Si l'engouement des Marocains pour ces «temples de la consommation» est palpable et même en l'absence d'études ou d'enquêtes à ce sujet, la grande majorité des Marocains sont plutôt restés attachés à leurs habitudes d'achat d'antan. En fait, le constat révèle que leurs choix de points de vente dépendent des produits achetés, mais aussi des caractéristiques des ménages, notamment de leur lieu de résidence et de leur niveau de vie. Tous les consommateurs ne fréquentent pas leurs lieux d'approvisionnement de la même manière ni pour les mêmes motifs. Le recours aux commerces traditionnels dépend, d'abord du domicile mais généralement augmente avec la densité urbaine. Pour leurs achats alimentaires, les habitants des communes rurales et petites villes privilégient les commerces proches de leur domicile, et les ruraux parcourent les plus grandes distances pour faire leurs courses dans les souks. Dans les communes rurales l'offre locale est en effet plus réduite ; ces communes représentent les deux tiers des communes du pays, mais n'abritent qu'un nombre réduit des points de vente d'alimentation. De même que dans les grandes villes, les commerces de détails restent le lieu de prédilection pour les couches populaires. Si les petits commerces ou marchés de quartier maintiennent leur poids dans les dépenses de ces ménages, c'est qu'il s'agit d'une culture ancrée chez celle-ci permettant la proximité, mais combinant aussi des préoccupations liées à la question du prix (globalement plus élevé sur ces produits en grande et moyenne surface), de la qualité mise en doute, et du manque de fraicheur des denrées achetées. Toutefois, rien ne permet d'affirmer que la culture de l'approvisionnement dans les grandes surfaces ou même dans les superettes qui commencent à envahir les quartiers, n'est pas rentrée dans les habitudes de consommation quotidienne des Marocains. La cadence de leur fréquentation atteste de la place que la grande distribution a conquise dans les habitudes des urbains. On constate, en effet, qu'au minimum, les ménages se rendent dans leur supermarché une fois par mois. La fréquence la plus courante est plutôt une fois par semaine. Certains viennent tous les jours pour faire leurs achats de la journée. L'âge est, également, un élément de différenciation qui pèse dans le choix des lieux d'achats. Ainsi, faire ses courses auprès des supermarchés est une pratique plus fréquente chez les jeunes ménages. D'ailleurs, quel que soit le produit acheté, plus la personne de référence du ménage est jeune, plus la part des dépenses réalisées sur ces lieux est importante. Il est vrai que notre «nouvelle vie», très marquée par le consumérisme ambiant a entraîné une nouvelle manière de faire ses courses, tout comme les villes hyper rapides. Elle s'accompagne d'une culture de consommation exigeante et en expansion, d'un système économique en harmonie avec les exigences de la mondialisation. Aussi, l'idée du mall et de l'hypermarché a fini par s'imposer. Mais, est-ce la fin de nos petits commerces de quartier ? Ces grandes surfaces menacent-elles l'existence même du petit commerce local, qui constitue le gagne-pain de millions de familles à travers le pays ? Rien, dans le contexte marocain ne permet de l'affirmer. En fait, c'est tout le commerce de proximité qui monte en puissance. On peut même dire que l'implantation des grandes surfaces a entrainé une partie de ces petits commerces dans un mouvement de modernisation de leurs magasins pour «suivre la tendance». Ces points de vente ont en commun d'être proches du domicile de leurs clients ou situés sur le trajet que ceux-ci empruntent pour se rendre à leur travail et de proposer une offre plus limitée que les hypermarchés. Le souci de gagner du temps est aussi présent chez les ménages. Certains consommateurs, notamment dans les catégories de revenus moyens et supérieurs, estiment, en effet, qu'ils ont mieux à faire que de perdre deux heures dans un magasin trop grand et trop éloigné de leur domicile. Autre sujet d'insatisfaction des clients : l'offre de produits. Certains la jugent trop touffue, encombrée d'articles superflus et pas assez centrée sur leurs besoins réels en alimentaire. Les consommateurs pointent souvent du doigt l'abondance de références et l'excès de promotions en hyper et de ce fait, ont davantage de mal à résister aux tentations et à maîtriser leur budget.