Organisé principalement par Challenge Hebdo, le colloque sur «Le partenariat franco-marocain et la perspective de l'Union de la Méditerranée», tenu le 8 novembre dernier au Sénat français, a fait salle comble, rassemblant d'éminentes personnalités diplomatiques et économiques. Ce sont les diplomates qui ont donné le ton. En effet, Alain Le Roy, ambassadeur français nommé en octobre pour déployer le projet d'Union de la Méditerranée, intervenait pour la première fois publiquement à Paris, et apporta des précisions jusqu'ici inédites, toutes fraîches, dont certaines inspirées de l'enseignement de sa tournée en cours sur la rive sud. Concernant d'abord les pays «éligibles», il décrivit le «premier cercle» comme étant naturellement celui des pays riverains. Afin d'apaiser certaines appréhensions qui se sont fait jour en Europe du nord, l'Union Européenne sera aussi membre de droit, représentée par les «éminences» de la Commission, à savoir le président Manuel Barroso, le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) Javier Solana, ainsi que Mme Benita Ferrero-Waldner, la Commissaire européenne aux Relations extérieures. L'ambassadeur Le Roy a notamment insisté sur la méthode «participative» (il passe actuellement l'essentiel de son temps à visiter les dirigeants méditerranéens) qui est la marque de ce projet ambitieux. Participative, car tous les pays concernés sont invités à faire connaître expressément leurs attentes et souhaits, fait unique à ce jour dans l'Histoire des relations Nord-Sud et d'ailleurs conforme à la volonté exprimée par SM le Roi Mohammed VI qui, le premier des chefs d'État du Sud, déclara son soutien au projet tout en affirmant aussitôt sa détermination d'y participer «en amont», soit au niveau de la conception. Des priorités claires Fathallah Sijilmassi, ambassadeur en France de SM le Roi Mohammed VI, déclara, à son tour, que pour le Maroc, les priorités sont claires : tout ce qui existe en faveur de la coopération euroméditerranéenne doit certes être conservé et renforcé, mais ce projet nouveau et spécifiquement méditerranéen, qui se bâtit sur une base partenariale, est une chance historique, une vision d'avenir que le Maroc soutient et accompagnera pleinement : «L'initiative française présente le mérite d'avoir posé l'idée sur la table. Nous avons l'occasion historique de contribuer à une initiative en train de naître, où l'on nous demande de nous exprimer, d'apporter nos idées et propositions, d'être acteurs d'un processus qui intégrera nos propositions. C'est une occasion historique à ne pas rater. D'où le militantisme marocain : nous voulons en être et apporter notre valeur ajoutée à ce projet porteur d'espérance et d'avenir». Premier intervenant sur la thématique économique, Philippe de Fontaine Vive Curtaz, vice-Président de la BEI, en charge de la FEMIP (Facilité Euroméditerranéenne d'Investissement et de Partenariat), a pris la parole pour expliquer notamment que «chaque année, à l'heure actuelle, nous engageons entre 300 et 400 millions d'euros de financement pour le seul Maroc. Si pour l'ensemble de la Méditerranée nous étions capables d'atteindre ce niveau-là, nous aurions un partenariat d'un volume tout à fait significatif. Mais, il faut le dire, notre performance avec le Royaume a été rendue possible grâce à la qualité de l'administration et du gouvernement marocains. Et nos interlocuteurs marocains siègent toujours à très bon niveau, apportent des idées dans tous les comités que j'ai mis en place pour organiser le partenariat économique et financier.» Philippe de Fontaine Vive se félicita aussi d'avoir été sollicité pour tous les plans d'équipement public du Maroc, et d'avoir pu ainsi contribuer à financer les autoroutes, les routes rurales, les assainissements, les aéroports, l'électricité… «On ne fait pas différemment en Europe. Nous sommes là sur un pied d'égalité», conclut-il. Peut-on faire mieux encore, et propager l'exemplarité de cette coopération en multilatéral à l'échelle de la Méditerranée ? Fidèle à son habitude, Jean-René Fortou, président du conseil de surveillance de Vivendi (actionnaire majoritaire de Maroc Télécom) et co-président (avec Mustapha Bakkoury) du GIEFM, commença son intervention par les chiffres de la consommation téléphonique au Maroc, qui a encore crû de 42 % au premier semestre 2007, contre plus 40 % en 2006 et plus 37 % en 2005. «Cette consommation fortement croissante de cet outil de consommation de l'économie moderne démontre qu'il se passe vraiment quelque chose d'exceptionnel actuellement au Maroc», commente Jean-René Fortou. A la question de savoir si la réussite du GIEFM, qui