés par le particulier) si elle ne s'accompagne pas de mesures fortes et structurelles de la part des pouvoirs publics.