a attiré en deux ans de très nombreuses entreprises est duplicable, M. Fortou répondit en apportant des éclaircissements sur «la bonne pratique» qui pouvait expliquer un tel succès. «C'est parce que le Maroc a su établir des plans stratégiques clairs, souples, cohérents que nous avons pu agir. D'abord en les « challengeant », avec l'expertise de grands groupes leaders dans leur catégorie (Accor, Safran, Cap Gemini...) puis en les incitant à adopter le rôle de locomotive, dont l'implantation a inévitablement entraîné celle d'une multitude de sous-traitants». Aujourd'hui, l'exemple du GIEFM peut effectivement servir de modèle pour l'avenir en Méditerranée. À condition cependant que les entreprises disposent d'un cadre clair et cohérent pour agir, comme c'est le cas au Maroc. C'est l'indispensable point de départ... Président de la Chambre Française de Commerce et d'Industie de Casablanca, la plus importante Chambre internationale française, Jean-Luc Martinet s'attacha surtout à promouvoir le choix du Maroc comme site d'implantation pour une «multilocalisation de proximité», selon son expression. S'adressant principalement aux dirigeants français, il décrivit avec un plaisir visible les nombreux attraits du Maroc, «un pays aux institutions politiques stables et à l'administration de plus en plus efficace, un marché intérieur important et en croissance, des équipements structurants considérables en cours de réalisation, le dynamisme et le volontarisme d'une population amicale et souvent francophone (...), la tradition de libéralisme économique du Royaume, qui se traduit par les nombreuses libertés entrepreneuriales et fiscales, la présence sur place d'un réseau bancaire sophistiqué et efficace, l'émergence d'une bourse très demandeuse, une proximité immédiate de l'Europe, l'exemplarité de la relation franco-marocaine...», sans oublier le rôle de plate-forme que représente le Maroc vers le sud africain, le Maghreb et au-delà. Marc Thépot, président-directeur général d'Accor Gestion Maroc – 3 .000 salariés pour 30 implantations et 70 prévues – souligna que «la première condition d'un bon partenariat, c'et justement de trouver des… partenaires ! Nous nous sommes installés au Maroc avec des partenaires marocains également investisseurs. Ils ont un rôle important, puisqu'ils donnent d'une part une légitimité à notre présence dans le pays, ce qui lève la suspicion éventuelle sur l'investisseur étranger qui, notamment dans l'hôtellerie, intervient en management mais n'investit jamais». Partenariats fondateurs Le deuxième point, c'est d'endosser la vision stratégique du tourisme, exprimée dans le plan vision 2010, et d'épouser la dynamique globale du Maroc : les entreprises qui veulent se développer au Maroc sont tenues à la dynamique sociale, et notamment à l'alphabétisation. Autre point à prendre en compte : l'environnement, tout ce qui touche au tourisme durable, car on sait que l'hôtellerie est aussi un secteur polluant, par exemple les golfs consomment beaucoup d'énergie… il faut donc avoir une approche responsable, globale et éthique. Dans le cadre UMed, « des groupes comme les nôtres peuvent en effet mettre leur logistique au service du projet, et réitérer la réussite que nous connaissons au Maroc, grâce notamment à une coopération très forte et une réelle proximité culturelle», estima Marc Thépot. Pour François Courtot, directeur délégué à l'international du groupe Safran, «la qualité des ingénieurs, de l'encadrement, et du matériel nous ont inclinés vers le choix du Maroc, il y a dix ans, lorsqu'il nous fallait décider d'une implantation pour la maintenance de nos moteurs embarqués sur les avions des compagnies africaines. Depuis, nous n'avons qu'à nous en réjouir, ce fut une opération très fructueuse, les résultats dépassent largement nos espérances : à partir du Maroc, nous touchons 25 compagnies aériennes qui envoient leurs moteurs à Casablanca. 80 moteurs y sont traités par an, nous sommes au-delà du seuil de compétitivité, 60 moteurs par an. Aujourd'hui, nos six co-entreprises créées au Maroc représentent un pôle stratégique pour notre groupe, et je précise que nous n'employons que 80 expatriés pour un effectif total de 1.500 personnes, que nous pensons porter à 2.000 d'ici à 2008. Bientôt, nous serons confrontés à la question de la maintenance de nos moteurs en Libye. C'est depuis notre structure marocaine que nous essayons actuellement de prendre en charge ces besoins nouveaux en Libye. Peut-être pourrons-nous, grâce à notre partenariat avec Royal Air Maroc, générer ainsi des partenariats sud-sud entre Maroc et Libye et, au-delà, dans l'UnionMed ! »